La Tour Hassan Palace décrit en mémoire vivante par Jeune Afrique

Dans un article aussi élégant que documenté, paru le 8 août 2025 dans Jeune Afrique, intitulé « La Tour Hassan Palace : secrets, faste et diplomatie au cœur de Rabat » sous la plume de Nina Kozlowski, le récit livre une plongée fascinante dans les coulisses du Tour Hassan Palace Rabat, hôtel de légende dont l’histoire épouse étroitement celle du Maroc moderne. Le texte narre subtilement un lieu chargé d’histoire, où le décor noble n’a d’égal que l’intensité des tractations politiques et diplomatiques qui s’y sont jouées jadis.

L’article commence par poser les fondations historiques du palace, soulignant que l’inauguration en 1912 coïncide avec l’établissement du Protectorat français. On apprend ainsi que le style architectural hispano-mauresque, avec ses zelliges minutieux, ses stucs ciselés, ses fontaines de marbre et ses patios andalous, reflète une volonté d’appropriation esthétique du patrimoine marocain, tout en affirmant une modernité occidentale.

Cette corrélation entre patrimoine et pouvoir donne immédiatement une double identité au palace, un espace de réception pour les élites coloniales et un marqueur de la transformation urbaine de Rabat en capitale politique du Royaume.

Ce que l’article réussit avec finesse, c’est à montrer que La Tour Hassan n’a jamais été un simple décor. Après l’indépendance en 1956, le palace devient un instrument diplomatique officieux, réquisitionné pour des événements d’ampleur, comme la préparation de la Marche verte en 1975, événement majeur de l’unité nationale.

Le surnom donné au palace « l’ONU » est particulièrement éclairant. On découvre que l’établissement a vu défiler une galerie impressionnante de chefs d’État africains et arabes, de diplomates de haut rang, mais aussi de stars du cinéma et de la musique internationale.

Ce double registre (politique et culturel) est l’une des grandes forces de l’article : en mentionnant Léopold Sédar Senghor, Habib Bourguiba, le roi Hussein de Jordanie ou encore des figures comme Elizabeth Taylor, David Bowie ou Clint Eastwood, Jeune Afrique souligne que le lieu est à la fois coulisse du pouvoir et scène mondaine. Et dans les années 2000 et 2010, c’est autour du festival Mawazine que le palace continue d’attirer une jet set mondiale, confirmant sa place dans l’écosystème des grandes diplomaties culturelles du royaume.

L’article insiste également sur sa transformation maîtrisée à travers deux grandes rénovations (1995 et 2015), opérées par Mohamed Benamour, qualifié d’entrepreneur visionnaire. Ce dernier, loin de muséifier le lieu, semble avoir su préserver l’âme tout en injectant une modernité maîtrisée, un équilibre que bien peu d’hôtels historiques parviennent à maintenir. La précision donnée sur le nombre de chambres (143), le nom des restaurants (La Maison arabe, L’Épicurien), ou encore les salons diplomatiques (« Corps diplomatique », « Salle Consul ») renforce cette lecture enracinée, presque cartographique, du lieu.

Ce que l’article de Jeune Afrique rend particulièrement visible, c’est la manière dont La Tour Hassan Palace représente une forme de diplomatie paisible propre au Maroc, pas spectaculaire, souvent informelle, mais d’une redoutable efficacité. Dans ces salons feutrés se discutent alliances, compromis ou encore projets d’influence économique et culturelle, à l’image de la réception de Nicolas Sarkozy en 2023, venue présenter ses mémoires devant un aréopage soigneusement choisi.

Ce détail montre que le palace reste aujourd’hui un outil d’influence au service du soft power marocain. En cela, il rejoint d’autres lieux mythiques du royaume comme La Mamounia à Marrakech ou l’ancienne Gazelle d’Or à Taroudant, dans une tradition où le luxe devient un langage diplomatique à part entière.

En retraçant plus d’un siècle d’histoire sans verser dans l’hagiographie, Jeune Afrique signe ici un article rare, qui ne se contente pas de décrire un palace, mais en explore les fonctions invisibles, les couches symboliques et les mémoires croisées. La Tour Hassan Palace apparaît devient un lieu de mémoire active, un acteur discret de l’histoire politique du Maroc, un outil d’hospitalité diplomatique et un symbole de continuité souveraine.

En un mot, un haut lieu de valeur, à la fois authentique et porte-drapeau de l’hôtellerie historique marocaine, d’un Maroc en dialogue avec lui-même et avec le monde.

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