Station Mogador Essaouira, l’un des fameux projets du Plan Azur non abouti, semble trouver preneur. Repris par des investisseurs égyptiens ayant mobilisé des ministres ayant fait le déplacement pour serrer la main de l’homme d’affaires Sawiri à Essaouira, avec lequel d’ailleurs fut signé un mémorandum d’entente en février 2023 (https://premiumtravelnews.com/2023/02/23/reactivation-de-la-saemog/), est susceptible de doter la ville d’une infrastructure touristique et résidentielle d’envergure : hôtels haut de gamme, maisons d’hôtes raffinées, résidences touristiques inspirées de l’architecture traditionnelle de la médina, et espaces de loisirs et commerces de standing. Toutefois, l’histoire du projet et les initiatives similaires à travers le pays invite quand même à la prudence, en raison des échecs précédents souvent liés à des dynamiques complexes mêlant spéculation immobilière et manque de vision cohérente.
En effet, le projet Mogador Essaouira n’est pas nouveau. Depuis les années 2000, plusieurs annonces de bonnes intentions et tentatives de passer à l’acte ont été faites pour développer ce site stratégique. Situé à proximité de la médina d’Essaouira, un site inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, le projet est vraiment tentant.
Justement, dans les années 2010, sous l’impulsion du Plan Azur, Essaouira était identifiée comme une destination phare à développer dans le cadre de la stratégie touristique nationale Plan Azur, ambitionnant de faire du Maroc une destination touristique mondiale, en s’appuyant sur des projets d’envergure. Cependant, le projet Mogador a été freiné à plusieurs reprises par des obstacles financiers, juridiques et administratifs. Les investisseurs locaux et étrangers n’ont pas trouvé un terrain d’entente, et l’absence d’un modèle économique viable a compromis son développement.
Normal ou pas normal, le projet Mogador Essaouira n’est pas un cas isolé. D’autres projets touristiques d’envergure lancés sous le Plan Azur connaissent également des difficultés persistantes. Lixus (Larache), Mazagan (El Jadida) et Oued Chbika (près de Tan-Tan) sont autant d’exemples de projets initialement ambitieux mais qui peinent à se concrétiser. Lixus, par exemple, malgré un démarrage en grande pompe, reste partiellement inachevé, tandis que la station de Oued Chbika est en stand-by depuis plus de 14 ans.
Ces échecs partagent des causes communes :
-Spéculation immobilière : Dans de nombreux cas, les terrains initialement destinés à des projets touristiques sont devenus des opportunités de spéculation. Au lieu de développer des infrastructures touristiques, les investisseurs se concentrent sur la vente de terrains ou la construction de résidences secondaires.
-Manque de coordination entre acteurs : Les projets impliquent souvent une collaboration complexe entre le gouvernement, les investisseurs privés, et les collectivités locales. Les divergences de priorités ou les lenteurs administratives conduisent fréquemment à des blocages.
-Problèmes de financement : Les annonces initiales s’accompagnent souvent de promesses d’investissement massif, mais les fonds ne sont pas toujours débloqués ou alignés avec les besoins réels du projet.
Tout de même, avec cette reprise par des investisseurs internationaux, le projet Mogador Essaouira semble se diriger vers une nouvelle étape, pourvu qua la contagion affecte les autres stations laissées pour compte. L’intégration de l’architecture locale, la promesse d’une offre diversifiée mêlant résidences, hôtels et activités de loisirs, et la mise en avant du patrimoine d’Essaouira pourraient séduire un marché touristique de plus en plus exigeant. La ville a en effet un atout de taille : elle bénéficie déjà d’une réputation internationale grâce à son ambiance bohème, son festival gnaoua, et son positionnement comme une destination durable et culturelle.
Cependant, plusieurs questions demeurent. Le protocole financier, encore gardé secret, laisse planer une incertitude sur la viabilité à long terme du projet. Sans une transparence totale sur les investissements, les montages financiers, et les engagements des parties prenantes, le scepticisme reste de mise.
L’histoire de Mogador Essaouira et des autres projets touristiques avortés au Maroc met en lumière un enjeu plus large : la nécessité d’une vision stratégique claire pour le développement touristique. Si notre pays souhaite réellement exploiter son potentiel en tant que destination de choix, plusieurs axes doivent être renforcés, dont la revisite de la transparence et gouvernance, car les investisseurs doivent s’engager sur des plans d’action clairs et réalisables, tandis que l’État doit garantir un suivi rigoureux et impartial. Plutôt que de se concentrer uniquement sur le luxe ou les résidences, il est important de répondre à une variété de besoins touristiques, qu’ils soient culturels, sportifs, ou écologiques.
Si Mogador Essaouira réussit à surmonter les obstacles –en tout cas on l’espère- qui ont freiné son développement jusqu’à présent, il pourrait devenir un modèle de relance touristique pour les autres projets. Cependant, seuls le temps et la gestion des prochaines étapes permettront de savoir si cette nouvelle tentative sera la bonne, ou si elle rejoindra la liste des opportunités manquées. Pour l’instant, l’enthousiasme est de mise, mais avec une prudence dictée par les leçons du passé.