Préoccupant. Ce mois de juillet 2025 sonne t-il l’alarme pour le secteur hôtelier de Marrakech? Après une année 2024 marquée par une effervescence touristique quasi historique, les premiers indicateurs de la saison estivale actuelle suggèrent un net ralentissement. Les premiers retours des hôteliers, sollicités par l’Association Régionale de l’Industrie Hôtelière Marrakech-Safi, laissent entrevoir une baisse potentielle de -15 à -25 % du taux d’occupation par rapport à juillet 2024. Une correction sévère qui interpelle, particulièrement dans les segments 3*, 4* et même luxe, autrefois ultra-résilients. Que s’est-il donc passé ?
L’année 2024 avait placé la barre très haut : Marrakech affichait des taux d’occupation record, boostés par le retour post-Covid des grands événements, un calendrier favorable du Ramadan et l’afflux massif des MRE. Cette dynamique, exceptionnelle à bien des égards, ne pouvait raisonnablement être durable.
En 2025, le marché semble redescendre sur un plateau plus normalisé. Les professionnels constatent que juillet retrouve son profil historique : un mois de transition, souvent moins performant que les périodes d’avril-mai et septembre-octobre, davantage prisées par une clientèle en quête de confort climatique et d’expériences immersives.
La hausse marquée des températures estivales est un facteur non négligeable. Avec des pointes régulières dépassant les 46°C début juillet, Marrakech devient, pour certains marchés émetteurs européens, une destination disqualifiée en été. Les touristes recherchent aujourd’hui une forme de “fraîcheur active” : plage, brise marine, forêts ou montagnes. D’où le regain d’intérêt pour les stations balnéaires de la Méditerranée (Saïdia, Al Hoceima, Tunis, Bodrum, etc.) ou de l’Atlantique (Essaouira, Agadir, Canaries), qui se repositionnent comme alternatives saisonnières directes.
Tous les établissements ne sont pas logés à la même enseigne. Les unités hôtelières affichant un positionnement clair –combinant animation, service, gastronomie et prix étudiés– maintiennent des taux satisfaisants. Les familles marocaines notamment, qui continuent à privilégier les clubs familiaux ou resorts intégrés, contribuent à ce socle de résilience.
À l’inverse, certaines offres standardisées, sans identité forte ni valeur ajoutée (hôtels 3*-4* urbains à forte densité, sans différenciation notable), subissent de plein fouet la concurrence régionale et la volatilité de la demande.
Marrakech paie aussi les effets de saturation d’un modèle touristique en tension. Toujours ces interminables files d’attente à l’aéroport Marrakech Menara, des formalités rallongées, des infrastructures sous-dimensionnées en haute saison ont terni l’expérience client à l’arrivée et au départ. Un inconvénient auquel s’ajoutent des embouteillages constants, travaux mal coordonnés, pénurie de taxis et arrêt de plusieurs lignes de bus touristiques ont complexifié les déplacements intra-muros. Aussi certains quartiers souffrent de débordements nocturnes qui affectent la tranquillité recherchée par une clientèle de plus en plus sensible au cadre global du séjour. Sans omettre une diaspora MRE en repli.
L’un des constats les plus partagés par les professionnels est l’absence d’une stratégie de marketing territorial lisible, continue et scientifiquement fondée. Marrakech souffre d’un pilotage promotionnel parfois trop réactif, événementiel ou dépendant d’initiatives privées, sans ancrage cohérent dans un storytelling global renouvelé. Or, face à des destinations qui investissent massivement dans leur attractivité (Portugal, Égypte, Grèce), l’enjeu d’image devient décisif.
La baisse des taux d’occupation à Marrakech en juillet 2025 doit donc être comme une alerte sérieuse. N’empêche que le secteur hôtelier y dispose encore d’atouts solides : infrastructures de qualité, hospitalité reconnue, diversité culturelle unique. Mais sans correction rapide des dysfonctionnements évoqués, ni refonte stratégique de son comportement estival, Marrakech risque de voir s’accentuer une forme d’érosion saisonnière.
L’ARIH a eu le mérite de tirer la sonnette d’alarme à temps. Reste à espérer que cette enquête en cours débouche sur des mesures concrètes, durables et stratégiques. La ville ocre mérite mieux qu’un sursaut : elle a besoin d’un nouveau souffle.




