Enquête : pourquoi Saïdia tarde encore à prendre sa vitesse de croisière ? (1)

C’est désormais indéniable et vérifiable in situ: Saïdia dispose aujourd’hui d’une infrastructure physique enviable: marina, golfs, hôtels internationaux, clubs all-inclusive de premier plan, grandes plages et programmes lourds pilotés par la Société de Développement Saïdia (SDS). Pourtant la station reste emprisonnée dans son statut de destination saisonnale et fragile hors des mois d’été.

Les documents d’investissement et fiches-projets que nous avons consultés, parlent d’une capacité potentielle très élevée (projets Mediterrania évoquant jusqu’à 31 000 lits au total, dont hôtels et résidences), mais la capacité opérationnelle reste bien moindre. Une note d’investissements récapitule 31 059 lits théoriques (17 714 lits hôteliers + 13 345 lits résidentiels) pour le projet global, tout en indiquant qu’en exploitation la station ne disposait que d’environ 5 600 lits à une date récente du dossier prospectif. Ce décalage entre projet et exploitation explique en grande partie la difficulté à générer une fréquentation stable toute l’année.

Point pratique récent : SDS a annoncé (et des médias nationaux en ont d’ailleurs parlé) des opérations de rénovation et de montée en gamme incluant des volets d’exploitation (par ex. un ensemble réaménagé avec 768 lits sous gestion Radisson), signe qu’on étoffe progressivement l’offre hôtelière permanente, mais ces opérations, bien que très louables dans le fond, ne peuvent pas à eux seuls résoudre le problème la saisonnalité de la station.

Plusieurs facteurs structurels se conjuguent, en effet. L’effet dominos des vacances scolaires et des week-ends d’été domine la fréquentation ; opérateurs locaux et acteurs régionaux le reconnaissent et font de l’élargissement de la saison une priorité à atteindre. Mais sans produit d’arrière-saison fort (congrès, santé, enseignement, tourisme sportif), l’occupation rechute rapidement.

Certes, la SDS porte l’aménagement et l’infrastructure, mais la commercialisation internationale dépend largement de l’ONMT, des tour-opérateurs et des hôteliers individuels. Ce découpage rend automatiquement difficile une stratégie intégrée produit, distribution et flux aériens inexistants dédiée à Saïdia. La SDS a, certes, fait d’importants travaux d’infrastructure (assainissement, marina, voirie) et d’animation culturelle de la station en contribuant grandement à l’organisation d’événements culturels, artistiques et festivals nécessaires mais insuffisants pour créer une demande hors saison, surtout  quand l’ONMT fait la sourde oreille aux demandes pressantes des opérateurs de la station pour ramener des compagnies low cost en co-marketing.

Parallèlement, des retours clients évoquent des écarts entre standing affiché et qualité de service (prix 4/5* pour des prestations parfois inégales). Ce qui handicape la prescription internationale et la répétition client.

Bien sûr, Saïdia n’a pas d’aéroport propre, les aéroports les plus proches étant Oujda-Angads (55 km) et Nador (95 km). Le temps et le coût des transferts pèsent sur la décision des tour-opérateurs et des clients internationaux, d’où la dépendance aux marchés de proximité (France, Belgique, Espagne, diaspora).

De sa part, l’ONMT mène des campagnes nationales et régionales récentes (campagnes « Ntla9aw fbladna », roadshows internationaux, ciblage CAN 2025, accords commerciaux), mais en pratique ces campagnes privilégient des marques-pays et des pôles historiques (Marrakech, Casablanca, Agadir, Fez). Pour Saïdia, qui a pourtant un besoin d’habillage produit (événements hors saison, rendez-vous sportifs, congrès régionaux, tourisme médical/éducatif), l’effort promotionnel de l’ONMT reste plutôt générique ; la déclinaison ciblée manque encore. En clair, l’ONMT ne « sabote » pas Saïdia, mais sa stratégie n’a pas encore suffisamment orienté moyens et messages vers la transformation saisonnière du produit.

Sur le terrain, la plupart des grandes structures de Saïdia (Be Live, Iberostar, Radisson, Oasis…) combinent des formules tout-compris, demi-pension et pension complète, en particulier pour la clientèle familiale. Conséquence pratique : la structure produit-tarif (all-inclusive, circuits clubs) renforce assurément la saisonnalité, sachant quand même que ces modèles sont très dépendants des flux estivaux courts. Pour dé-saisonnaliser, les professionnels locaux estiment qu’il faudra plutôt élargir les gammes (séjours bien-être, congrès, formation universitaire, sport hivernal/printanier) et repenser la tarification hors saison.

Saidia est une station trop belle pour que l’on en reste indifférent, elle n’est pas du tout bloquée mais juste laissée pour compte. Mais jusqu’à quand ? Patiente, elle fait jusqu’ici face à un ensemble de problème indépendants qui échappent à sa maîtrise. Les signaux sont bien sûr positifs mais tardent, victimes d’une stratégie intégrée régionale qui se cherche encore afin de transformer finalement des actifs physiques en produits commerciaux 12 mois sur 12. Si SDS, ONMT, CRT et opérateurs privés acceptent un plan chiffré, coordonné et tourné vers la diversification produit et la connectivité, la transformation est toujours aux mains des pouvoirs publics décisionnels…

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