À l’approche du deuxième Forum régional sur le tourisme gastronomique pour l’Afrique, qui sera organisé à Arusha par l’ONU Tourisme, le Centre culinaire basque et la République-Unie de Tanzanie les 23 et 25 avril 2025, la cuisine marocaine s’impose toujours dans sa dimension d’innovation et de préservation culturelle au service du développement durable.
La gastronomie marocaine, couronnée en 2023 par l’inscription du « repas gastronomique des Marocains » au patrimoine immatériel de l’UNESCO, implique une alchimie millénaire entre terroir, savoir-faire et hospitalité. Du couscous aux sept légumes, héritage berbère revisité par les influences arabo-andalouses, au tajine mijoté dans des poteries d’argile, en passant par la pastilla, symphonie sucrée-salée, chaque plat raconte une histoire. Avec 27 000 restaurants traditionnels recensés au Maroc et une présence croissante dans les capitales mondiales – de Paris à New York en passant par Dubaï –, cette cuisine s’est imposée parmi les cinq plus influentes au monde selon le Culinary Institute of America (2024).
Le tourisme gastronomique marocain génère 12 % des recettes touristiques nationales, soit près de 18 milliards de dirhams (1,6 milliard d’euros) annuels, selon le Ministère du Tourisme. Des initiatives comme le « Circuit des Saveurs » à Marrakech ou les fermes agrotouristiques du Souss attirent plus de 500 000 visiteurs par an, combinant dégustation, ateliers culinaires et rencontres avec des producteurs locaux. Par ailleurs, le Maroc compte désormais 4 restaurants étoilés au Michelin – dont le mythique La Grande Table Marocaine de Rabat –, preuve d’une reconnaissance internationale croissante.
Parallèlement, plusieurs chefs comme Mohamed Fedal (vainqueur de Top Chef Maroc) ou Meryem Cherkaoui (ambassadrice de la cuisine berbère) réinventent les recettes ancestrales avec des techniques zéro-déchet et des partenariats directs avec les coopératives locales.
L’événement Taste of Maroc, organisé annuellement à Casablanca, illustre cette dynamique : en 2024, il a réuni 150 exposants, 40 000 visiteurs et permis la signature de 22 contrats d’export vers l’Europe et l’Asie.
Alors que le deuxième Forum régional sur le tourisme gastronomique pour l’Afrique approche, le Maroc est invité à partager son expertise. L’événement, coorganisé par l’ONU Tourisme et le Centre culinaire basque, vise à positionner l’Afrique comme destination gastronomique mondiale. Le Royaume y présentera ses bonnes pratiques :
-L’École Supérieure de Cuisine de Marrakech, formant 300 talents annuels issus de milieux défavorisés.
-Le label « Made in Morocco », certifiant l’authenticité des produits locaux et générant 1,2 milliard de dirhams de revenus annuels.
-Les festivals internationaux (Festival des Cerises à Sefrou, Festival des Roses à Kelaa M’Gouna), modèles d’intégration communauté-tourisme.
Malgré ces succès, des défis persistent, car seuls 15 % des producteurs ruraux marocains sont connectés aux chaînes hôtelières internationales, sans compter la contrefaçon de produits comme le ras el hanout qui coûte 600 millions de dirhams par an au secteur.
Autrement, le Forum d’Arusha sera l’occasion de plaider pour la création d’un fonds africain pour l’innovation culinaire, soutenu par la BAD (Banque Africaine de Développement), l’harmonisation des normes sanitaires et des labels à l’échelle continentale et l’intégration des cuisines africaines dans les programmes scolaires, à l’image du Maroc, où 20 % des écoles hôtelières dispensent des cours sur le patrimoine gastronomique national.
Quoiqu’il en soit, la gastronomie marocaine, par son excellence et son ancrage durable, offre un blueprint pour l’Afrique. Alors que le continent représente seulement 3 % du marché mondial du tourisme culinaire (source ONU Tourisme 2024). En s’inspirant du modèle marocain – alliant préservation du patrimoine, inclusion sociale et innovation –, l’Afrique peut convertir ses 200 millions d’hectares de terres agricoles et sa diversité de 3 000 ethnies culinaires en leviers de croissance.
D’ailleurs, le Maroc, en tant que pionnier, a montré que la cuisine n’est pas qu’un art : c’est un outil de soft power, un vecteur d’emplois et un pont entre les cultures. L’Afrique, à sa suite, est prête à écrire son propre chapitre gourmand dans l’histoire du tourisme mondial.