mustapha amal 
Tanger vient de réussir un formidable coup touristico-diplomatique et culturel inattendu en séduisant près d’un milliard de spectateurs chinois… sans affiches, sans slogans, sans storytelling officiel. La saison 9 de l’émission de téléréalité à succès « Chinese Restaurant », tournée à Tanger, a en effet explosé les compteurs numériques avec plus de 900 millions de vues, permettant de repositionner en beauté le Maroc en tant que plateau naturel et destination émotionnelle aux yeux du grand public chinois.
Les caméras de Hunan TV ont mis en scène des interactions sociales sincères entre les célébrités chinoises et les habitants de la Médina, transformant une émission culinaire en une expérience d’hospitalité partagée. Ce n’est pas seulement la beauté plastique du lieu qui a ému les spectateurs, mais aussi la chaleur humaine des marchands, des artisans et des cuisiniers de rue.
L’un des tours de force de la production a été de créer un métissage culinaire intelligent. Les chefs chinois ont revisité leurs classiques en intégrant produits et savoir-faire marocains -coriandre fraîche, huile d’argan, poisson de l’Atlantique- tout en adaptant les textures aux palais asiatiques. Résultat : des plats hybrides, inédits, mais profondément liés au terroir.
Cette traduction culinaire permet aux spectateurs chinois de s’approprier symboliquement le Maroc sans le rendre totalement étranger. Manger le Maroc, c’est déjà commencer à le comprendre, une stratégie de soft power bien plus fine que n’importe quel discours diplomatique.
L’effet viral de l’émission est certainement dû à la force de frappe des plateformes chinoises : iQIYI, Tencent Video, Weibo, Douyin. L’épisode tourné dans la kasbah de Tanger, partagé plus de 12 millions de fois sur Douyin en trois jours, a suscité des réactions en chaîne : vidéos culinaires amateurs, tutoriels de tajines en mandarin, et même des fan trips virtuels recréant les itinéraires de l’équipe.
Ce marketing organique n’a rien coûté au Maroc, mais a généré des effets économiques réels. Plusieurs artisans figurant dans l’émission ont été sollicités par des réseaux de distribution chinois, et des agences de voyages comme Xiaolu Travel ou Guangzhou MICE Link ont commencé à proposer des circuits « sur les traces de Chinese Restaurant ».
Depuis la diffusion, quatre repérages ont déjà été confirmés par des sociétés chinoises pour des tournages en 2025–2026, notamment dans les régions de Chefchaouen, Azemmour et Essaouira.
Le Maroc devient pour la Chine un partenaire crédible, rapide, réactif, à rebours de certaines destinations asiatiques aujourd’hui saturées ou diplomatiquement sensibles.
La kasbah de Tanger a vu sa fréquentation par des touristes chinois augmenter de +280 % au printemps 2025, avec l’apparition de guides spécialisés en mandarin. Quant au chef Younes A., cuisinier local figurant dans un épisode, a été invité en juin 2025 à la China International Culinary Expo de Chengdu pour une démonstration de cuisine marocaine. Tandis que la startup tangéroise Maroc Accueil, jusqu’alors orientée vers l’Europe, a signé un contrat de partenariat avec une agence de Guangzhou pour accompagner des cinéphiles chinois en voyage culturel dès octobre.
Ce triomphe discret n’est pas un feu de paille. Il pourrait être le début d’un réalignement géoculturel, où le Maroc devient un pont naturel entre Afrique, Méditerranée et Asie.
