Robert Bergé, post-scriptum

Hommage à un bâtisseur discret du luxe, qui fit rayonner La Mamounia et bien d’autres temples de l’hospitalité.

Le monde de l’hôtellerie de luxe a perdu l’un de ses grands artisans. Robert Jean Bergé, né le 18 janvier 1933 à Condom, dans le Gers, s’est éteint à Paris le 20 septembre 2025, à l’âge de 92 ans. Figure discrète mais déterminante, il fut l’un de ces directeurs de palace qui savaient faire du raffinement une discipline morale, et de la gestion un art presque spirituel. Ceux qui l’ont connu se souviennent d’un homme droit, élégant, intransigeant sur la qualité et sur les valeurs humaines : la rigueur, la loyauté et le sens du service. C’était une figure qui incarne ce que l’hôtellerie a de plus noble : l’exigence sans ostentation, l’élégance morale, et cette rare capacité à faire du service un art humain.

Le chapitre le plus emblématique de sa vie professionnelle s’était écrit à Marrakech. Treize années durant, Robert Bergé dirigea La Mamounia. Sous sa gouvernance, l’établissement connut un renouveau profond de redressement économique, de repositionnement stratégique et retour au cœur de la carte mondiale du luxe.

Il quitta la Mamounia en janvier 2006, au terme d’un cycle qu’il jugeait accompli, laissant derrière lui une institution consolidée et modernisée, sans jamais avoir trahi son esprit d’origine.

Avant Marrakech, et parfois en parallèle, Robert Bergé laissa son empreinte dans plusieurs capitales du luxe mondial.

À Casablanca, il donna un second souffle au Royal Mansour Hôtel, à Rabat, il apporta sa touche à l’enseigne Hilton et, à New York, au Parker Méridien, il eut l’audace d’inviter le chef Paul Bocuse en 1979.

Toujours visionnaire, il fut parmi les premiers, en France, à concevoir le brunch comme un événement social. Au Méridien Porte Maillot, il institua le rendez-vous dominical avec orchestre, animé par le pianiste Claude Bolling : le second dimanche, 450 couverts. Le concept était lancé, promis à devenir un classique de l’hôtellerie mondiale.

Chaque fois, il sut adapter le même credo : la modernité sans vulgarité, l’innovation sans reniement des valeurs.

Robert Bergé ne laisse ni livre ni manifeste, mais un héritage plus subtil : celui d’un style. Dans les cercles marocains de l’hôtellerie de luxe, on parle encore de « l’école Bergé » qui concevait que le sourire devait précéder la demande, où la lumière d’un hall devait sembler naturelle, et où un palace ne pouvait être grand que s’il restait humain.

Mais, sans doute, son œuvre la plus visible, La Mamounia, continue de joindre cet équilibre rare entre faste et âme, entre modernité et mémoire.

À 92 ans, Robert Bergé s’est éteint comme il avait vécu : avec élégance, sans bruit, laissant à ceux qui l’ont croisé le souvenir d’un homme qui savait que le vrai luxe n’est pas dans l’apparat, mais dans l’attention.

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