La Mamounia-Cirsa : les dessous d’un deal opaque

La cession de 50% du Grand Casino de La Mamounia au groupe espagnol Cirsa, la seule partie à avoir communiqué là-dessus, officialisée d’ailleurs en interne mi-novembre 2025, apparaît en surface être une alliance équilibrée. A en croire des témoignages concordants on est devant un portrait bien plus troublant, un accord verrouillé, opaque qu’il n’en a l’air, conclu dans la discrétion la plus totale, et qui pourrait marquer le début d’un basculement du secteur marocain des jeux au profit d’intérêts étrangers.

Un deal où chaque élément, du calendrier à la communication, en passant par la gouvernance, soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses.

Pour commencer, la direction de La Mamounia n’a communiqué l’information qu’aux salariés, en interne, la semaine du 16 novembre.

Aucun communiqué institutionnel, aucune publication officielle, pas même une brève dans les circuits habituels.

Cette mise à l’écart du public contredit les pratiques du palace, qui médiatise habituellement la moindre rénovation ou distinction. Pourquoi cette réticence inhabituelle ?

Plusieurs sources internes parlent d’un mot d’ordre : pas de vagues, le temps de verrouiller la gouvernance et d’éviter toute prise de position externe avant stabilisation du nouvel actionnariat.

L’un d’eux résume : « On nous a demandé de ne rien relayer, même aux partenaires habituels. Tout devait rester sous contrôle. »

Une stratégie qui ne ressemble pas à une simple transaction ordinaire.

La confidentialité absolue autour du montant n’est pas seulement inhabituelle. Elle est plutôt stratégique.

Cirsa dispose d’un historique d’acquisitions, notamment au Pérou, avec des multiples de valorisation très stables. Mais cette fois, rien Aucun multiple, aucune valorisation d’actif, aucune justification.

Plus troublant, aucune instance locale n’a communiqué sur la façon dont la valorisation a été construite, ni sur les critères retenus.

Pour un casino adossé à l’un des hôtels les plus prestigieux du monde, cette absence totale de transparence constitue une anomalie majeure. D’où la question que personne au sein de La Mamounia ne pose à haute voix : Le casino a-t-il été cédé à un prix inférieur à sa valeur stratégique réelle ?

Officiellement, COGIT reste dans le capital à hauteur de 50%. Officieusement, la situation est plus complexe.

Plusieurs questions se posent, alors: des difficultés structurelles de modernisation? Des investissements lourds repoussés depuis deux ans? Une érosion des marges? Ou une pression réglementaire exponentielle dans les zones premium?

Dans ce contexte, la cession pourrait relever plutôt d’une nécessité déguisée : partager un risque devenu trop lourd et sécuriser un partenaire puissant capable d’absorber de futurs investissements. Il ressemble à un besoin de souffle.

Cirsa martèle dans son communiqué un message : « Pas d’impact sur la dette. »

Cet argument rassurant pour les investisseurs détourne surtout l’attention de la dynamique réelle quand Cirsa cherche des marchés moins disputés, avec une barrière réglementaire gérable et des actifs premium sous-optimisés.

Le Maroc, et particulièrement Marrakech, coche toutes les cases. Trois éléments renforcent cette lecture. D’abord, Cirsa vient d’enchaîner plusieurs acquisitions dans des juridictions flexibles. Ensuite, les marchés européens sont saturés ou en durcissement. Enfin, les actifs premium marocains restent valorisés en-dessous des moyennes internationales du gaming.

Autrement dit, Cirsa n’a pas choisi Marrakech, elle a trouvé un créneau avant les autres.

Le maintien intégral de la direction du Grand Casino est présenté dans le deal comme un choix stratégique. En réalité, selon plusieurs sources proches du dossier, ce maintien est un pis-aller, vu que Cirsa ne dispose pas encore d’équipes capables d’opérer un casino premium en contexte marocain, notamment sur le plan réglementaire, linguistique, RH et diplomatique.

Un expert du secteur rencontré à Marrakech note que le maintien d’une équipe en place est souvent le signe qu’aucune solution de remplacement n’est prête, pas que la solution existante est idéale. Il ajoute : « Cirsa va, tôt ou tard, imposer ses méthodes. Le choc culturel sera inévitable. »

L’entrée de Cirsa dans l’un des actifs les plus symboliques du Maroc crée un précédent massif. Jusqu’à présent, le marché des casinos premium marocains reposait sur un modèle clair de propriété locale, d’exploitation locale, de capital local.

Avec cette opération, un acteur étranger coté en bourse obtient une position stratégique dans un casino de premier plan. Qui sait? Demain, en plus d’une présence à Tanger et à Agadir, ce modèle pourrait être répliqué encore à d’autres casinos comme celui du Mazagan, d’autres villes et d’autres actifs de luxe.

Le Maroc risque de perdre l’un de ses derniers secteurs premium où il avait jusqu’ici une maîtrise totale.

Un ancien haut responsable du tourisme nous confie que si l’État ne définit pas une doctrine claire, la souveraineté sur le gaming premium peut se défaire en trois opérations.

Les discours officiels parlent d’un partenariat équilibré et d’une opération stratégique.

Pourtant, la communication y est minimaliste, le prix est opaque, les motivations réelles non assumées par COGIT. S’agit-il là d’une stratégie opportuniste de Cirsa? D’une gouvernance sous pression? A craindre qu’il y ait là un risque d’effet domino sur l’ensemble du secteur.

Le contraste entre la communication et la réalité crée un malaise profond. La vérité la plus probable est moins glamour.

La Mamounia a bradé une partie de son actif le plus sensible pour sécuriser un partenaire étranger qui, lui, voit au Maroc une opportunité stratégique avant tout concurrent.

On regrette de dire que derrière la façade, un deal qui ouvre une brèche dangereuse…

Le Maroc n’a pas seulement accueilli Cirsa dans le capital d’un casino. Il a ouvert une porte d’une restructuration progressive du gaming premium. Un secteur longtemps protégé, désormais exposé à des opérateurs internationaux dont la logique répond d’abord à leur stratégie boursière, pas aux équilibres locaux.

La cession de 50% du Grand Casino La Mamounia marque plutôt le premier acte d’un glissement structurel, un réalignement discret, un transfert partiel de contrôle et l’entrée d’un nouvel acteur qui, une fois installé, n’aura pas d’intérêt à s’arrêter là.

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