10 janvier 2025

Jemaa el Fna fera peau neuve, mais sous quel visage ?

Le cœur battant de Marrakech et emblème du patrimoine marocain, Place Jemaa el Fna, s’apprête à subir un lifting de star avec une enveloppe budgétaire estimée à 400 millions de dirhams. Cette opération esthétique tend à réconcilier modernité et tradition tout en revalorisant l’identité culturelle de ce site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Toutefois, malgré ses ambitions, ce chantier soulève autant d’espoirs que de critiques.

La rénovation de Jemaa el Fna s’inscrit dans une stratégie globale visant à moderniser l’espace tout en en conservant son caractère unique. Trois grands objectifs sous-tendent cette initiative :

1. Amélioration de l’expérience touristique : Le projet ambitionne de repenser l’organisation de la place pour offrir un cadre plus agréable aux visiteurs. En modernisant l’infrastructure tout en valorisant les traditions locales, les responsables espèrent rendre les découvertes culturelles et sensorielles encore plus immersives.

2. Stimulation de l’économie locale : La revitalisation de la place est perçue comme une opportunité majeure pour renforcer l’activité commerciale des artisans, restaurateurs et artistes de rue qui donnent vie à cet espace mythique.

3. Préparation pour les grands événements internationaux : Avec des échéances comme la Coupe d’Afrique des Nations 2025 et la candidature conjointe pour la Coupe du Monde 2030, Marrakech se positionne comme un acteur clé du tourisme mondial. Cette rénovation s’inscrit dans cette dynamique, renforçant l’image de la ville en tant que destination incontournable.

L’une des particularités de ce projet est l’introduction de matériaux modernes combinés à des techniques de restauration traditionnelle. L’objectif est double : garantir la durabilité des travaux tout en respectant l’authenticité et l’esthétique historique de la place. De nouveaux éclairages, des espaces mieux structurés pour les commerçants et des zones de repos aménagées figurent parmi les innovations prévues.

Par ailleurs, un accent sera, croit-on savoir, mis sur la gestion des flux de visiteurs afin d’éviter la saturation de la place aux heures de pointe, tout en préservant son atmosphère conviviale et animée.

Malgré ses promesses, cette rénovation n’échappe pas aux controverses, qui reflètent des préoccupations légitimes parmi les acteurs locaux et les citoyens.

1. Retards dans la mise en œuvre : Les retards accumulés dans le calendrier des travaux suscitent l’inquiétude. Pour les commerçants et professionnels du tourisme, chaque mois d’attente représente une perte de revenus.

2. Débats autour de la conception architecturale : Plusieurs experts et habitants ont exprimé leurs réserves concernant la maquette du projet. Les critiques pointent du doigt une éventuelle dénaturation de l’esprit de la place, redoutant que le modernisme prenne le pas sur l’authenticité.

3. Distribution des emplacements : La question de l’équité dans l’attribution des espaces aux commerçants est particulièrement sensible. Certains dénoncent une marginalisation des petits acteurs locaux, déjà affectés par les aménagements précédents.

4. Risques pour l’identité culturelle : Si l’intention est de préserver le patrimoine, certains craignent que l’introduction de matériaux et d’aménagements modernes ne vienne altérer le charme intemporel de Jemaa el Fna, qui réside justement dans son caractère organique et vivant.

Le défi de cette rénovation réside apparemment dans la recherche d’un équilibre délicat entre le respect du passé et l’adaptation aux besoins du présent. Jemaa el Fna est un théâtre à ciel ouvert, un lieu de mémoire et d’échange, où les traditions orales, culinaires et artistiques continuent de se transmettre. Raison pour laquelle il est impératif que les décideurs engagent un dialogue constructif avec l’ensemble des parties prenantes : commerçants, artisans, habitants, et experts en patrimoine. La place Jemaa el Fna, à travers son histoire, a toujours été un espace de rassemblement et d’unité. Que cette rénovation en fasse un modèle de préservation culturelle et d’innovation urbaine serait à la hauteur de son prestige. Sinon, c’est la perte sans appel de toute une mémoire collective à forte valeur ajoutée touristique et historique.

Read Previous

Le CRT Rabat-Salé-Kénitra dévoile un ambitieux plan d’action pour 2025

Read Next

Vœux du Nouvel An 2025!

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *