Dans son discours du 29 juillet 2025, Sa Majesté met en avant une démarche globale de régionalisation visant à créer des zones intégrées géographiquement, économiquement et culturellement. Cette architecture régionale est susceptible de transformer directement les territoires touristiques : chaque région peut désormais développer un écosystème touristique cohérent, reliant sites patrimoniaux, routes d’accès, hébergements et expériences culturelles dans une stratégie unifiée. Il est justement aberrant que des régions à fort potentiel touristique et écologie soient reléguées au second plan indéfiniment et ne prennent qu’une marge maigre dans les stratégies de développement et de promotion comme l’Oriental, Fez-Meknès. Draa-Tafilalet, etc.
Le discours du Trône trace, en effet, les contours d’une nouvelle ambition nationale collective et non ségrégationniste. Si la centralité du développement humain, de l’intégration régionale et de la justice sociale y est réaffirmée, le secteur du tourisme y apparaît, avec une rare clarté, comme un fondement d’avenir. Non pas comme simple pourvoyeur de devises ou de flux passagers, mais comme vecteur structurant d’infrastructures, d’emplois, de rayonnement culturel et de diplomatie territoriale.
Au cœur du discours royal, une inflexion nette : faire de l’espace atlantique -et plus précisément du Sud marocain, notamment Dakhla- une nouvelle frontière touristique marocaine. Non plus périphérique, mais centrale dans la reconfiguration de l’offre nationale.
Dakhla bénéficie déjà d’une infrastructure solide : aéroport international connecté à l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, position géostratégique entre océan et désert, conditions climatiques idéales pour le sport de glisse. Faut-Il le rappeler ? En 2024, près de 30 % des nuitées dans la région provenaient du segment « sport & nature haut de gamme ». Le discours du Roi confirme l’intention de faire de cette destination un hub touristique atlantique intégré, adossé à des investissements logistiques, énergétiques et culturels.
Avec pour enjeu suprême et évident : harmoniser développement hôtelier, préservation des écosystèmes et valorisation de la culture hassanie pour éviter l’écueil d’une « baléarisation » sans identité.
L’un des aspects les plus originaux du discours royal réside sans doute dans sa mise en relation explicite entre politique énergétique et développement touristique. Il ne s’agit plus de juxtaposer les initiatives : le tourisme devient un vecteur de communication et de valorisation des choix écologiques du Maroc.
La transition énergétique -à travers les projets de dessalement par énergie solaire à Laâyoune, les parcs photovoltaïques (Noor Ouarzazate), ou les investissements dans l’économie bleue (zones de pêche durable, hubs portuaires à vocation touristique)- offre justement au Maroc une position unique pour capter un tourisme de conscience écologique, en forte croissance.
Perspective concrète? imaginer des circuits pédagogiques autour des énergies renouvelables, du savoir-faire local dans la gestion de l’eau et de la biodiversité côtière.
SM Le Roi a, à plusieurs reprises dans son discours, souligné en filigrane la nécessité de renforcer l’éthique de service, la transparence tarifaire et la qualité de l’accueil, notamment dans les médinas, les souks et les circuits non institutionnels. Cela s’inscrit dans une volonté de moralisation de l’économie touristique, cruciale à l’heure où la concurrence régionale s’intensifie (Égypte, Arabie Saoudite, Émirats).
L’appel à institutionnaliser une police touristique active, formée et visible, notamment dans les villes patrimoniales, devient essentiel dans cette logique. Il en va de la confiance du visiteur comme de l’attractivité de long terme.
À ce niveau, on peut s’interroger sur la mise en œuvre rapidement d’un système national unifié d’évaluation des prestations touristiques (guides, riads, taxis, boutiques artisanales), avec sanctions dissuasives et primes à l’excellence.
Ceci quand on sait qu’avec 17,4 millions de visiteurs en 2024 et un premier semestre 2025 marqué par une progression de +19 %, le Maroc consolide sa place de destination majeure sur le continent africain. Mais au-delà des chiffres, le discours trace les lignes d’une diplomatie touristique raffinée.
Encore que notre pays entend renforcer ses liens avec des marchés émergents : Europe de l’Est, Asie du Sud-Est, Afrique anglophone. L’ONMT, réorganisé début 2025, a ouvert sept nouveaux bureaux internationaux pour diversifier les flux. Par ailleurs, la distinction du Maroc comme « Partenaire touristique de l’année 2025 » par le World Tourism Group (WTG) donne un élan à cette stratégie d’influence.
Clé de réussite? miser sur des campagnes de nation branding alignées à la vision royale, non pas le Maroc carte postale, mais un Maroc de l’innovation, de l’authenticité et de la durabilité.
Un des enseignements les plus structurants du discours royal réside dans cette conviction exprimée avec clarté : « Il n’y a pas de développement national sans développement régional équilibré ». Le tourisme, dans cette perspective, doit devenir instrument d’activation économique dans les zones rurales et semi-urbaines.
Concrètement, cela suppose des micro-projets touristiques adossés à des coopératives locales, la promotion de circuits alternatifs, valorisant les patrimoines immatériels (musique, rites, cuisine régionale) et la création de « routes régionales » thématiques : route des kasbahs rénovées, route des zaouïas, ou route de l’artisanat amazigh.
Exemple inspirant: l’expérience pilote dans le Haut-Atlas oriental où 12 villages ont mutualisé leur offre pour accueillir plus de 20 000 visiteurs en 2024, avec un impact direct sur l’emploi féminin.
Le discours de Sa Majesté est de ce fait un cap royal pour un tourisme souverain, intelligent et durable. Car le discours du Trône 2025 repense le tourisme comme un projet de souveraineté économique, de diplomatie territoriale et de résilience écologique.
À condition que les opérateurs privés, les institutions territoriales et les acteurs culturels s’alignent à cette stratégie ambitieuse, le Maroc dispose désormais de tous les leviers pour faire de son modèle touristique un modèle de gouvernance intelligente, équilibrée et durable.




