20 avril 2024

Culture et tourisme : Quels enjeux pour une reprise réinventée ?

  • Culture et tourisme : deux secteurs complémentaires et inséparables l’un de l’autre
  • Le Maroc foisonne de richesses culturelles qui n’attendent que la valorisation et le marketing
  • Le retard dans la réalisation de projets culturels est un obstacle pour le développement du tourisme

Dans le cadre de son cycle de conférences des Mardis du Tourisme, OCA Consulting a organisé le mardi 26 avril, sa 28ème édition sous le thème; Culture et tourisme : quels enjeux pour une reprise réinventée? M. Abdelkader Retnani, vice-président de la fédération des industries culturelles et créatives et M. Azeddine Skalli, président groupe S’Tours et du Moroccan Travel Management MTM Club étaient invités à prendre part à ce débat. M. Othmane Chérif Alami, président d’OCA Consulting  a commencé par la présentation des atouts du tourisme culturel en tant que créneau résistant clé de la reprise touristique. La richesse du patrimoine matériel et immatériel du Maroc n’est plus à prouver. D’ailleurs, M. Chérif Alami, sous sa casquette de président du CRT de la région Casablanca Settat a un ambitieux plan de capitalisation et de promotion du patrimoine culturel de la région combiné à l’offre touristique de la destination. Dépendant l’une de l’autre, le tourisme et la culture représentent donc un binôme inséparable pour le développement du secteur. Pour Mme Bouchra Taibi, modératrice du débat, les secteurs du tourisme et des industries culturelles font partie des secteurs qui ont le plus souffert de la pandémie durant plus de 22 mois. L’organisation mondiale du tourisme définit le tourisme culturel comme les mouvements de personnes obéissant à des motivations essentiellement culturelles tels que les voyages d’études, les tournées artistiques et les voyages culturels, la visite de sites et de monuments, les déplacements pour assister à des festivals ou autres manifestations culturelles, les voyages de découverte de la nature, du folklore, de l’art et les pèlerinages.

Maroc: Terre de lumière ; une campagne où on célèbre le patrimoine

Le débat s’est ouvert par le visionnage de la vidéo officielle de la campagne de l’ONMT, «Maroc: Terre de Lumière».  Pour M. Retnani, La campagne est intéressante. «Cependant, l’ONMT pouvait mieux faire en faisant mieux référence à la culture», ajoute-t-il. Par contre, ce dernier applaudit la prise de conscience de l’Etat à travers les discours du chef du gouvernement sur la dimension culturelle du développement rassurant ainsi le secteur des industries culturelles. Au même moment, il déplore l’absence de pérennité des manifestations culturelles dans la grande métropole économique dont la marque Casablanca n’est pas suffisamment mise en valeur à l’international. Trouver de nouvelles idées et promouvoir la culture dès l’école sont les solutions préconisées par M. Abdelkader Retnani. Pour M. Azzedine Skalli, plusieurs aspects de notre patrimoine culturel; les mosquées, les cathédrales, les M’sids, les synagogues, la poterie, la broderie, l’art de la table, la Tbourida ont été traités dans la campagne de l’ONMT: Maroc ; terre de lumière. M. Skalli considère le peuple marocain comme véritable porteur de la culture populaire marocaine dans les Médinas. «C’est un véritable musée à ciel ouvert offert aux touristes et aux habitants. Les touristes qui viennent visiter le Maroc sont avides de connaître notre culture, notre histoire, notre approche de l’Islam et nos coutumes que nous avons transmis de génération en génération», résume-t-il en rappelant que l’histoire d’amour entre le tourisme et la culture a fini par un mariage de raison.  M. Retnani partage cet avis en affirmant que la culture et le tourisme sont complémentaires. Pour lui, prévoir par exemple une brochure ou un livre sur l’histoire de Casablanca dans les chambres d’hôtels de la ville permettrait au touriste de mieux connaître l’histoire de la ville et de faire venir de nouveaux touristes. M. Skalli apprécie l’idée que le CRT CS pourrait concrétiser avec les hôteliers de la ville.

