20 septembre 2024

L’affaire du pavillon marocain à Walt Disney World est-elle tombée dans l’oubli ?

L’affaire du pavillon marocain à Walt Disney World est toujours au point mort. Elle est un exemple emblématique des dérives que peuvent connaître des projets promotionnels made in Morocco à fort enjeu culturel et image.

Un rendez-vous que nous avons hélas manqué mais qui pointe du doigt certains acteurs, tel que l’avait déjà souligné Dr Hafid Ouchchak dans un article publié en 2019 en exclusivité dans Premium Travel News et dont nous faisons ici lecture puisque l’affaire est toujours d’actualité, car elle révèle à la fois des enjeux de gouvernance, des problématiques de gestion et des failles dans la protection des intérêts nationaux.

En 1980, le Maroc signe un contrat avec Walt Disney pour la création d’un pavillon marocain à l’EPCOT Center d’Orlando, en Floride. Cette vitrine devait non seulement promouvoir la culture marocaine à l’international mais aussi attirer des touristes vers le royaume. La conception du pavillon, d’un style architectural traditionnel, a été financée par Walt Disney, avec une participation financière de l’Office National Marocain du Tourisme (ONMT) s’élevant à 10,5 millions de dollars, payable sur une période de dix ans. Le projet était ambitieux, mais rapidement, des failles ont émergé dans la gestion et la mise en œuvre du contrat.

Dysfonctionnements et mauvaise gestion

Le projet a été entaché dès ses premières phases par des conflits d’intérêts et des actes de corruption. Plusieurs responsables marocains impliqués dans les négociations ont profité de leur position pour tirer des avantages personnels, allant même jusqu’à se faire embaucher par Walt Disney en tant que prestataires de services privés. Cette pratique a compromis l’intégrité des accords initiaux, rendant le Maroc vulnérable à des abus financiers. L’un des exemples les plus notables est celui de l’ex-secrétaire général du ministère du Tourisme qui, après avoir entamé des négociations avec Disney, est devenu un architecte contractuel du projet.

Une autre faille majeure dans la gestion du projet concerne les commissions perçues pour les produits marocains vendus dans le pavillon. Bien que le contrat stipule que seules des marchandises marocaines peuvent être mises en vente, les taux de commission n’ont pas été précisés, ouvrant ainsi la porte à des détournements de fonds. Cette imprécision contractuelle a permis à certains individus de profiter personnellement de ces transactions, au détriment de l’ONMT et des intérêts nationaux.

Échec des objectifs touristiques

L’une des principales clauses du contrat stipulait que Walt Disney devait organiser 12 charters de 150 personnes à destination du Maroc entre 1983 et 1984. Cependant, à peine une cinquantaine de touristes ont été envoyés durant cette période, entraînant un manquement à l’accord de la part de Walt Disney. Malgré une prolongation accordée, la situation n’a pas été rectifiée, et un remboursement de 1,15 million de dollars était dû au Maroc. Ce remboursement n’a cependant jamais été perçu, et des questions persistent quant au sort de cette somme.

Absence de suivi et de transparence

L’un des aspects les plus inquiétants de cette affaire est l’absence totale de suivi de la part des autorités marocaines. Le ministère du Tourisme, pourtant en charge du dossier, n’a pas maintenu de contrôle sur le projet, et aucune enquête n’a été diligentée pour faire la lumière sur les détournements et les pertes financières subies par l’État. En 2014, lors d’une question posée au Parlement marocain, le ministre du Tourisme de l’époque a admis ne pas disposer d’informations sur le dossier, révélant ainsi un manque criant de mémoire institutionnelle et de transparence.

