12 mars 2025

Toujours cette emprise de Booking.com sur le secteur hôtelier marocain, malgré les efforts timides

La question de la dépendance des hôtels marocains vis-à-vis de Booking.com et d’autres plateformes de réservation en ligne (OTA) demeure un sujet brûlant. Ces plateformes, bien qu’offrant une visibilité mondiale inégalée, exercent une pression considérable sur les marges des établissements hôteliers, soulevant des interrogations quant à la répartition de la valeur et à la capacité des acteurs locaux à développer leur propre autonomie commerciale. La situation est d’autant plus préoccupante que le ministère du Tourisme tarde à prendre des mesures énergiques pour rééquilibrer les forces en présence.

Le poids des commissions demeure un fardeau assez lourd pour les hôteliers marocains. D’accord, le modèle économique de Booking.com repose sur un système de commissions prélevées sur chaque réservation effectuée via sa plateforme. Ces commissions, qui peuvent atteindre jusqu’à 30% du prix de la chambre, représentent une part non négligeable du chiffre d’affaires des hôtels. Pour un établissement indépendant, cette ponction financière peut impacter significativement sa rentabilité et limiter sa capacité à investir dans l’amélioration de ses infrastructures, la formation de son personnel ou le développement de sa propre stratégie marketing.

Cette position dominante confère à la plateforme un pouvoir de négociation considérable face aux hôtels, qui se retrouvent souvent contraints d’accepter ses conditions pour ne pas perdre en visibilité et en réservations. Cause : les faiblesses du marketing hôtelier marocain qui représentent par comtere une aubaine pour Booking.com

Cette ascension fulgurante de Booking.com s’explique en partie par les lacunes du marketing hôtelier marocain. De nombreux établissements, notamment les petites et moyennes structures, peinent à développer une stratégie de communication digitale efficace et à se positionner favorablement sur les moteurs de recherche. Cette dépendance vis-à-vis des OTA les prive d’une part importante de leur chiffre d’affaires et les empêche de fidéliser leur clientèle.

Le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) a d’ailleurs souligné la nécessité pour les hôtels marocains de saisir les opportunités de la digitalisation et de s’aligner sur l’offre mondiale en adhérant aux plateformes d’hébergement en ligne. Toutefois, il est capital que cette adhésion ne se fasse pas au détriment de leur autonomie et de leur capacité à maîtriser leur propre distribution.

Face à cette situation, le rôle du ministère du Tourisme est plus que sollicité et légitime. En tant que garant de l’équilibre du secteur, il doit veiller à ce que les intérêts des hôteliers marocains soient préservés et à ce que la concurrence soit loyale. Or, jusqu’à présent, l’action du ministère semble timide et insuffisante pour contrer la mainmise de Booking.com.

Si la Fédération Nationale de l’Industrie Hôtelière (FNIH) et la Confédération Nationale du Tourisme (CNT) tentent de défendre les intérêts de leurs adhérents, leurs marges de manœuvre restent limitées face à la puissance de la plateforme. Il est donc impératif que le ministère du Tourisme prenne des mesures plus audacieuses, telles que le renforcement du cadre réglementaire : afin de limiter les commissions excessives et d’encadrer les pratiques commerciales des OTA. Beaucoup plus de soutien au développement du marketing digital des hôtels est également requis, à travers des programmes de formation, des aides financières et la mise en place d’outils mutualisés. Et pourquoi pas la promotion de solutions alternatives, en encourageant l’émergence de plateformes de réservation locales ou en favorisant la coopération entre hôtels pour créer leur propre système de distribution ?

Il faut juste un peu de volonté et de courage, à l’instar de certains pays qui s’en sont affranchis en prenant des mesures plus radicales pour limiter l’influence de Booking.com. En Turquie, par exemple, la justice a interdit à la plateforme de vendre des chambres d’hôtel en Turquie à des résidents turcs depuis 2017. Cette décision, motivée par des considérations de concurrence et de protection des acteurs locaux, a permis de rééquilibrer le marché et de favoriser le développement des plateformes nationales.

Bien qu’une telle mesure puisse sembler extrême, elle témoigne de la détermination de certains États à défendre leurs intérêts face aux géants du numérique. Le Maroc pourrait s’inspirer de cet exemple et envisager des solutions similaires, adaptées à son contexte et à ses spécificités.

Ce qu’il nous faut, c’est un réveil nécessaire pour l’hôtellerie marocaine. Car la dépendance excessive des hôtels marocains vis-à-vis de Booking.com constitue un frein à leur développement et à leur capacité à créer de la valeur sur le long terme. Il est temps pour les acteurs du secteur de prendre conscience de cette situation et d’agir en conséquence.

Cela passe par une remise en question des pratiques marketing traditionnelles, un investissement massif dans le digital et une collaboration renforcée entre les hôtels pour mutualiser leurs ressources et leurs compétences. Mais cela nécessite surtout une intervention forte et déterminée du ministère du Tourisme, afin de créer un environnement plus équitable et plus favorable aux acteurs locaux.

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