Les apports du tourisme à la culture et vice-versa

Le Président du MTM Club rappelle, dans ce cadre, les apports du tourisme et de la culture dans le développement. «Le tourisme contribue aux schémas locaux  de développement touristiques. Il apporte des compétences, des stratégies, la mise en place d’équipements et d’évènements culturels et une bonne connaissance des usages du numérique. La culture, elle, offre un patrimoine, des musées, des sciences et des arts, un parcours d’activités créatives. L’offre de culture comprend tout notre patrimoine immatériel, dégustation de gastronomie, nos fêtes, notre savoir-faire, nos coutumes…», explique-t-il.Il rappelle également que le patrimoine amazigh, base de notre culture locale et antérieure de quelques milliers d’années à la culture arabe a constitue encore les Moussems, les Souks, la Tbourida, la cuisine rurale, pastorale et le logement chez l’habitant tant appréciés par les touristes. M. Retnani évoque pour sa part le succès du festival Gnaoua à Essaouira, ville de 75.000 habitants qui accueille 250.000 personnes en l’espace de l’évènement. Le festival d’Assila, créé par Mohamed Benaissa, a pour sa part attiré des visiteurs des 5 continents encourageant même des artistes à s’installer dans la ville. Il considère les deux festivals comme étant les seuls ayant marqué les esprits regrettant l’absence de grands festivals dans sa ville natale. M. Othman Chérif Alami, président du CRT CS ne manque pas d’intervenir pour citer les projets de la métropole en cours de réalisation ou finalisés par Casa Patrimoine. M. Chérif Alami salue l’intérêt de Mme Rmili, présidente de la commune urbaine de Casablanca ainsi que celui de M. Abdellatif Maâzouz, président du conseil régional de Casablanca Settat pour la culture et pour le monde rural. «Parmi ces projets, on peut citer l’aménagement d’espaces d’exposition dans 8 arrondissements de la ville (Mers Sultan, Ain Sebaa, Anfa, Al Fida, Ain Chock, Sidi Bernoussi, Sbata et Hay Mohammadi), la mise en lumière des bâtiments patrimoniaux de la ville a commencé avec l’aide et le conseil de la ville de Lyon. L’inventaire et la numérisation du patrimoine culturel immatériel de Casablanca Settat sont également programmés. Le vieux dossier de l’inscription de Casablanca dans le réseau des villes créatives UNESCO est remis sur la table avec un gros budget sans omettre la rénovation du marché de gros en salle de sport ou espace culturel et celle des anciens abattoirs. La réhabilitation de l’ex-église pourrait aboutir en institut du monde africain et occidental. La transformation de la foire de Casablanca en espace de congrès et d’animation offrira une meilleure infrastructure à la ville. Le Grand Théâtre de Casablanca, dont le monde des arts et de la culture ainsi que les casablancais attendent l’ouverture avec impatience, sera inauguré au plus tard en septembre 2022», déclare-t-il.

Des festivals dénaturés ou en voie de disparition

Après 12 ans de grands travaux, Casablanca a touts les atouts pour devenir une grande capitale mondiale de la culture. D’ailleurs, Casablanca est jumelée avec Chicago et Paris île de France. Tout en appréciant le discours de M. Alami, M. Azzedine Skalli dénonce pour sa part le manque de calendrier précis pour les festivals internationaux organisés au Maroc. Pourtant, il applaudit le succès des festivals des musiques sacrés de Fès, le festival du film à Marrakech, Tanjazz à Tanger, le salon du cheval à El Jadida, le festival des roses à Kelaât M’gouna… A l’opposé, il déplore la transformation, au fil des années, du festival national des arts populaires de Marrakech qui véhicule les bases de notre Folklore avec des troupes venus de tout le Maroc, en affaire purement administrative. «Mon festival préféré, Moussem des fiançailles d’Imilchil est, à son tour devenu une affaire d’administration alors que ce sont des coutumes à préserver», déplore M. Skalli. Pour M. Retnani, ce festival a dépéri et va finir par disparaître. M. Chérif Alami appelle pour y remédier, à l’organisation d’états généraux de la culture et du tourisme par le secteur privé et non le public.

