20 avril 2024

Tous les festivals à Marrakech : choix judicieux ou rush aux fausses opportunités?

  • Le nombre de festivals organisés à Marrakech en juin et juillet 2022 a dépassé les records.
  • Outre les festivals traditionnels, de nouveaux évènements et divers concerts ont été rajoutés au grand bonheur des professionnels certes dans des endroits sensés être protégés comme le désert d’Agafay.
  • L’accélération de la reprise touristique après deux ans de crise Covid, est-elle, un prétexte pour tout accueillir au dépend du positionnement et de l’image de la Marrakech?

La première édition du festival Lost Nomads au «désert» d’Agafay a été organisée le 11 et 12 juin. Deux nuits sous les rythmes de plusieurs DJ du Maroc, d’Afrique Subsaharienne et d’Afrique du Sud et de Grèce ont accueilli 2000 personnes/nuit le temps d’un weekend. La première édition du Koesio festival organisée également du 11 au 12 juin 2022 à la palmeraie de Marrakech, c’était  30 heures de fêtes non stop à la palmeraie de Marrakech, le traditionnel Marrakech du rire s’est tenu le 15 et 18 juin. Chico and the Gypsies, accompagnés de Hasna ont offert un spectacle le 15 juin à la salle de théâtre « La Scène », située au Meydene à M Avenue. Le concert du chanteur colombien Maluma au grand stade de Marrakech devait se dérouler, le 1er juillet avant d’être annulé la veille. En outre, la 51ème édition du festival national des arts populaires  se tient du 1er au 5 juillet sans omettre le défilé de la prochaine collection masculine de la maison Yves Saint Laurent SS23 le 15 juillet… A noter qu’après cette période de rush de festivals et d’évènements, la reprise est prévue pour le mois de septembre avec la 7ème édition du festival du chant, du Malhoun et de la chanson patriotique et la 6ème édition du Oasis Festival le 1er septembre ainsi que Marrakech Short Film Festival le 23 septembre…pour n’en citer que ceux-là. L’activité évènementielle à Marrakech semble reprendre des couleurs au grand bonheur des professionnels du secteur, des hôteliers et des restaurateurs…  A force de créer des évènements attirant les foules avec un retour du tourisme de masse surtout des fêtes en plein air, la destination ne risque-t-elle pas de perdre son positionnement et d’y laisser des plumes? Quel est l’apport réel en termes économique, d’image et de retombées de tous ces festivals sur les entreprises touristiques et la population marrakchie? Qu’en est-il de l’effet sur l’environnement et l’écologie surtout dans des espaces naturels et vierges tels qu’Agafay?

Agafay, de destination de tourisme durable à espace accueillant 2000 personnes pour un festival de musique électronique

Le désert d’Agafay, lieu de tourisme écologique et durable s’est pour sa part transformé en piste de danse pour 2000 personnes qui vibrent au rythme de DJ internationaux et locaux de 23h à 4h du matin. La première édition de Lost Nomads, festival de musique électronique, a fait le choix d’Agafay pendant deux jours le 11 et 12 juin derniers. Pour M. Othman Nait, DG de Epic Events, société spécialisée dans la création d’expériences évènementielles, l’idée de la première édition du festival était de mettre Agafay sur la liste des destinations mondiales de musique électronique-House Haut de gamme telles que Toulon, Mikonos ou Dubaï. «Avec l’arrivée du DJ Sud-africain de renommée Black Coffee, nous avons voulu attirer une nouvelle clientèle. D’ailleurs, la première édition du festival était réussie. Il n’y a pas eu d’incidents et nous avons reçu les éloges de Black Coffee qui est prêt à revenir pour la prochaine édition de Lost Nomads», déclare M. Othman Nait. Pour M. Vincent Jaquet, propriétaire d’Inara Camp à Agafay, les hôteliers d’Agafay n’ont pas été prévenus des nuisances de ce festival. «La sécurité a été certes assurée pour l’évènement mais il n’y avait pas d’infrastructure dédiée à l’hygiène pour les 2000 personnes présentes dont une majorité de jeunes. Nous avons eu des clients mécontents car n’ayant pas pu profiter du calme du désert d’Agafay. A mon avis, ce n’est pas le type de clientèle que mérite Marrakech», déplore M. Jaquet qui estime que les lieux dédiés aux festivals doivent être éloignés des camps fixes. Pour leur part, les organisateurs déclarent que le festival a eu lieu dans un lieu inaccessible. C’est la raison pour laquelle ils ont  mis en place des navettes pour transporter les festivaliers. «Nous avons obligé les gens à prendre les navettes disponibles  chaque heure entre Marrakech et Agafay et vice-versa. Nous avons également mis en place des sanitaires partout», déclare M. Nait qui met en avant l’impact durable du festival. Dans le cadre du programme social de Lost Nomads pour soutenir les communautés locales d’Agafay, un souk nomade a été mis en place où trois associations de montagnes de l’Atlas pouvaient vendre leur artisanat (tapis, bijoux, huile d’argan…). En outre, une fois le festival terminé et en collaboration avec la fondation Travel Link de M. Nait (également DG de Tavellink Morocco, DMC à Marrakech), Lost Nomads déclare avoir organisé une caravane médicale pour des bilans de santé et des produits pharmaceutiques aux membres d’un village. «Dans notre vision, nous essayons d’intégrer les locaux dans tout projet. En plus des actions citées, nous comptons réaliser une action pour la distribution de cartables lors de la prochaine rentrée scolaire», renchérit l’organisateur de Lost Nomads. Par le biais de cette initiative, le festival voudrait renforcer son engagement avec l’emplacement qui l’accueille. Pour M. Jaquet, l’organisation de festivals près d’Agafay est la bienvenue. «Agafay devrait rester une destination de luxe proche des lieux dédiés à l’organisation de festivals qui seront dotés d’équipements sanitaires et sécuritaires. Mais le travail des organisateurs de festival ne devraient pas empêcher celui des propriétaires de camps à Agafay», ajoute M. Jaquet.  Selon lui, un espace dédié aux festivals; «un palais des festivals» à ciel ouvert devrait être équipé pour accueillir un grand nombre de personnes dans des conditions d’hygiène et de sécurité optimale Les «hôteliers» d’Agafay font en effet la promotion du désert à l’échelle internationale comme étant un espace de tourisme durable au pied de l’Atlas. La clientèle haut de gamme était loin de se douter qu’un festival de musique électronique viendra perturber la quiétude de ce lieu hors du temps.

