Agadir, la première station balnéaire du Sud marocain, avec ses 156 établissements hôteliers, 70 restaurants structurés, 278 agences de voyages, 170 transporteurs touristiques et près de 400 guides professionnels, concentre ainsi l’essentiel de l’écosystème touristique régional. Elle représente à elle seule 38% de l’ensemble des établissements hôteliers de la région, mais surtout 70% des unités de résidence et 69% des lits, soit 32.738 lits sur un total régional de 47.325. Cette hyperconcentration fait d’Agadir une destination centrale, mais également un territoire vulnérable à toute rupture d’équilibre.
À première vue, la conjoncture est excellente. Sur les dix premiers mois de l’année, la destination, en y intégrant Taghazout Bay et Imi Ouaddar, a enregistré une hausse de 8,94% des arrivées par rapport à 2024, cumulant plus de 1,271 million de touristes dans les établissements d’hébergement touristique classés. Les nuitées ont progressé de 7,78%, atteignant 5,417 millions.
Cette dynamique est le fruit d’un travail ciblé avec l’ONMT, d’un repositionnement plus affirmé de la destination sur certains marchés européens, mais aussi d’une multiplication des dessertes aériennes, générant un effet d’entraînement évident sur la fréquentation.
Pourtant, ce tableau flatteur masque un paradoxe préoccupant. Agadir fonctionne déjà à 70% de taux d’occupation mensuelle moyenne. À l’échelle internationale, cela serait considéré comme une performance remarquable. Mais ici, ce chiffre frôle surtout la saturation structurelle, en particulier pendant les saisons hautes et les périodes d’événements ou de vacances européennes.
Cette situation est aggravée par un facteur précis: 19 établissements sont fermés ou non opérationnels, privant la destination de plusieurs milliers de lits. Ce déficit artificiel crée un goulet d’étranglement qui pénalise le tourisme familial de moyenne et haute capacité, le tourisme événementiel MICE et le tourisme sportif et saisonnier de longue durée comme les surfeurs, les retraités actifs, les digital nomads, etc. En clair, la demande existe, mais l’offre disponible ne suit pas.
Contrairement à d’autres destinations marocaines encore engagées dans une dynamique de conquête, Agadir en est désormais à un stade plus complexe de l’absorption qualitative. Dès lors, il s’agit de restructurer, rééquilibrer et monter en gamme intelligemment.
Les professionnels, appuyés par le CRT et les autorités locales, en ont parfaitement conscience. Leur priorité actuelle, en plus de la promotion, est la réouverture, la réhabilitation et la revalorisation des unités fermées, avec pour objectif évident d’augmenter la capacité effective sans artificialiser le littoral, de diversifier les typologies d’hébergement, écolodges, résidences hybrides, long-stay, wellness resorts et de répondre à la nouvelle sociologie du touriste post-pandémie, plus exigeant, plus mobile, plus écologique
C’est ici que la région du Souss-Massa se distingue, y compris à l’échelle nationale, avec 2 instruments majeurs, uniques au Maroc, qui ont été mis en place avec l’appui direct du CRT : La SDR, véritable bras opérationnel pour le développement d’infrastructures, la requalification d’espaces touristiques et l’ingénierie de projets structurants et la Smart Tourisme, plateforme dédiée à l’identification, l’accompagnement et le financement de nouveaux produits touristiques à forte valeur ajoutée, notamment dans les zones périphériques et rurales.
En 2025, le CRT a renforcé son engagement financier en portant sa participation à 15 millions de dirhams, un signal politique fort dans un secteur où les budgets d’accompagnement restent souvent limités. Cette décision marque la volonté assumée de ne plus subir la croissance, mais la piloter, la structurer et lui donner du sens.
Ce que vit Agadir aujourd’hui ressemble à une transition générationnelle. Le modèle «tout balnéaire» cède progressivement la place à un système plus hybride, plus distribué, plus expérientiel où Taghazout capte une clientèle internationale sportive et lifestyle, Imi Ouaddar attire une écotouristique plus contemplative et l’arrière-pays (Taroudant, Tiznit, Tafraoute) qui est réintroduit dans le circuit.
Mais comment Agadir choisira-t-elle d’organiser son succès ? Entre réouverture stratégique des hôtels fermés, outils régionaux innovants, pression immobilière contrôlée et repositionnement intelligent de l’offre, la destination se trouve à un moment déterminant de son histoire touristique. Un moment où chaque décision pèserait pour les vingt prochaines années. Et où le succès sera lu en termes de cohérence, résilience et héritage territorial.




