In memoriam!

Le 4 juillet 2025, disparaissait à l’âge de 94 ans Abdelkader Benslimane, ancien ministre des Finances et du Tourisme. Il s’est éteint, dans une relative discrétion fidèle à sa personnalité. Mais derrière cette réserve apparente se cache un parcours d’une densité rare, mêlée de technocratie, de diplomatie et d’engagement réformiste dans les coulisses de l’Etat.

Ses funérailles, organisées le 5 juillet au cimetière Chouhada à Rabat, ont rassemblé de nombreuses figures de la haute administration, de l’économie et de la diplomatie, venues rendre hommage à un homme au profil à la fois classique et exceptionnel, dont les traces, bien que peu médiatisées, ont profondément marqué les appareils de l’État marocain.

Ministre des Finances de 1974 à 1978, Abdelkader Benslimane a pris les rênes de l’économie nationale dans un moment charnière : la fin du premier choc pétrolier, la montée de l’endettement extérieur et les balbutiements d’une ouverture contrôlée du système financier marocain. À une époque où les finances publiques faisaient face à des tensions accrues, Benslimane s’est inscrit dans une ligne de rigueur maîtrisée, refusant les aventures populistes tout en tentant de préserver les équilibres fondamentaux.

Son approche était souvent qualifiée de “prudente mais structurante” Il était l’un des rares à l’époque à alerter en privé sur la dépendance excessive aux financements extérieurs, anticipant dès la fin des années 1970 les contraintes qui mèneront au Plan d’ajustement structurel imposé par le FMI au début des années 80.

Moins connue du grand public mais hautement stratégique fut sa mission diplomatique. Abdelkader Benslimane a été ambassadeur dans plusieurs capitales mondiales, notamment à Paris et à Bruxelles, dans des périodes où le Maroc cherchait à redéfinir ses partenariats stratégiques, notamment dans les années de transition post-coloniale et durant la construction du partenariat euro-méditerranéen.

Son passage au ministère du Tourisme, bien que plus bref, fut marqué par une tentative de territorialisation de la politique touristique. À une époque (fin des années 70-début 80) où l’on parlait peu de “vision territoriale” ou de “marketing régional”, Benslimane avait compris l’importance d’une diversification géographique de l’offre touristique marocaine au-delà du triangle classique Rabat-Casablanca-Marrakech.

Il soutient notamment, en 1977, le lancement de projets pilotes à Ouarzazate, Agadir et Tétouan, consistant à poser les bases d’un tourisme culturel, saharien et balnéaire complémentaire au tourisme urbain traditionnel. Même si ces projets ont pris du temps à mûrir, ils constituent les premières briques de ce qui deviendra dans les années 2000 les “plans Azur” et “Vision 2020”.

À contre-courant d’une époque où les figures politiques se livrent à une médiatisation constante, Abdelkader Benslimane a toujours cultivé une sobriété méthodique. Jamais de déclaration tapageuse, très peu de discours publics et une absence quasi totale sur la scène partisane. Un homme de devoir plus que de tribune.

Ce style, fait de retenue et d’efficacité silencieuse, trouve aujourd’hui peu d’héritiers. Pourtant, dans les couloirs de plusieurs ministères, son nom est encore cité avec respect par ceux qui ont connu les “grandes heures de la réforme administrative” des années 70 et 80.

Il laisse derrière lui un legs institutionnel ancré dans des pratiques, des normes et une rigueur de gestion qui inspirent encore certains hauts fonctionnaires.

Abdelkader Benslimane représente une génération charnière : celle qui a su faire le pont entre l’administration héritée du protectorat et la modernisation progressive de l’État marocain. En économie, il fut un bâtisseur de fondations solides. En diplomatie, un artisan d’alliances durables. En tourisme, un visionnaire discret. Mais au-delà des fonctions, il incarne une certaine idée du service public, faite de loyauté, de compétence, et de distance vis-à-vis des projecteurs.

Sa disparition marque la fin d’un style, mais rappelle aussi l’importance de ces profils qui, sans bruit, ont fait tenir debout les institutions marocaines dans les moments les plus complexes.

Que Dieu ait son âme en Sa Sainte miséricorde !

Read Previous

Le Maroc devient l’attraction préférée des grandes fortunes africaines

Read Next

L’ONDA restructure ses pôles

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *