Il semblerait que son heure n’est pas encore venue, ce Grand Théâtre de Casablanca relégué à demeurer un bâtiment sans scène, dans âme, sans vie…Le projet monumental risque toujours de végéter en projet, alors qu’au départ, il fut imaginé pourtant pour redonner une respiration culturelle à la place Mohammed V. Terminé sur le plan architectural et technique depuis plusieurs années, il reste inopérant et vieillit dans le temps. Pourquoi n’a-t-il pas été inauguré?
Le paradoxe est tout aussi monumental, un équipement de 1,4 milliard de dirhams, des salles hautement dimensionnées et un fort enjeu d’image pour la métropole… sans public ni calendrier d’ouverture stable..
L’histoire remonte un peu loin. Piloté par la SDL Casa Aménagement, le chantier a été lancé dès 2014 et livré techniquement à la fin de la décennie. L’équipement comprend notamment une grande salle de 1 800 places, une salle secondaire 600 places, une salle pour musiques de 300 places, des salles de répétition et des espaces de congrès.
Les autorités locales et Casa Aménagement reconnaissent que le blocage du dossier n’est plus technique mais managérial, en d’autres termes qui exploite, selon quelles règles, avec quel risque financier ? La maire de Casablanca a évoqué publiquement un manque de «modèle» et un coût de fonctionnement potentiellement élevé pour la collectivité. On laisse donc tomber ?
N’allons pas vite en besogne ! Des estimations politiques ont fait état d’un besoin de subventionnement récurrent de plus de 100 millions DH/an, si la ville devait porter seule l’exploitation, ce qui, apparemment, oblige à repenser le montage financier avant d’ouvrir.
Pour sécuriser l’entrée en exploitation, il s’avère que Casa Aménagement a lancé des appels d’offres concernant la maintenance, la billetterie et l’exploitation, et confié un audit final à un cabinet d’expertise pour vérifier contrats et marchés antérieurs, étapes qui retardent la programmation tant que les conclusions ne sont pas publiées.
Le bâtiment est sophistiqué à travers sa scénographie, son acoustique et sa logistique technique.
La coordination entre l’État, la collectivité et les sociétés de développement local n’a pas permis de trancher rapidement le mode d’exploitation, soit gestion publique directe, concession, délégation à une SDL ou à travers PPP avec un opérateur privé.
Alors qui va gérer le théâtre ? SDL Casa Aménagement reste le maître d’ouvrage et pilote aujourd’hui la mise en exploitation. L’implication de la SDL Casa Events & Animation ? ou des partenaires privés comme Fimalac Entertainment dont le nom est récemment sur toutes les bouches ? Certains marchés, comme la maintenance, et la billetterie, semblent déjà été attribués, mais la gouvernance définitive n’est toujours pas consolidée.
Certains opérateurs à Casablanca pensent que la solution la plus crédible réside plutôt dans un modèle hybride, c’est-à-dire que Casa Aménagement garde la maîtrise patrimoniale, tandis qu’un opérateur spécialisé prend en charge l’exploitation artistique, technique et commerciale.
Il est utile de rappeler que des études de viabilité ont bien été menées avant la construction. En effet, des études techniques et financières (2012–2016) ont confirmé la faisabilité et permis de débloquer le financement public. Mais depuis la livraison, aucun rapport public détaillé ne projette recettes et dépenses sur 10 ans. Pourquoi ?
La construction était viable, la gestion resterait-elle donc à prouver. A moins qu’il y ait autre chose…
C’est clair : Le Grand Théâtre de Casablanca n’est pas victime d’un défaut de construction mais, en apparence, d’un défaut de gouvernance et de modèle économique. Les démarches actuelles d’audit, appels d’offres, marchés de maintenance, visent évidemment à sécuriser l’exploitation mais ralentissent l’ouverture. Si un opérateur compétent est désigné, on le souhaite, et si une stratégie culturelle et MICE est déployée en concertation avec les DMC bien marocaines, l’édifice peut réaliser son destin. Sinon, il risque de rester un symbole coûteux d’un investissement inachevé…




