14 décembre 2024

Les limites de la feuille de route touristique 2026-2030

Ni vision stratégique ni non plus un programme d’Etat de développement touristique, la feuille de route du tourisme 2026-2030 est pourtant une combinaison hybride des deux assortie, grosso modo, de beaucoup de bonne volonté de part et d’autre, c’est-à-dire, le ministère du Tourisme et le collectif des professionnels de la CNT.

Bien entendu, les axes de développement contenus dans la feuille de route (l’aérien, les produits de niche à valoriser et commercialiser et le Tourisme National) ont été, à quelques détails près, communément inscrits par le ministère du Tourisme et la CNT

Toutefois, depuis que la feuille de route a été annoncée, elle a été sujette à plusieurs critiques professionnelles présageant l’impossibilité de réalisation de l’objectif des 26 millions de touristes à horizon 2030. En clair, on lui reproche son manque de réalisme. Une mise à l’indexe largement répercutée à travers les groupes professionnels des réseaux sociaux et des médias.

D’aucuns voient que la feuille de route intervient en plein contexte de fragilité des entreprises touristiques et de la situation économique mi-figue mi-raisin prévalant en Europe, principal grenier touristique du Maroc. Le chiffre annoncé de 26 millions de touristes étrangers et nationaux est, selon un professionnel, un objectif global ambitieux qui ne pourrait fédérer les volontés de tous. « Par contre, augmenter la durée de séjour de chaque touriste de 2,3 à 3,3 ou à 4 nuitées, une recette moyenne de 900 € au lieu de 710 € et un taux moyen d’occupation grimpant de 48% à 65% seraient de objectifs à détailler par cluster et zones géographiques marocaines pour les différents marchés émetteurs seraient plus convaincants ». Avant d’ajouter que c’est justement ce que les professionnels devraient « construire avec le cabinet NAOS choisi par la ministre, avec les équipes de l’ONMT, de la SMIT et d’autres expertises prouvée ».

Enthousiasme à prendre toutefois avec précaution en procédant d’abord par une approche business obligatoire pour ressortir, selon lui, de la crise financière et économique du secteur, car « les 20 mois de confinement total se ressentent toujours sur l’entreprise touristique et se feront sûrement ressentir pendant les 3 prochaines années avant d’espérer un équilibre global vers 2026, coïncidant avec la période de premiers résultats de la feuille de route ».

D’autres professionnels conçoivent que l’objectif des 26 millions de touristes est trop ambitieux pour être pris au sérieux, en arguant qu’il serait impossible de doubler de d’arrivées en seulement 7 ans avec les complications existantes, surtout celles de l’aérien.

Un autre professionnel pense qu’il faudrait ; au -delà de la feuille de route qui reste à construire, mettre en place les outils de suivi (observatoire) d’analyse (assises) et de corrections (commissions permanentes). « La feuille de route ne comporte que des objectifs et des ébauches de levier à mettre en place. A nous de les affiner et surtout à nous de présenter des outils plus pertinents ou mieux adaptés à notre activité ».

Argumentaire qui semble tenir la route, quand il affirme que le secteur peut représenter 14 à 15% du PIB au lieu de 8% actuellement à condition d’y mettre les moyens dans la transparence, la confiance et la responsabilité. A ce titre, il pense judicieux d’abord que « l’accord cadre 20/22 devrait être prorogé ou pour le moins réévalué et réadapté avant toute chose », avant d’ajouter qu’une vision aussi ambitieuse doit se construire sur des fondamentaux qui sont encore malheureusement trop fragiles».

Pour un autre professionnel averti connaissant bien son affaire, car étant l’un des rares investis de confiance dans la rédaction de Vision 2010, une projection chiffrée par ces temps incertains est audacieuse et mérite le respect. »Toutefois, nous sommes très loin de reprendre nos performances de 2019… Les pré-requis demeurent inéluctablement la desserte point à point », tout en notant que  Marrakech est une « destination mature qui se vend toute seule ».Par contre, il pense qu’il serait plutôt plus porteur de mettre le paquet sur les « destinations sacrifiées comme Ouarzazate abandonnée malgré son immense potentiel et aussi son  rôle d alternative de Marrakech, au même titre, mais dans une moindre mesure que Fez, Tanger, Essaouira et Taghazout ». D’où pour lui, une offre marocaine ainsi renouvelée « pourrait intéresser d autres segments de clientèle et d autres pays émetteurs », tout en reconnaissant, à ce sujet, que l’Onmt comme d’ailleurs le ministère du Tourisme autant que  la CNT, continuent travailler conjointement, « ce qui est un bon présage ».

C’est pour dire que la fameuse feuille de route n’est pas rejetée en bloc par les professionnels même les pus pessimistes d’entre eux. A condition évident que le Gouvernement s’acquitte de sa part d’engagements et de prendre réellement compte que le tourisme est un secteur stratégique prouvé et dont il faudrait accompagner le développement par des actes réfléchis et responsables. Les craintes des uns et des autres se situent justement au niveau de cet accompagnement promos, qu’il ne soit pas atteint par le syndrome de la lenteur anti-développante…

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