Le Forum international du tourisme de Bruxelles 2025, l’un des grands rendez-vous prospectifs du secteur, s’est déroulé du 19 au 21 octobre, sans la présence institutionnelle ni non plus corporatiste marocaine. Pourquoi donc ?
Organisé sous le thème « Rethinking Global Tourism Value Chains » (repenser les chaînes de valeur du tourisme mondial), l’événement a réuni pourtant plus de 1 200 acteurs internationaux, ministres, dirigeants d’entreprises, chercheurs, startups et institutions publiques. Tous ont cherché à répondre à une même question : comment rendre le tourisme mondial plus résilient, durable et inclusif, en pleine recomposition géopolitique et technologique dont le Maroc ne peut échapper…
Durant trois jours, Bruxelles s’est donc transformée en un véritable plaidoyer du futur du voyage, avec des échanges ayant porté sur des thématiques à la fois concrètes et visionnaires :
-Transition énergétique et neutralité carbone du transport aérien et terrestre ;
-Digitalisation intégrée des écosystèmes touristiques, via la data et l’intelligence artificielle ;
-Tourisme durable et inclusif, représenté plutôt dans les territoires que dans la massification ;
-Souveraineté des destinations face aux grandes plateformes numériques globales de Booking, Expedia et Airbnb et, sujet plus politique, la résilience des écosystèmes touristiques face aux crises géopolitiques en Ukraine, Proche-Orient et changements climatiques.
La tonalité générale a été celle d’un réalisme lucide dans le rééquilibrage systémique des modèles économiques du tourisme.
L’Union européenne, largement représentée, a profité du forum pour présenter les premières orientations de son Green Tourism Pact, un ensemble de mesures incitatives visant à aligner la filière sur les objectifs du Pacte vert européen à l’horizon 2030.
Des pays comme l’Espagne, le Portugal ou la Croatie y ont exposé des politiques de décarbonation pragmatiques, fondées sur le transport collectif électrique et l’écotourisme local.
L’Afrique, elle, a marqué une présence plus timide, bien que certains États comme le Rwanda, la Côte d’Ivoire et le Cap-Vert aient été mis en avant pour leurs innovations en matière de tourisme durable et numérique.
Le Maroc, pourtant l’un des leaders africains du tourisme international, n’a pas été aussi visible qu’on aurait pu l’espérer. Aucune intervention de haut niveau, ministérielle ou institutionnelle, n’a été largement relayée, et les panels relatifs à l’Afrique du Nord ont été dominés par des acteurs tunisiens et égyptiens. Quand même !
Cette discrétion du Maroc interroge. Notre pays dispose pourtant d’une position stratégique incontestable : une industrie touristique en forte reprise, une réputation de destination sûre et hospitalière et un écosystème en mutation avec la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la Coupe du Monde 2030 à l’horizon.
Pourtant, aucune délégation marocaine d’envergure n’a été mise en avant à Bruxelles. Ni le ministère du Tourisme, ni l’ONMT, ni la CGEM (via ses fédérations sectorielles) n’ont saisi cette tribune pour exposer la stratégie nationale de durabilité ou les avancées dans le transport touristique, la digitalisation ou l’hospitalité.
Ce silence contraste avec la présence très proactive de pays comparables, tels le Portugal, la Grèce et l’Égypte qui ont profité du forum pour conclure des accords bilatéraux, capter des investisseurs et valoriser leur offre.
Ce déficit de représentation explique , qu’on l’accepte ou pas, un manque flagrant de coordination entre les acteurs publics et privés marocains, alors même que le tourisme devient un champ géopolitique et technologique où se redessinent les chaînes de valeur.
Oui. À l’heure où Bruxelles posait la question du tourisme de demain, le Maroc aurait pu partager plusieurs initiatives exemplaires de “Go Siyaha”, les efforts de la FNTT pour structurer une mobilité touristique plus durable, les rojets de formation et digitalisation soutenus par l’ONMT et la SMIT et, surtout, les perspectives d’investissement liées aux grands événements sportifs à venir, qui impliquent une refonte des infrastructures d’accueil et de transport.
Autant d’éléments qui auraient permis au Maroc de s’affirmer en acteur moteur du tourisme africain et méditerranéen, plus que comme simple bénéficiaire d’une dynamique régionale.
L’enjeu dépasse la question protocolaire.
Le Forum de Bruxelles a acté une transformation profonde du tourisme dans sa dimension d’espace de gouvernance globale, où s’inventent les normes, les standards et les alliances du futur.
Être absent de ces lieux de dialogue, c’est risquer de nous reléguer à un simple consommateur de décisions plutôt que co-auteur de politiques.
Or, le Maroc dispose des atouts nécessaires pour influencer la réflexion mondiale par stabilité politique indiscutable, son expérience prouvée en attractivité touristique et son ambition environnementale croissante.
Le Forum international du tourisme de Bruxelles 2025 était un rendez-vous de redéfinition des priorités mondiales du secteur sans notre présence. Quel gâchis !
Le Maroc a les moyens de devenir un modèle de tourisme durable et inclusif. Encore faut-il qu’il occupe la place qui lui revient dans les enceintes où se décide l’avenir du secteur.