Danser et boire jusqu’à demain dans la Palmeraie

Le même weekend, la première édition du Koesio festival s’est tenue à la palmeraie de Marrakech. Les organisateurs de l’évènement; Pieric Brenier et ses partenaires français et marocains (Global Event et RAM) ont choisi la palmeraie de Marrakech pour Koesio Burning Man: 30 heures de fête non stop. D’après une communication publique des organisateurs, l’évènement a eu des retombées intéressantes pour l’écosystème touristique de la ville. Au regard de l’hébergement, Koesio Burning Man aurait mobilisé, d’après les organisateurs, 6 hôtels soit 2000 lits, 5 salles de réunions plénières  et 2000 check in en simultané. Toujours selon les organisateurs, le transport touristique a également été fortement sollicité. En somme, 50 autocars et 11 minibus ont été mobilisés. Hormis les chauffeurs, deux assistants transports, 50 guides des visites touristiques, 60 barmen, 5 coordinateurs, 20 assistants Freelance et 12 assistants runners en 3 shifts ont été engagés pour l’évènement. En outre, 17 vols dont 11 affrètements ont été nécessaires pour transporter les clients. La valeur ajoutée pour l’écosystème et l’activité touristique de la ville de Marrakech est évidente.

Le concert géant de Maluma annulé à la dernière minute

Enfin, le concert du chanteur colombien Maluma qui devait avoir lieu au grand stade de Marrakech le 1er juillet comme seule destination africaine dans le cadre de sa tournée mondiale Papi Juancho Word Tour, a été annulé le 30 juin. Le nombre de 30.000 spectateurs annoncé au début a été revu à la baisse par les organisateurs quelques jours avant l’annonce de l’annulation. A 3 jours de l’évènement, la responsable communication de TTEvents organisatrice du concert nous assurait que l’agence était satisfaite de la vente des tickets et qu’elle s’attendait à un bel évènement. Les places étaient vendues à partir de 300 DH et jusqu’à 2000 DH pour les VIP et 5000 DH pour les loges. A 3 jours de l’évènement Sur Guichet.com; le site de vente des tickets, des places étaient toujours disponibles pour quasiment toutes les catégories sauf la pelouse Gold à 1200 DH au complet. Pourquoi l’engouement attendu n’était pas au Rendez-vous? On pourrait expliquer cela par les frais engagés par les potentiels spectateurs Casablancais, Rbatis ou étrangers résidents au Maroc pour assister au concert de Maluma à Marrakech.  Outre les prix des tickets, le trajet en voiture dont le prix du carburant s’envole chaque semaine ajouté à cela la nuitée d’hôtel à Marrakech et la restauration auraient fait flamber le coût du concert. Mauvais choix de timing ou du lieu de l’évènement? En tout cas, Marrakech voit toujours grand et espère se hisser, à tout prix, au rang des grandes destinations de festivals et de concerts internationaux.

Wiam Markhouss

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