Pourquoi la demande française sur le Maroc décroche?

Selon le palmarès « Orchestra / Les Entreprises du Voyage », le Maroc enregistre une baisse de -25,3 % des dossiers de voyageurs français en juillet 2025 par rapport à juillet 2024, tout en restant 6ᵉ destination favorite. Cette chute, plus marquée que celle de ses concurrents méditerranéens (Espagne -12,3 %, Grèce -14,6 %, Tunisie -7,4 %, Turquie -2,9 %), contraste avec la progression manifeste de l’Égypte (+13,3 %), des Pays-Bas (+15,2 %) et du Canada (+20,4 %). Autrement dit, le marché ne s’effondre pas : il se redéploie vers des offres perçues comme mieux calibrées.

Plusieurs causes s’entremêlent pour expliquer ce recul. D’abord, le produit « été » marocain reste trop centré sur Marrakech, Agadir et le nord. Or, une partie significative du parc hôtelier marocain (notamment les 3 et 4 étoiles conçus dans les années 1980-1990) reste sous-équipée pour le modèle all inclusive moderne (multiplicité de restaurants, piscines thématiques, clubs enfants, animation continue, infrastructure digitale). Résultat : le cœur de cible des tour-opérateurs français (familles en séjour 7-10 nuits) se détourne d’une offre jugée moins adaptée aux standards actuels.

À cette fragilité s’ajoute une hétérogénéité de l’offre tout compris, alors que l’Égypte et la Tunisie misent sur des chaînes AI très standardisées, faciles à commercialiser en allotement. Le Maroc, lui, présente une mosaïque où coexistent des resorts flambant neufs et des établissements vieillissants « sans concept » clair. Cette inégalité complique la lisibilité de l’offre pour les distributeurs et nuit à la conversion commerciale.

La capacité disponible joue aussi un rôle. À Agadir, par exemple, plusieurs unités sont fermées ou en rénovation lourde, réduisant le stock en haute saison. Moins d’offre signifie des prix faciaux plus élevés, sans toujours que la valeur perçue ne suive. Cet écart alimente l’arbitrage en faveur de destinations concurrentes.

Enfin, la communication estivale du Maroc reste souvent centrée sur l’image « city-break / culture », certes puissante (patrimoine, désert, gastronomie), mais peu adaptée aux déclencheurs d’achat de juillet-août. En plein été, la décision se joue sur cinq éléments concrets : température ressentie, accès à l’eau (plage ou parc aquatique), clubs enfants, simplicité du tout compris et vols directs depuis la ville de départ. Or, sur ces critères, le discours reste trop qualitatif et pas assez comparatif.

Ce panorama montre que la demande française n’a pas déserté la Méditerranée, mais qu’elle se réoriente vers des offres très calibrées pour les familles. L’Égypte en est l’exemple frappant, tandis que les city-breaks tempérés (Pays-Bas) et les grands espaces (Canada) captent un désir de fraîcheur. Le Maroc, pourtant riche en micro-climats, ne capitalise pas encore suffisamment sur ses atouts climatiques et géographiques, notamment les stations atlantiques (Essaouira, Oualidia, Taghazout, Dakhla) et les zones montagneuses (Ifrane, Oukaïmeden hors neige, Béni-Mellal).

La réallocation de l’aérien doit aussi être alignée avec la demande : plus de vols directs depuis les régions françaises (Nantes, Lille, Bordeaux, Toulouse, Lyon, Marseille) vers les stations atlantiques en juillet-août, et non seulement vers Marrakech. Des accords tarifaires “early-bird” (J-120/J-60) permettraient de sécuriser les ventes familles à prix compétitif.

Parallèlement, il faut enrichir l’offre par des produits de niche différenciants : surf camps familles à Taghazout, éco-lodges de montagne garantissant une température <28 °C, festivals culturels en bord d’Atlantique. L’idée est de proposer des séjours thématiques packagés, plutôt que des offres génériques.

Enfin, la future conformité réglementaire 2027 (sécurité incendie, accessibilité PMR, efficacité énergétique, digitalisation) peut devenir un argument de vente immédiat. Un label “Ready 2027” vérifié par audit et affiché sur les sites des TO améliorerait la conversion dès aujourd’hui.

Le -25,3 % de juillet n’est pas une fatalité mais un signal stratégique. Il révèle un décalage entre les attentes actuelles des familles françaises et la manière dont le Maroc commercialise et structure son offre estivale. Les actifs existent (côte Atlantique, altitude, nouveaux resorts, concepts clubs) et les mécanisme catalyseurs  sont identifiés (standard AI, repositionnement climatique, labels conformité, accords aériens).

La clé de voûte réside dans l’industrialisation de promesses concrètes et comparables, plutôt que dans des slogans généralistes. C’est à cette condition que le Maroc redeviendra, dès l’été 2026, une évidence de choix pour les familles françaises en quête de soleil… sans renoncer au confort et à la fraîcheur.

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