Le tourisme à Azilal cherche à sauver son « climat »

Le lancement par le programme Tourisme Durable Suisse Maroc (TDSM) d’une consultation dédiée à l’atténuation et à l’adaptation aux impacts climatiques dans la destination d’Azilal est un signal fort. L’approche, dotée d’une ambition technique, vise à intégrer durablement les contraintes climatiques dans la planification touristique de cette contrée emblématique du Haut-Atlas marocain, où prévalent l’écotourisme, la valorisation patrimoniale et des fragilités environnementales.

Azilal est un creuset où se mêlent biodiversité montagnarde et savoir-faire communautaires. Le lac Bin el Ouidane, les cascades d’Ouzoud, les gorges d’Arous ou encore les hauts plateaux de Tagleft en font une destination prisée pour le tourisme de nature et d’aventure.

Mais cette richesse repose sur un équilibre fragile. La province subit déjà des effets tangibles du dérèglement climatique : baisse des précipitations, sécheresses récurrentes, érosion des sols, stress hydrique et fragilisation des écosystèmes forestiers. Le tourisme, en croissance lente mais continue, risque d’aggraver ces pressions sans mécanismes d’adaptation adéquats.

La consultation lancée dans le cadre du programme TDSM, initiative conjointe de la Direction Générale des Collectivités Territoriales (DGCT) et de la Coopération suisse- cherche à élaborer une feuille de route opérationnelle pour rendre le tourisme à Azilal plus résilient aux aléas climatiques. Il s’agit d’un dispositif d’ingénierie territoriale intégré, articulé autour de :

-Un diagnostic climatique localisé, croisant données scientifiques (précipitations, températures, scénarios IPCC) et savoirs locaux (observations communautaires, mémoire environnementale).

-Une cartographie des risques et vulnérabilités spécifiques aux activités touristiques (effondrements de sentiers, rareté de l’eau dans les gîtes, incendies de forêts, etc.).

-Des mesures d’atténuation concrètes, comme l’éco-conception des infrastructures, la gestion durable des flux touristiques ou encore l’usage d’énergies renouvelables.

-Des scénarios d’adaptation différenciés selon les zones : zones humides, zones pastorales, circuits de montagne ou centres villageois.

L’approche se veut participative, avec une implication active des collectivités locales, des opérateurs touristiques, des associations environnementales et des communautés locales, notamment les Aït Bouguemez et les Aït Atta. La logique du “co-design climatique” est centrale : on ne plaque pas une solution top-down, on l’implante avec les acteurs du terrain.

L’un des grands défis de ce type de consultation reste sa traduction concrète en politiques publiques locales cohérentes. La province d’Azilal souffre historiquement d’un manque d’ingénierie de projet, de faibles capacités administratives et de l’absence de mécanismes de financement stables pour le climat. Cette étude devra donc aller au-delà de la planification théorique pour proposer vraisemblablement des outils de gouvernance climatique à l’échelle de la province, avec un pilotage clair, des indicateurs de suivi, et un appui à la montée en compétence des acteurs, des mécanismes de financement vert, en mobilisant par exemple le Fonds Vert pour le Climat, des partenariats public-privé, ou des contributions volontaires des visiteurs (tourisme responsable) et une intégration dans les documents d’aménagement locaux, comme les Plans de Développement Communaux (PDC) ou les Schémas Régionaux d’Aménagement du Territoire (SRAT).

Ce projet pilote à Azilal pourrait constituer un modèle reproductible dans d’autres régions sensibles du Maroc, comme Tafraout, Chefchaouen, Midelt ou Tata. À condition toutefois de tirer pleinement les leçons du terrain et d’investir dans la continuité. Car le tourisme climatique, encore peu exploré dans les stratégies nationales, pourrait devenir un nouveau pilier du positionnement du Maroc en matière de durabilité touristique.

Alors que le Royaume s’est engagé dans sa Stratégie Nationale de Développement Durable (SNDD) à verdir son économie à l’horizon 2030, et que le ministère du Tourisme développe un référentiel “Eco-Lodges” en partenariat avec le Cluster Solaire, l’expérience d’Azilal pourrait fournir un chaînon manquant entre ambitions nationales et résilience locale.

La démarche initiée par le programme Tourisme Durable Suisse Maroc à Azilal pose, en fait, les bases d’une écologie territoriale appliquée au tourisme, dans une région sous-dotée. En ciblant des mesures à fort impact, en impliquant les communautés locales, et en intégrant les données climatiques dans les outils de planification, cette initiative pourrait faire d’Azilal un territoire démonstrateur de la transition touristique au Maroc, à condition qu’elle s’inscrive dans la durée et bénéficie d’un soutien institutionnel et financier pérenne.

Pour consulter les termes de référence : https://lnkd.in/e7zfhKX2

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