Le Maroc a choisi Ifrane pour envoyer un message fort : l’avenir du secteur passera par l’écotourisme et l’investissement responsable. Pour ce faire, une conférence internationale sur l’écotourisme et l’investissement responsable, a été organisée par la SMIT avec le soutien du CRI Fez-Meknès et de l’ANEF, rassemblant plus de 150 experts et investisseurs venus d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord.
Dans son discours d’ouverture, la ministre du Tourisme, Fatim-Zahra Ammor, a dressé un constat clair : « Avec plus de 17 millions de touristes en 2024, il est fondamental de préserver les ressources de notre pays. » Elle a rappelé que la part des visiteurs recherchant des expériences durables a doublé en cinq ans, passant de 5 % en 2019 à 10 % en 2024.
Trois axes structurants ont été mis en avant :
-le programme Go Siyaha-Croissance Verte, pour accompagner la transition écologique des établissements touristiques,
-la valorisation de 16 villages touristiques, afin de créer des écosystèmes locaux intégrés,
-et la Nouvelle Charte de l’Investissement, qui incite directement les projets durables.
La ministre a souligné que la durabilité ne doit pas rester un slogan, mais devenir la colonne vertébrale du secteur.
Le choix d’Ifrane est idéal puisque la province est au cœur d’un projet de 730 millions de dirhams destiné à faire du Parc national d’Ifrane un pôle écotouristique de référence.
Le programme prévoit, en effet, des hébergements innovants et sobres en carbone (bubbles dômes, cabanes perchées, igloos de montagne, gîtes flottants), une offre d’activités de plein air (randonnée, sport, observation de la biodiversité) et une forte implication dans l’économie locale, avec la collaboration des TPME et des communautés villageoises.
Pour Imad Barrakad, DG de la SMIT, « il ne s’agit pas seulement de verdir le tourisme existant, mais de repenser la chaîne de valeur elle-même, avec des produits adaptés aux tendances mondiales et aux impératifs écologiques ».
La conférence a également réuni:
-Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau, a insisté sur l’importance d’une gestion intégrée de la ressource hydrique,
-Karim Zidane, ministre délégué chargé de l’Investissement, a rappelé le rôle de la Nouvelle Charte pour attirer des capitaux responsables,
-des partenaires internationaux comme la BAD et l’AFD ont exprimé leur intérêt à cofinancer des projets respectant les standards internationaux.
Ce cadre multilatéral témoigne de l’ambition marocaine de se placer dans le club des pays qui font du tourisme durable un pilier stratégique.
La dynamique est réelle, mais la comparaison avec les références mondiales relativise l’enthousiasme.
Au Costa Rica, par exemple, plus de 25 % du territoire est protégé, et l’écotourisme représente 60 % de l’offre nationale. Dès les années 1990, ce pays a créé un label officiel, la Certification de durabilité touristique (CST), aujourd’hui un standard mondial. En Slovénie, le label Slovenia Green garantit un cadre uniforme à tous les acteurs (villes, hôtels, opérateurs), renforçant la lisibilité et la crédibilité du pays comme destination durable. Cependant , au Maroc, malgré des progrès (10 % de touristes « verts » en 2024), l’offre reste largement dominée par le balnéaire, énergivore et fortement dépendant de ressources en eau déjà sous tension.
Malgré tout, la Conférence d’Ifrane montre un Maroc qui comprend les enjeux et qui veut accélérer sa transition vers un tourisme plus équilibré. L’ambition est forte, les outils commencent à exister et les partenaires internationaux suivent de près.
Mais le chemin reste long. Avec seulement 10 % de pratiques touristiques durables, le Maroc ne peut pas encore rivaliser avec le Costa Rica ou la Slovénie.
En d’autres termes, la véritable victoire sera de faire du Maroc une destination régénérative, où la croissance touristique rime avec inclusion sociale et préservation environnementale.




