Récemment, l’Organisation des Nations Unies pour le Tourisme (ONU Tourisme) et l’Organisation internationale du Travail (OIT) ont lancé un ensemble de données inédites pour évaluer l’emploi dans le secteur touristique, dans le but de soutenir la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD). Quelles seraient les implications de cette initiative pour le Maroc.
Bien sûr, le tourisme au Maroc est un moteur économique majeur qui génère des milliers d’emplois et contribue significativement aux revenus en devises du pays. Avec des destinations emblématiques telles que Marrakech, Casablanca, Fez et les sites balnéaires, le pays attire chaque année un volume croissant de touristes. Cette attractivité est due à la richesse de son patrimoine culturel, ses paysages variés et l’accueil de ses habitants.
En 2024, il faut reconnaître que le secteur du tourisme au Maroc affiche une dynamique particulièrement bonne, avec plus de 3 900 offres d’emploi recensées, couvrant un large éventail de postes allant des réceptionnistes aux agents de voyage et postes à responsabilité dans l’hôtellerie, en passant par les chefs de pôle tourisme. Cette croissance témoigne non seulement de l’essor continu des infrastructures touristiques, mais aussi de la reprise soutenue des activités après la pandémie, consolidant le rôle de plus en plus prépondérant de ce secteur dans l’économie marocaine.
On note que les segments de l’hébergement et de la restauration se démarquent nettement comme les principaux moteurs de création d’emplois, ayant enregistré une progression remarquable de 68 %. Rien qu’en 2023, le secteur touristique a généré environ 750 000 emplois directs et plus de 2,5 millions d’emplois indirects, représentant près de 7 % du PIB national. Par ailleurs, le développement du tourisme culturel, des activités sportives de plein air et du tourisme d’affaires participe activement à la diversification des opportunités professionnelles.
Cependant, pour que cette dynamique perdure, il s’avère déterminant dans un système de durabilité qui doit s’inscrire dans les ODD.
Pourquoi pas, quand on sait que le Maroc a également adhéré aux objectifs fixés par l’ONU, notamment à travers les cibles des ODD spécifiques au tourisme durable. Il se concentre particulièrement sur l’ODD 8, visant une croissance économique soutenue et la création d’emplois décents, et sur l’ODD 12, axé sur la consommation et la production responsables. La cible 8.9 de l’ODD 8, qui vise la promotion de politiques de tourisme durable créatrices d’emplois et valorisant la culture locale, constitue un axe essentiel pour le pays.
Jusqu’à présent, le suivi de la contribution du tourisme aux ODD était largement centré sur son impact économique via l’indicateur du « PIB direct du tourisme ». Cette approche économique était capitale, mais incomplète. Le nouvel ensemble de données développé par ONU Tourisme et l’OIT apporte des informations essentielles sur l’emploi dans le tourisme, y compris des données ventilées par sexe, statut d’emploi (salarié ou travailleur indépendant) et par secteur d’activité (hébergement, restauration, transport, etc.).
Ces données répondent à une lacune critique en matière de suivi et d’analyse de l’emploi dans le secteur touristique. Elles permettent de mieux évaluer le rôle de ce secteur en tant que créateur d’emplois, de diversification économique et d’intégration des populations locales, notamment dans les zones rurales. Pour le Maroc, ces informations sont précieuses afin d’affiner les politiques de promotion d’un tourisme inclusif, capable d’atténuer la pauvreté et de favoriser un travail décent.
Grâce à ces données plus précises, le Maroc peut adapter ses stratégies de développement touristique pour mieux répondre aux besoins du marché du travail. Cela comprend l’identification des segments du secteur touristique nécessitant davantage de main-d’œuvre qualifiée ou encore des efforts de formalisation de l’emploi. Par exemple, les données sur les travailleurs indépendants pourraient orienter des programmes d’appui pour les petits opérateurs locaux.
L’accès à des données ventilées par sexe permet d’identifier et de corriger les inégalités de genre dans le secteur touristique marocain. Ces données facilitent la mise en place de politiques visant à favoriser l’inclusion des femmes et à améliorer leurs conditions de travail. Avec la progression vers des objectifs tels que l’ODD 5 (égalité entre les sexes), le Maroc pourrait utiliser ces informations pour encourager une participation féminine accrue et valoriser le rôle des femmes dans le développement du tourisme.
Le tourisme rural est un potentiel non négligeable pour le Maroc, notamment dans les régions de l’Atlas et du Sahara, qui possèdent des atouts naturels et culturels uniques. La base de données ONU-OIT pourrait aider à mesurer l’impact de ce tourisme rural et à diriger les investissements vers ces zones pour stimuler l’emploi et la diversification économique locale. La valorisation du patrimoine local et des produits artisanaux dans les circuits touristiques peut également contribuer à réduire les disparités régionales et à soutenir les économies rurales.
L’identification des secteurs spécifiques du tourisme nécessitant des compétences spécialisées peut orienter les initiatives de formation en partenariat avec le secteur privé. Le renforcement des compétences dans les métiers du tourisme (guides, hôteliers, restaurateurs) est essentiel pour maintenir la compétitivité du Maroc sur le marché international. L’intégration de données récentes permet aussi de s’aligner sur les meilleures pratiques en matière de travail décent et de développement des talents locaux.
Avec ces nouveaux indicateurs, le Maroc est mieux équipé pour évaluer son impact sur les ODD, notamment en ce qui concerne l’ODD 12 (consommation et production responsables). L’utilisation durable des ressources naturelles, la réduction des émissions de CO2 et la protection des sites touristiques fragiles sont des éléments clés pour un tourisme durable. Cette évaluation permettrait d’ajuster les politiques de manière proactive et d’assurer que le développement touristique s’inscrit dans une démarche de durabilité à long terme.
Mais malgré les avantages de ces nouvelles données, des défis persistent pour le Maroc. La collecte et l’analyse de données fiables peuvent poser des difficultés logistiques, en particulier dans les zones éloignées ou en milieu rural. De plus, la formalisation de certains emplois dans le tourisme, souvent informels, nécessitera des efforts coordonnés avec les autorités locales. Enfin, l’accessibilité et l’utilisation effective de ces données par les décideurs marocains, tant au niveau national que local, seront essentielles pour maximiser l’impact de cette initiative.
Le Maroc, avec son patrimoine riche et ses atouts naturels, a tout à gagner d’une intégration accrue du tourisme dans l’agenda des ODD. Le nouvel ensemble de données lancé par ONU Tourisme et l’OIT est un outil précieux pour évaluer l’emploi dans ce secteur, suivre les progrès vers les ODD et ajuster les politiques de manière stratégique. En s’appuyant sur ces données, le Maroc peut renforcer son secteur touristique, non seulement en tant que moteur économique, mais aussi comme levier de développement durable et inclusif. Cela lui permettra de contribuer pleinement à l’Agenda 2030 des Nations Unies, tout en assurant un avenir prospère et équitable pour ses citoyens.