mustapha amal 
Derrière le succès touristique croissant que le Maroc est en train de connaître, se dresse certainement une force vive encore trop souvent invisibilisée : la femme marocaine. Actrice historique, entrepreneuse visionnaire et gardienne du patrimoine, elle est l’âme d’un secteur qui contribue à hauteur de 7,1 % au PIB national, depuis que le tourisme est érigé en industrie au Maroc.
Et ce n’est pas récent. Dès les années 1920, les femmes marocaines ont participé à l’essor touristique informel, à travers l’artisanat (tapis, poterie) et l’accueil familial. Vient l’indépendance qui marque un tournant : les réformes éducatives des années 1960-1970 permettent à une génération de femmes d’intégrer les premières écoles hôtelières. Aujourd’hui, elles représentent 62 % des diplômés en gestion hôtelière et tourisme et 34 % des cadres du secteur (Ministère du Tourisme, 2023), contre 22 % en 2010.
Des figures emblématiques émergent, telles que Fatim-Zahra Ammor, Ministre du Tourisme depuis 2021, architecte de la stratégie « Vision 2030 » visant à positionner le Maroc parmi les 20 premières destinations mondiales.
Autrement, les femmes marocaines sont présentes à tous les échelons du secteur :
– 48 %* des employés dans l’hôtellerie (OFPPT, 2023).
– 23 % des chefs d’entreprises touristiques (Enquête nationale sur l’entreprenariat féminin, 2022).
– Plus de 80 % des coopératives artisanales, générant 2,3 milliards de MAD de chiffre d’affaires annuel (Ministère de l’Artisanat, 2023).
Leur impact économique s’étend au-delà des métiers traditionnels. Les « mères auberge » en zones rurales (Atlas, désert) ont permis de développer un tourisme communautaire, augmentant de 15 % les revenus locaux (PNUD, 2021).
Portées par des entrepreneuses, les femmes représentent 68 % des projets écotouristiques labellisés « Clef Verte » au Maroc (Foundation Mohammed VI pour la Protection de l’Environnement, 2023).
Elles investissent aussi le numérique : 35 % des startups touristiques marocaines sont cofondées par des femmes (rapport StartUp Maroc, 2023), à l’image de Safae Soukri, créatrice de l’application « Medina Quest », gamifiant la visite des villes impériales.
Au niveau des Riads et maisons d’hôtes, plusieurs symbolisent cette synergie entre tradition et modernité. Aujourd’hui, 40 % des riads de Marrakech sont gérés par des femmes (Conseil Régional du Tourisme de Marrakech).
Malgré des avancées, des obstacles persistent. Seulement 12 % des femmes entrepreneures obtiennent des crédits bancaires sans garantie (Bank Al-Maghrib, 2022), tandis que 45 % des cadres interrogées dans le cadre d’une étude menée en 2023 par ONU Femmes citent la charge mentale comme frein majeur.
Fort heureusement, différentes initiatives louables répondent à ces enjeux, tel le programme Moubadara du Ministère du Tourisme qui forme 5 000 femmes/an aux métiers du digital et du management, ainsi que le fonds FEMIP de la Banque Européenne d’Investissement qui alloue 20 millions d’euros aux projets féminins dans le tourisme durable. En plus d’autres programmes participatifs du genre, bien sûr.
Avec sa « Vision 2030 », le Maroc mise sur les femmes pour atteindre 50 % de femmes managers dans le secteur et créer 200 000 emplois féminins supplémentaires, notamment dans les niches du bien-être (hammams premium) et du tourisme médical.
Comme le souligne Fatim-Zahra Ammor : « Le tourisme marocain ne se réinventera pas sans le talent et la résilience de ses femmes. Elles sont notre avantage concurrentiel. »
C’est pour dire finalement que la femme marocaine du tourisme n’est pas une actrice de l’ombre, mais une stratège, une innovatrice et une gardienne de l’authenticité. Avec 63 % des Marocaines de moins de 30 ans aspirant à une carrière dans ce secteur (enquête LinkedIn, 2023), l’avenir s’annonce porteur de nouvelles héroïnes. Leur réussite est l’apanage d’une feuille de route pour un Maroc prospère et inclusif.
Oui, les défis sont là, tenaces comme le sirocco : inégalités d’accès aux financements, pesanteurs sociales, ou la difficile conciliation entre héritage familial et ambition personnelle. Mais regardez ce que vous avez déjà accompli ! Vos mains, habituées à tisser les tapis de Tazenakht ou à ciseler l’argent de la médina, tissent aussi des réseaux internationaux. Vos voix, fortes des légendes du Sahara, portent désormais dans les forums mondiaux un tourisme responsable, où la dignité humaine et la protection des oasis comptent autant que les chiffres.
Alors, en ce jour symbole, que les montagnes du Rif et les vagues d’Agadir vous murmurent leur fierté. Que chaque étoile du désert soit un hommage à votre ténacité. Continuez d’écrire, par vos actions, une épopée où le mot « impossible » se dissout dans la clarté de l’aube, où chaque pas vers l’égalité devient une caravane.
