Comme chaque année, les chiffres relatifs aux Marocains Résidant à l’Étranger semblent gonflés suscitant de nombreuses discussions, notamment sur les groupes privés de messagerie comme WhatsApp, devenus des espaces informels mais féconds de débat public. Une des interrogations les plus récurrentes concerne l’écart souvent relevé entre le nombre total de MRE officiellement recensés et le volume des entrées au Maroc. Une divergence arithmétique qui alimente les spéculations : comment peut-on expliquer que 5 millions de MRE produisent plus de 8,1 millions d’entrées annuelles sur le territoire marocain ? Cette question soulève à juste titre un besoin de clarification, de sources solides et d’analyses rigoureuses. Mais l’enchevêtrement et le manque de concordance fiable entre les différents intervenants officiels pose cependant problème…
Le chiffre de 5 millions de Marocains résidant à l’étranger est fréquemment cité, notamment par le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger. Il s’agit toutefois d’une estimation plus qu’un recensement dynamique. Elle repose sur les données transmises par les consulats, croisée parfois avec celles des pays d’accueil, mais reste sujette à de nombreux biais. D’abord, il faut savoir qu’une partie des MRE ayant acquis la nationalité d’un pays européen ou nord-américain peuvent ne plus être recensés par les autorités marocaines, sauf s’ils conservent un lien administratif actif avec le Maroc. Ensuite, de nombreux MRE sont des binationaux ou des descendants de première, deuxième, voire troisième génération, qui circulent régulièrement sans toujours être comptabilisés comme « résidents à l’étranger » au sens strict. Tandis que les nouveaux migrants ne sont pas toujours intégrés aux bases de données officielles avant plusieurs années.
Ce chiffre de 5 millions doit donc être interprété comme un socle administratif et non comme une photographie exhaustive du phénomène.
Le chiffre des 8,1 millions d’entrées : que dit réellement cette statistique ? L’Office National des Aéroports, l’Office des Changes, ainsi que le CNT et l’Observatoire du Tourisme publient régulièrement les chiffres d’entrées au Maroc, notamment à l’occasion des opérations estivales Marhaba. Or, les chiffres publiés regroupent des entrées physiques, c’est-à-dire des allers simples ou allers-retours de MRE, les passages multiples d’un même individu sur l’année et des transits parfois courts, mais comptabilisés comme des « entrées ». Autrement dit, un même MRE qui entre trois fois dans l’année est compté… trois fois.
Cela signifie évidemment que le chiffre de 8,1 millions ne correspond pas à 8,1 millions de personnes distinctes, mais à un cumul de passages aux frontières.
L’hypothèse évoquée dans les discussions WhatsApp –à savoir qu’environ 3,5 millions de MRE réaliseraient en moyenne 2,25 entrées annuelles– semble statistiquement plausible à première vue. Soit 3,5 millions de MRE x 2,25 entrées = 7,875 millions, en joutant 0,225 million de passages exceptionnels (étudiants, affaires, etc.), on atteint les 8,1 millions évoqués.
Ce débat soulève un enjeu de taille : la nécessité de créer, pourquoi pas, d’un observatoire national intégré de la diaspora, une sorte de miroir propre des statistiques douanières, des sciences sociales et des données consulaires. Une telle structure permettrait d’en finir avec les approximations et de mieux orienter les politiques publiques envers les MRE, qui restent un excellent pourvoyeur de devises pour l’économie et l’identité marocaine dans le monde.




