Fin février 2025, les porteurs du «Programme Tourisme Durable Suisse -Maroc» ont officiellement annoncé l’ouverture de sa deuxième phase, après une première étape de quatre ans centrée sur la structuration de l’offre rurale et la réhabilitation d’actifs touristiques. Cette nouvelle phase se donne pour objectif explicite de transformer le tourisme durable en moteur de développement territorial : appui à la gestion de destination, renforcement de TPME locales, création d’offres écotouristiques innovantes et valorisation des ressources régionales.
Le Programme, mis en œuvre par Swisscontact et financé majoritairement par le Secrétariat d’État à l’économie suisse (SECO), s’appuie sur un périmètre opérationnel ciblé sur les provinces de Béni Mellal et d’Azilal et sur un référentiel de durabilité aligné avec les standards internationaux (GSTC). La première phase a laissé des traces tangibles à travers la réhabilitation d’une vingtaine d’hébergements ruraux, le développement de circuits thématiques (dont des initiatives autour du Géoparc M’Goun) et d’actions de montée en compétences (ex. formations VTT), éléments mis en avant dans le bilan 2020-2024.
La force de la démarche tient à son appareillage technique et partenarial : financement structuré (le dossier de projet indique un budget prévisionnel et une co-financement public), intégration d’acteurs étatiques (SMIT, Ministère du Tourisme), administrations régionales et opérateurs locaux, et l’adoption d’un cadre méthodologique qui mêle gestion de destination, structuration d’offres et accès au marché. Sur le papier, cette industrialisation mesurée du tourisme rural répond à des faiblesses bien identifiées, comme les hébergements vétustes, la fragmentation de l’offre, le manque de coordination et le déficit en compétences.
Cependant, la région dépend encore largement des transferts inter-régionaux et d’une clientèle de niche. La question de l’intégration commerciale via plateformes de réservation, partenariats avec voyagistes nationaux et internationaux, demeure centrale. Ensuite, la durabilité financière des TPME : la rénovation pilotée par le programme réduit l’obstacle initial, mais sans accès pérenne à la demande et au crédit vert, les petites structures risquent la fragilité saisonnière. Enfin, la gouvernance locale : la multiplication d’acteurs (SECO, Swisscontact, SMIT, CRT, Wilaya) nécessite des mécanismes clairs de pérennisation des acquis pour éviter le retournement des projets à la fin du financement.
Certainement, la phase II du Programme Suisse-Maroc pour Béni Mellal-Khénifra est une opportunité réelle, car elle capitalise sur des acquis techniques et un montage partenarial solide. A espérer tout de même que son succès dépende toutefois d’un basculement stratégique, en passant de la réhabilitation instrumentale à la commercialisation structurée, assortie d’un plan de financement local durable et d’un dispositif de gouvernance qui contraigne réellement les acteurs à coopérer après la période de subvention. Si ces conditions sont tenues, la région peut voir le tourisme durable devenir un moteur de création d’emplois et de richesse territoriale ; sinon, le risque de résultats ponctuels mais non transformateurs restera élevé.




