Il y a des compétitions qui se limitent à mesurer des performances sportives, puis il y a des rendez-vous qui redessinent une région. L’Atlas Marathon, qui tient sa troisième édition du 9 au 12 octobre 2025 dans la Vallée heureuse d’Aït Bouguemez, est bien placé pour en dire long. Organisé par le CRTBK en collaboration avec l’association vivante et en partenariat avec l’ONMT, au cœur du Geoparc UNESCO du M’Goun, l’événement mêle épreuves sportives, rencontres culturelles et projets solidaires, en donnant à la course nature un rôle de faire-valoir promotionnel pour un territoire encore largement préservé du tourisme de masse.
Le programme 2025 confirme l’ambition d’ouvrir l’Atlas Marathon à tous les publics : du Trail Famille (10 km) aux formats plus engagés (21 km, 27 km, 42 km), les parcours proposent des boucles dans et autour de la vallée en privilégiant la découverte des villages berbères, des prairies d’altitude et des crêtes qui dominent la chaîne. Les départs et arrivées sont organisés depuis le chef-lieu et points structurants de la vallée, la logistique, l’accueil des coureurs et les packages figurent sur le site officiel de l’événement.
La présence sur les réseaux sociaux et les listings spécialisés (ITRA, annuaires d’événements trail) souligne aussi la notoriété du festival : sport, nature, mais aussi foisonnement culturel et protection du paysage. Les communications des organisateurs rappellent explicitement les valeurs affichées de convivialité, authenticité, humilité et solidarité, qui orientent la manière dont les courses sont conçues et vécues.
La vallée d’Aït Bouguemez, surnommée la « Happy Valley », s’étire dans le Haut Atlas central ; ses fonds cultivés, ses villages en pisé et ses bergeries servent de décor à des parcours qui montent rapidement en altitude. Le massif du M’Goun -troisième grand sommet de l’Atlas- culmine à environ 4 070 m et structure le paysage ; l’ensemble a reçu le statut de Geoparc mondial UNESCO, une reconnaissance qui place la vallée dans un cadre de protection et de valorisation géologique et patrimoniale. Ces caractéristiques font de chaque km de course une leçon de géographie vivante : falaises, gorges, plateaux et vues qui, par temps clair, s’ouvrent jusqu’aux confins sahariens.
Les itinéraires empruntent des vallées et lieux bien identifiés par les guides locaux et les opérateurs de trek (Ikkis (Azib n’Ikkis / Ikkis n’Arous), les plateaux de Tarkedit, les redescendes vers Oulilimt) des toponymes qui réapparaissent constamment dans les itinéraires de randonnée régionaux et dans la mémoire des communautés qui vivent ici. La géographie locale impose d’ailleurs une préparation spécifique : base de la vallée située autour de 1 700–1 900 m, alternance diurne chaude / nuits fraîches et variations météorologiques en haute montagne.
Les organisateurs font de la solidarité plus qu’un slogan. L’événement entend générer des retombées directes pour les habitants : occupation des gîtes et maisons d’hôtes, emploi de guides diplômés, recrutement de muletiers et cuisiniers locaux, et potentiellement un volet financier vers des projets communautaires. Ces orientations répondent à une logique de tourisme durable : fournir des revenus complémentaires tout en limitant les externalités négatives. Le Centre de Formation aux Métiers de la Montagne (CFAMM) de Tabant, centre formant des guides locaux, est un acteur clé pour professionnaliser l’accueil et garantir la sécurité sur les itinéraires.
L’Atlas Marathon est un événement-levier comme il se devrait. Il peut accélérer la professionnalisation des services locaux come les hébergements, la restauration, le transport et contribuer à rendre la vallée attractrice hors des seules hautes saisons.
L’Atlas Marathon 2025 est, en quelque sorte, une dramaturgie du territoire, un instant où le geste athlétique croise la mémoire des villages et les nécessités d’un développement raisonné. Si les organisateurs poursuivent la logique d’un événement qui sert d’abord le territoire, en organisant la filière locale, en protégeant les sentiers et en redistribuant les retombées, alors la Vallée heureuse pourrait devenir l’un des exemples les plus convaincants de ce que peut être un tourisme montagnard responsable.
Pour les coureurs et visiteurs, l’appel est simple, aller courir là-bas, c’est accepter d’être acteur d’un projet collectif. Pour les décideurs, l’enjeu l’est tout autant : transformer une belle aventure sportive en un modèle reproductible, où la course laisse au paysage et aux communautés plus qu’elle ne leur prend.




