Humeur de passage au « Mérinides Fez »

D’habitude, l’expression « un hôtel avec une âme » est trop souvent un cliché commercial. Mais à Fez, l’Hôtel Les Mérinides en donne, du moins pour moi, une démonstration concrète, presque palpable. Ici, l’âme réside dans des éléments matériels, des gestes humains, des choix d’aménagement mobilier, parfois invisibles pour le visiteur distrait, mais évidents pour qui prend le temps de voir, d’écouter, de ressentir.

En entrant dans le grand lobby de l’hôtel, l’œil est tout de suite attiré par plusieurs pièces de mobilier ancien : un bureau en noyer massif sculpté à la main, placé à gauche de l’accueil, datant de l’ouverture de l’établissement dans les années 1960, en est l’un des exemples les plus visibles.

Les fauteuils du salon central ne sont pas en simili-cuir : ce sont de vraies pièces en cuir tanné traditionnellement, cousues à la main, aux accoudoirs en bois tourné, avec des traces d’usage qui racontent des décennies de passage. On n’a pas cherché à les remplacer par du mobilier « tendance », mais à les entretenir, à les nourrir, à les restaurer discrètement.

Même les luminaires ont une histoire : les suspensions du hall sont en cuivre ciselé à Fez même, œuvres de maîtres artisans ayant collaboré autrefois avec les établissements Dar Batha. Chaque lampe est unique. Aucune n’est industrielle.

La galerie qui relie le hall aux chambres côté ouest est entièrement bordée de panneaux en cèdre de l’Atlas finement sculptés à la main, avec des motifs floraux typiques du répertoire mérinide. Ces éléments sont des parties structurelles du bâtiment, conçues dès le départ comme des œuvres à contempler.

Ces boiseries, sombres et puissantes, dégagent une odeur subtile, celle du bois ancien qui respire encore. À certains endroits, on peut remarquer de légères anciennetés, preuve de leur authenticité et de leur âge. Elles ne sont pas « abîmées », vécues plutôt !

L’hôtel aurait pu être rénové selon les standards internationaux du design hôtelier contemporain avec murs blancs, luminaires LED encastrés, mobilier scandinave impersonnel. Il ne l’a pas été. Par choix.

Certes, cela donne parfois un aspect désuet à certains couloirs. Mais c’est un désuet signifiant : celui d’un établissement qui préfère assumer son âge et ses marques plutôt que de s’aseptiser.

L’Hôtel Les Mérinides n’a pas « une âme » au sens abstrait du terme. Il manifeste cette âme par la continuité de son mobilier, la préservation de son artisanat, la mémoire humaine de son personnel, et le refus de se formater. Ce sont des choix. Pas des hasards.

Il démontre qu’un hôtel peut être une entité vivante, avec un passé assumé, un présent habité, et une identité suffisamment forte pour traverser le temps sans se diluer.

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