Il semblerait qu’il y ait une crise de gouvernance au CRT Draa-Tafilalet : onze membres du Bureau Exécutif dénoncent des irrégularités et exigent une Assemblée Extraordinaire
Dans un contexte de tensions associatives assez poussées qui auraient risqué d’affecter même la réunion de proximité avec les professionnels tenue la semaine dernière à Ouarzazate par le DG de l’Onmt, onze membres du Bureau Exécutif du Conseil Régional du Tourisme (CRT) de la région Draa-Tafilalet sur quinze ont adressé une mise en demeure formelle à leur président élu Mohammed Takhchi, exigeant la convocation urgente d’une Assemblée Générale Extraordinaire (AGE). Cette volte-face, soutenue donc par plus des deux tiers des membres, se serait appuyée sur un ensemble de griefs juridiques, administratifs et stratégiques, remettant en cause la légitimité et la gestion de l’instance.
Les critiques s’articulent d’abord autour d’un manquement aux textes fondateurs du CRT. Les signataires invoquent en effet une violation manifeste de l’article 6 des statuts, stipulant que la présidence doit être incarnée par un représentant des cinq Conseils Provinciaux du Tourisme. Or, selon la lettre, le président actuel « ne représente aucun de ces collèges », ce qui jette un doute sur sa légitimité fonctionnelle.
À ces griefs s’ajoutent des manquements procéduraux récurrents :
-« Absence de convocations régulières » (articles 14, 15, 23) : Les Assemblées Générales annuelles et réunions semestrielles du Conseil d’administration n’auraient pas été organisées, paralysant la prise de décision collective.
-« Procès-verbaux non tenus à jour » (articles 19, 28) : L’omission de documenter les réunions du Bureau Exécutif et du Conseil d’Administration est qualifiée de « négligence grave », sapant la transparence institutionnelle.
Sur le plan opérationnel, les membres dénoncent une dérive autoritaire et un déficit de redevabilité :
-« Absence de dialogue structuré » : Aucune réunion régulière n’aurait permis de valider les orientations stratégiques ou les budgets, entraînant une opacité décriée.
-« Comptes-rendus fantômes » : Les participations du CRT à des événements internationaux (foires de Madrid, Berlin, Paris) n’auraient donné lieu à aucun rapport d’impact, réduites à des « photographies officielles sans interaction avec les acteurs locaux ou la presse ».
Le volet promotionnel cristallise les frustrations, avec des critiques cinglantes sur l’inaction stratégique :
-« Supports promotionnels défaillants » : Les brochures et outils de communication sont décrits comme « largement insuffisants », sans plan directeur ni coordination avec les professionnels du secteur.
« Échecs retentissants lors des foires internationales » :
-« Madrid » : Distribution minimale de brochures, absence d’échanges avec les partenaires après une photo protocolaire.
-« Berlin (ITB) » et « Paris » : Aucun stand identifiable, absence d’outils de promotion et de stratégie de représentation de la région.
Un membre résume : « On ne bâtit pas une destination avec des clichés vides et des promesses sans suivi. »
Face à ce constat accablant, les signataires exigent, dans un délai de quinze jours, la tenue d’une Assemblée Générale Extraordinaire ayant pour ordre du jour :
1. La présentation des rapports moral et financier, jamais rendus publics.
2. L’élection d’un nouveau bureau, excluant le président actuel en raison de son « illégitimité statutaire ».
La lettre, copiée aux autorités régionales (Wali, Gouverneurs, Président de Région), souligne une volonté d’aller jusqu’au bout. Et si a présidence n’a pas encore répondu officiellement, les signataires affichent une détermination résolue: « Nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour restaurer la crédibilité du CRT. »
Pour des professionnels de la région, cette crise révèle un clivage profond entre centralisation et collégialité. Comme le souligne un expert en gouvernance territoriale sous couvert d’anonymat : « Un CRT ne peut fonctionner sans l’adhésion de ses territoires. Ignorer les procédures, c’est saper sa propre raison d’être. »
Cette mise en demeure, rare par sa virulence dans le paysage associatif marocain, marque un tournant critique pour le CRT Draa-Tafilalet. Au-delà des querelles de procédure, c’est la question de la légitimité démocratique des instances touristiques qui est posée. L’Assemblée Générale réclamée pourrait soit acter une refondation attendue, soit exacerber les fractures, selon la réactivité des parties prenantes.
Enjeu ultime : Redonner corps à une vision du tourisme ancrée dans le dialogue territorial de la région Draa-Tafilalet, loin des logiques d’apparat, des faux-semblants et d’improvisation.