Pour y voire plus clair, Dr Hafid Ouchchak expliquait que à cet effet que « les procès-verbaux des négociations des contrats montrent que les intérêts du Maroc n’ont pas été bien défendus, certains hauts responsables du côté  marocain, parties prenantes à la convention, n’ont pas raté l’occasion pour se faire engager par Walt Disney en tant que prestataires de service privés richement rémunérés comme c’est le cas du secrétaire général du Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Environnement (1979) qui a entamé les négociations avec Walt  Disney (PV du 28/07/1977) et qui se retrouve architecte contractuel du projet (contrat du 13 juillet 1979) d’un dis ex  directeurs Généraux de l’ONMT qui a mis sur pied une société qui assurait l’intermédiation des troupes folkloriques et d’animation en partance du Maroc au profit de la société Walt Disney  moyennant une rémunération de 8250 dollars par semaine en annexe ».

Aussi, il ajoutait que « personne ne peut connaitre le sort de la grande somme de 1.150.000,00 dollar (plus de 10 millions de dirhams) que doit rembourser Walt Disney  à la partie marocaine, suite à la non-exécution de l’amendement signé le 26 octobre 1982 entre l’ONMT et WORLD CO, qui stipulait l’organisation par Walt Disney Travel de 12 charters de 150 personnes chacun  et ce, entre le 1er Mai 1983 et le 31 Décembre 1984 à transporter par Royal Air Maroc. Ce référant à cet amendement Walt-Disney Travel devait donc envoyer au Maroc 1800 touristes et ce avant le 31 décembre 1984, mais à cette date à peine une cinquantaine de touristes ont été envoyés au Maroc ».

On comprend qu’une « prolongation de 18 mois a été donnée sur la demande à W.D Travel pour réaliser le nombre contracté, mais en Septembre 1986 la non-exécution de cet amendement a été reconnue par W.D Travel au cours de la réunion tenue pendant l’été de 1986 avec Steve Baker W.D Travel et qui avait reconnu par écrit à l’ONMT qu’elle doit rembourser 1.150.000,00 dollars à la partie marocaine », précisait-il.

Avant d’ajouter que le seul qui peut « nous informer sur l’évaporation  de cette somme est l’ex-secrétaire général du Ministère du Tourisme qui s’est rendu à Orlando en 1996 pour négocier la reconduction du contrat du pavillon marocain à Disney Land ainsi que le problème de l’indemnisation. Mais automatiquement après on a su que l’ex-secrétaire général a pris les Etats-Unis comme pays de résidence. Aussi, personne n’a pu prendre connaissance des sommes et des commissions perçues soit disant par l’ONMT et par d’autres personnes qui normalement doivent être rapatriées comme recettes de l’Office. L’accord stipulait que « toutes les marchandises  mises en vente au centre d’attraction seront de source exclusivement marocaine, à cet égard la partie américaine doit recourir obligatoirement à l’assistance de la partie marocaine dont la recherche des meilleures sources d’approvisionnement et lui verser une commission sur le montant total des achats effectués. Malheureusement, le taux de la commission n’a pas été précisé dans l’accord laissant la porte ouverte aux gabegies et détournements ».

Il trouvait surréaliste que le représentant  de l’ONMT de l’époque sur place « en connivence avec le gérant du restaurant Marocain à Walt Disney se sont finalement emparés à titre personnel de tout le pavillon Marocain d’une manière plus ou moins frauduleuse à l’insu et au mépris de toute l’administration ».

Appel à la réforme

Cette affaire met en lumière la nécessité de renforcer les mécanismes de gouvernance et de transparence dans les projets internationaux. Le pavillon marocain à Walt Disney devait être une vitrine de la culture et du tourisme marocains, mais il est devenu le symbole d’une gestion défaillante et d’un manque de contrôle institutionnel. Il est impératif que des mesures soient prises pour éviter que de tels scénarios ne se reproduisent, notamment par la mise en place d’une commission d’enquête indépendante. Une meilleure protection des intérêts nationaux et une gouvernance plus stricte sont essentielles pour redresser la situation et redonner au secteur du tourisme la place qu’il mérite dans le développement économique du Maroc.

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