Des solutions pour sauver la culture

M. Retnani propose la création d’une bibliothèque dans chacun des 21 arrondissements où les jeunes peuvent lire des livres en arabe, en français, en amazigh ou en anglais. M. Skalli propose pour sa part de répertorier l’ensemble des festivités et des sites qui n’ont pas reçu l’intérêt ni les budgets nécessaires pour un accompagnement digne de ce nom et identifier les freins au développement. «Une mise en valeur est donc nécessaire. Malheureusement, nous n’avons rien à montrer aux touristes. En Espagne par exemple, il existe trois statuts du grand médecin et philosophe Ibn Rochd à Cordoue et mort à Marrakech alors qu’il n’y a rien de sa trace au Maroc. Deuxième exemple, Al Mouatmid Ibn Abbad, a un petit mausolée à Aghmat tandis que le tombeau de Youssef Ibn Tachfine est une misère. Aujourd’hui encore, le très prisé Palais l’Alcazar à Séville où régnait Ibn Abbad témoigne d’une période faste et prestigieuse de l’histoire des Musulmans en Andalousie. Voici des exemples de valorisation de patrimoine qu’on pourrait dupliquer», ajoute M. Skalli.

M. Retnani se rappelle que 3 ans auparavant, le ministère de la culture a répertorié des sites historiques méconnus. On peut en citer les sites préhistoriques de Sidi Abderrahmane et Carrière Thoma à Casablanca, les arts rupestres marocains, Lixus, Volubilis, Tingi, l’archipel de Mogador, Tamuda, le site de Benassa, la mosuée Koutoubia, les Médinas, les greniers collectifs, le patrimoine manuscrit, la fauconnerie… Malheureusement, la communication et le marketing manquent à l’appel pour valoriser ces sites historiques. Mme Bouchra Taibi insiste à son tour sur la nécessité de marketer les sites historiques. Selon M. Skalli, les villages et les collectivités peuvent accroître l’attractivité de leurs territoires grâce à leurs sites. En sa qualité de professionnel du tourisme, il souhaite également créer des évènements pour ses clients dans les sites historiques et proposer une offre exceptionnelle pour un public VIP grâce à la richesse de notre patrimoine.

Des musées en attente d’infrastructure de base et de modernisation

Fermeture des musées à 18h alors que des visites estivales peuvent être réalisées jusqu’à 22h, gestion des sites historiques par des personnes illettrés, absence de commodités minimum dans les musées, exigence des paiements des musées en espèces, impossibilité de créer des Fast Track pour les clients VIP, absence de headphones avec traduction simultanée en plusieurs langues, absence de tourniquets, de tickets électroniques, d’achats groupés à l’avance… Les musées marocains semblent s’être arrêtés à l’âge de pierre. Pour M. Skalli qui insiste sur la digitalisation du tourisme, propose la réinjection de la moitié des revenus du tourisme (320 MDH) dans la culture, pour financer amplement tous ces projets. M. Retnani propose pour sa part de porter les doléances des professionnels du tourisme au ministre de la culture pour redynamiser les projets.

Les jeunes engagés dans la culture à condition de commencer à l’école

Comment faire adhérer les jeunes à la reprise réinventée du tourisme et de la culture ? Le salon du livre de Casablanca dont la dernière édition s’est tenue en début 2020 a reçu 500.000 visiteurs dont 60% ont moins de 20 ans. Il existe donc un grand potentiel. «Main dans la main, on peut réaliser de grandes choses, modèle pour que nos responsables puissent les voir. Néanmoins, un projet ne doit pas durer 10 ans. Il faut accélérer les choses», ajoute le vice-président des la fédération des industries culturelles et créatives. Pour M. Skalli, tout commence à l’école. «Ramenez-nous la musique, le dessin, la philosophie, l’éducation et les valeurs… qui feront des jeunes des citoyens à part entière responsables qui verront dans le tourisme une ouverture d’esprit les rendant fiers de leur pays», résume le président de MTM Club.   

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