- Cette ville a connu plusieurs dynasties ainsi qu’une invasion portugaise ayant changé le visage de la Médina
- Parmi ses monuments, on peut citer les murailles, les portes, la mosquée de la Kasbah, la Grande Mosquée, les Zaouias, les saqqayas, le sanctuaire juif (saint judaïque Rabbi Abraham Moul Niss), les petites et grandes maisons traditionnelles, le Mellah…
- Après deux ans de pandémie, Azemmour se prépare au retour des manifestations culturelles et artistiques et des touristes
Pendant une journée ensoleillée du mois de Ramadan, j’ai visité la ville d’Azemmour sur la côte Atlantique située à environ 90 Km de Casablanca sur la rive gauche de la rivière Oum Errabii. A première vue, cette ville ancienne est en plein chantier. Après avoir achevé la rénovation des anciennes murailles de la Médina au style médiéval, la commune d’Azemmour réalise des travaux d’aménagement de la place centrale et des espaces verts situés à l’extérieur des murailles qui entourent la Médina. Contrairement aux Médinas de Fès, de Marrakech ou d’Essaouira, la Médina d’Azemmour est beaucoup moins touristique et moins authentique. Elle semble avoir perdu son charme d’antan. Pourtant, son histoire est plus que millénaire. Azemmour fut la capitale de l’émirat Amazigh des Berghouata fondée par Salih Ibn Tarif au 8ème siècle jusqu’à l’anéantissement de l’émirat par les Almohades (1156-1269). Vers la fin du règne des Almoravides et au début de l’Etat Almohade, la renommée de la ville était associée à celle du Cheikh Soufi Ayyoub Ibn Said Senhadji (décédé en 1165) dont l’aura a atteint l’orient. Son mausolée à Azemmour constitue l’un des sanctuaires religieux les plus célèbres au Maroc. A l’époque Mérinide, une médersa a été construite à Azemmour. Malheureusement, elle n’existe plus aujourd’hui. Entre 1513 et 1541, Azemmour fut occupée par les portugais. L’architecture de la Médina garde les traces de toutes ces civilisations passées.
Des monuments de grande valeur patrimoniale souvent délaissés
La Médina d’Azemmour possède plusieurs monuments historiques et bâtisses de valeur patrimoniale inestimable: les murailles, les tours, les portes, la mosquée de la Kasbah, la Grande Mosquée (Jamaa Lkbir), les Zaouias, les fours traditionnels, les bains maures, les saqqayas, le sanctuaire juif (saint judaïque Rabbi Abraham Moul Niss) entièrement rénové, les petites et grandes maisons traditionnelles, les rues couvertes (Saba), les quartiers anciens comme celui du Mellah… Plusieurs de ces monuments existent encore avec des états de conservation qui varient de l’un à l’autre. La Médina ressemble plus à un quartier populaire qu’à une médina au cachet traditionnel. De rares échoppes de tisserands de l’étoffe dite «Sabra» ou d’artistes peintres sont ouvertes dans la Médina. Les autres commerces ont été transformés en épiceries de produits alimentaires très fréquentés par les habitants et particulièrement les enfants en quête de friandises. Seule la Maison de l’artisan dotée d’ateliers, de salles de formation, d’une salle de réunion, d’un auditorium, de loges et d’une salle d’exposition ainsi qu’un café littéraire dénote de l’importance du patrimoine artisanal de la ville d’Azemmour. Elle vise notamment à préserver les métiers de la poterie, de la ferronnerie, de la broderie, du tissage traditionnel (étoffe de Saïss) et de l’art de la décoration.
La Médina en attente de touristes et de visiteurs
Lors de ma promenade dans la Médina, j’ai aussi remarqué l’existence de plusieurs charmantes bâtisses transformées en maisons familiales ou en établissements d’hébergement encore fermés à cause de la crise du Covid-19. D’autres ont malheureusement été démolies dont ne subsistent que les murs. Non loin, des maisons ont été abandonnées et leurs portes murées. D’autres en meilleur état sont, elles, proposées à la vente. Parmi les ruelles tortueuses et étroites de la Médina, on peut admirer deux ruelles (rue Derrazines et Kherrazines) bordées de boutiques destinées auparavant à fabriquer et à vendre des produits d’artisans locaux. En suivant le chemin qui mène vers le sanctuaire juif et sa place avoisiante, on se retrouve un peu plus bas au bord de l’Oum Errabii où des barques sont prêtes à emmener les visiteurs dans une balade autour du fleuve ou vers la plage Lalla Aicha pour quelques dirhams. C’est l’une des attractions des touristes. Mais la Médina d’Azemmour jouit également d’un patrimoine immatériel riche et varié constitué du chant traditionnel (Al Malhoun) et de traditions et de savoirs culturels. Depuis quelques années, la ville organise la rencontre internationale du Melhoun arrivé en 2019 à sa 9ème édition. Il attirait des artistes et des touristes du Maghreb permettant de dynamiser l’activité touristique et économique de la ville. Depuis 2020, l’activité touristique s’est arrêtée à cause de la crise du Covid-19. Espérons un prompt retour des manifestations artistiques et culturelles drainant des visiteurs.
Encadré
L’histoire portugaise de la ville d’Azemmour
En 1513, Azemmour a été occupée par les portugais. Ils s’installèrent dans une partie de la ville, à la Kasbah, où ils construisirent leurs bâtiments tels que la capitainerie, le siège du gouverneur portugais. Les portugais ont progressivement démoli et transformé les bâtisses en vergers pour l’agriculture et pâturages pour les animaux. En 1517, ils construisirent un mur de séparation intérieur entre la partie de résidence des portugais (la Kasbah) et l’autre partie restante de la ville. Après l’évacuation des maisons par les marocains suite à l’occupation portugaise, les portugais ont progressivement démoli et transformé les bâtisses en vergers pour l’agriculture et pâturages pour les animaux. Les envahisseurs ont transformé la mosquée Al Kasbah en église et creusé des fossés entourant la ville pour renforcer la protection contre les attaques des marocains et des lions qui abondaient dans les forêts voisines. Ils construisirent de nouvelles tours telles que la Tour Saint Christophe de forme circulaire au sud-ouest de la ville et apportent des modifications aux tours marocaines pour leurs besoins de défense. Ils les renforcèrent et ouvrirent des canonnières comme à borj sidi Ouaadoud. Les portugais ont perdu la ville en 1541 sous la dynastie Sâadienne en même temps que Safi et Santa Cruz (Agadir). Les marocains y construisirent de nouveaux bâtiments.