Hier dans la matinée du mardi à l’aéroport Mohammed V de Casablanca, Ader El Fakir recevait la presse à l’Office National Des Aéroports pour décliner sa feuille de route « Aéroports 2030 » un plan stratégique ambitieux aligné sur les orientations royales et conçu pour positionner le Maroc comme un hub aérien de premier plan à l’échelle continentale et mondiale. Présentée suite au Conseil des Ministres du 4 décembre 2024 et où il a été question de lancer l’élargissement et la rénovation des aéroports des six villes hôte, cette stratégie tripartite -développement des infrastructures, expérience client réinventée et transformation institutionnelle- s’enrichit d’innovations majeures.
Le point…
D’abord, les données 2024 révèlent une dynamique aéroportuaire marquée par une hausse de 21% du trafic total, atteignant 32,7 millions de passagers, avec une progression de +20% sur les vols internationaux (29,2 millions) et +30% sur les vols domestiques (3,5 millions). Cette accélération, portée par l’expansion de Royal Air Maroc -dont la flotte passera de 50 à 200 appareils d’ici 2037- et les préparatifs de la Coupe du Monde 2030, expose les limites des infrastructures actuelles. Casablanca Mohammed V, épine dorsale du réseau avec 10,5 millions de passagers en 2024, atteindra sa saturation critique dès 2027, malgré son extension prévue à 35 millions de passagers d’ici 2029.

L’ONDA prévoit d’investir 5,8 milliards de dirhams d’ici 2030 pour moderniser et étendre les plateformes clés :
– Casablanca Mohammed V : Nouveau terminal Hub, piste supplémentaire et intermodalité LGV (capacité portée à 35 millions de passagers). A l’heure où l’aéroport de Benslimane, conçu pour une capacité initiale de 5 à 7 millions de passagers, absorberait le trafic low cost, réduisant la pression sur Mohammed V et rééquilibrant les flux régionaux. En effet, en détournant les vols low cost vers Benslimane, l’ONDA optimise l’expérience à Mohammed V, dédié aux passagers premium et de correspondance.
– Marrakech, Agadir, Tanger : Doublement des terminaux (capacités respectives de 16, 7 et 7 millions de passagers).
Cette segmentation s’accompagne d’une digitalisation accrue :
-Solutions biométriques pour l’enregistrement et l’embarquement.
-Plateformes de gestion des bagages connectées.
-Espaces lounge intelligents, intégrant des services sur mesure.
« Nos aéroports incarneront un Maroc ouvert et technologique, alliant standards internationaux et hospitalité authentique », souligne Adel El Fakir, Directeur Général de l’ONDA.
Dans ce registre, la mutation de l’ONDA vers un statut de société anonyme favoriserait certainement le renforcement de son efficacité opérationnelle et la réussite de cette stratégie repose sur plusieurs impératifs :
-Calendrier serré : Les extensions d’aéroports (Marrakech en 2028, Casablanca en 2029) et la construction de Benslimane doivent respecter des échéances alignées sur la Coupe du Monde 2030.
-Accessibilité : Benslimane nécessite des liaisons LGV et routières performantes pour concurrencer l’attractivité de Casablanca.
-Coordination interinstitutionnelle : Impliquant la DGSN, la Douane et les ministères concernés, une collaboration renforcée est cruciale pour harmoniser les procédures et fluidifier les flux.

Cependant, les opportunités dépassent largement les contraintes :
-Désaturation de Mohammed V : Libération de slots pour les compagnies long-courriers (Emirates, Qatar Airways).
-Dynamisme régional : Benslimane stimulerait l’emploi et le tourisme dans une zone en plein développement.
-Image internationale : Une offre aéroportuaire diversifiée renforce l’attractivité du Maroc pour les investisseurs et les touristes.
La stratégie « Aéroports 2030 » est visiblement ambitieuse et implique une vision holistique du transport aérien marocain. L’ONDA démontre sa capacité à anticiper les défis de saturation et à exploiter les leviers de la décentralisation, apte à positionner le Maroc en acteur véritable de l’aviation africaine, prêt à accueillir les défis de la FIFA 2030 et au-delà.
Toutefois, la question de l’aéroport de Benslimane ne cesse de se poser avec toute son acuité avec un arrière-goût d’inachevé. Et on aimerait bien comprendre ! L’intégration de Benslimane pourrait s’appuyer, pourquoi pas, sur des partenariats public-privé (PPP), attirant des investisseurs internationaux tout en accélérant les délais de réalisation. Cette gouvernance rénovée s’accompagne d’un plan de formation ambitieux pour les équipes, ciblant les métiers de la logistique, de la sûreté et du service client.
Son intégration opérationnelle, en tant que pivot pour les vols low cost, optimiserait la gestion des slots à l’aéroport Mohammed V de Casablanca, tout en inscrivant la décentralisation au cœur d’une croissance maîtrisée.
En fait, l’aéroport de Benslimane émerge peut être une solution structurante. Positionné entre Casablanca et Rabat, ce projet -bien qu’absent du communiqué de presse diffusé-, il préfigure une logique de décentralisation proactive, inspirée de modèles internationaux tels que Londres (Gatwick/Luton) ou Paris (Beauvais). Dédié aux compagnies low cost (Ryanair, EasyJet, etc.), il permettrait de libérer des capacités à Mohammed V, orienté vers les vols long-courriers et le statut de hub intercontinental, tout en stimulant l’attractivité économique de la région de Benslimane.
« L’aéroport de Benslimane symbolise notre volonté de concilier croissance et équilibre territorial, tout en offrant une réponse agile aux attentes du marché », aimerait-on entendre dire Adel El Fakir.
Si les engagements financiers et opérationnels sont tenus, le Maroc pourrait, dès 2030, s’imposer en modèle de gestion aéroportuaire innovante et inclusive, au service d’une ambition nationale renouvelée.
Une version aboutie de cette stratégie fera, en effet, des aéroports marocains des catalyseurs de croissance, des vitrines d’excellence et des portes d’entrée vers un Maroc connecté, ambitieux et résolument tourné vers l’avenir.