La 22ᵉ édition du Festival International du Film de Marrakech a démarré sur une note certes spectaculaire par sa capacité à mêler glamour international et ambition cinématographique, mais aussi sur des couacs qui méritent d’être examinées sans complaisance.
La présence d’un président de jury de poids, Bong Joon-ho, et d’un jury composé de personnalités reconnues (Jenna Ortega, Anya Taylor-Joy, Celine Song, Julia Ducournau, entre autres) confère incontestablement au festival un niveau de visibilité et de légitimité rare, capable d’attirer médias, distributeurs et acheteurs internationaux. Ce casting haut-en-couleurs place, tout aussi incontestablement, Marrakech sur la carte des festivals qui comptent pour les carrières mondiales.
Commençons par le commencement. Le festival affiche un programme important avec plus de 80 films issus d’une trentaine de pays, mêlant compétitions, galas et panoramas, dont une place notable faite aux premières mondiales et internationales.
La cérémonie d’ouverture, galvanisée par une forte présence institutionnelle, a su équilibrer prestige, red carpet, hommages, invités internationaux et contenu cinématographique, en programmant un film d’ouverture à la hauteur des attentes (ex. une œuvre signée par Gus Van Sant pour cette édition).
Une programmation forcément généreuse, mais devenue un handicap par la multiplication des écrans et des créneaux sans hiérarchisation claire. Plusieurs observateurs présents ont même évoqué un effet d’éparpillement par trop de titres en concurrence pour des publics et des salles limités, ce qui risque de minimiser l’impact médiatique de chaque film et fragmenter l’audience professionnelle, programmateurs, ventes, presse. Concrètement, des films de qualité sont passés inaperçus faute de créneaux ou de relai presse.
Quant à elle, la visibilité effective des œuvres marocaines en compétition principale reste insuffisante face aux têtes d’affiche internationales. Autrement dit, l’infrastructure de formation existe, mais la mise en valeur des créations nationales dans les moments phares du festival, soirées, gala, retombées presse internationales, n’est pas tellement renforcée pour transformer l’accompagnement en résultats tangibles.
L’ouverture de la 22ᵉ édition a rappelé la capacité de Marrakech à attirer l’attention mondiale, jury de star, red carpet, programmation foisonnante, mais elle a aussi mis en lumière des défis de saturation programmative, risques de cannibalisation médiatique et marges d’amélioration pour la promotion concrète du cinéma marocain.
Si le festival parvient, édition après édition, à transformer sa visibilité événementielle en gain industriel en coproductions, diffusion internationale, notoriété durable des auteurs marocains, il aurait pu légitimement prétendre à un rôle central dans la construction d’un écosystème cinématographique régional puissant et exportable. Les bases sont là, il reste à traduire le prestige en efficacité.




