Agadir sous pression…

Le week-end du 20 juillet 2025, Agadir a connu une affluence sans précédent. Cette fin de semaine-ci, combinée à l’entame de la haute saison estivale, des dizaines de milliers de visiteurs marocains et étrangers ont convergé vers la capitale du Souss, provoquant des scènes de saturation rarement observées, même en plein été, immortalisées par plusieurs posts par réseaux interposés. Un véritable assaut en masse pour farniente et amusements aussi.

Mais derrière les images d’artères bloquées, de plages bondées et de restaurants débordés, cette affluence soulève des questions structurelles sur la capacité réelle d’accueil d’Agadir, ses atouts, ses limites et la résilience de son modèle touristique. L’assaut devenu un stress test grandeur nature, révélant les tensions d’une destination en pleine mutation mais encore loin d’être préparée à l’hyper-tourisme, comme l’a été, par exemple, Barcelone excédée par le sur tourisme.

Officiellement, Agadir dispose d’environ 28 000 lits touristiques classés, auxquels s’ajoutent un volume difficile à mesurer d’hébergements informels (Airbnb, appartements meublés non déclarés, résidences secondaires).

Ce week-end, la capacité officielle a été saturée dès le jeudi soir. De nombreux établissements affichaient complet sur les plateformes de réservation, tandis que les hôtels économiques et de moyenne gamme ont vu leurs tarifs grimper de 40 à 80 %, parfois sans service adapté. Le phénomène a tout simplement provoqué des surcharges dans les zones balnéaires (Founty, Marina, Taghazout), des pénuries ponctuelles de taxis, parkings et restauration rapide, en plus d’une tension inhabituelle sur les services de sécurité, propreté et santé.

Mais plus inquiétant encore, les hébergements non réglementés ont explosé, échappant à tout contrôle sanitaire, fiscal ou environnemental.

Il faut admettre qu’Agadir est aujourd’hui au milieu d’un vaste processus de requalification : la réhabilitation de la corniche, la transformation de la place Al Amal, le développement du projet Agadir City Center et la montée en puissance du pôle de Taghazout Bay. Mais cette mutation demeure tout de même inachevée. Pour la bonne raison que l’accueil des flux massifs reste mal maîtrisé, rendu caduque par des transports publics sont sous-dimensionnés, notamment en soirée. Résultat : L’expérience client reste inégale. Un touriste peut bénéficier d’un resort de standing international… puis se heurter à une gestion désordonnée de l’espace public à quelques mètres.

Ce contraste alimente une insatisfaction latente, en particulier chez les touristes à haut pouvoir d’achat, qui aspirent à une expérience fluide, élégante et sûre.

De nombreux commerçants et opérateurs ont parlé d’un “mini-Boom économique”, apportant une bouffée d’oxygène bienvenue après les années de turbulence post-Covid et un début de saison encore hésitant. Tant mieux !

Mais des inconvénients sont lourds à long terme car les effets négatifs, eux, risquent de s’installer durablement :

-Dégradation accélérée des infrastructures (routes, plages, espaces verts) ;

-Tensions sociales liées à la flambée des prix (logement, alimentation) ;

-Risque de “dé-tourisme” à moyen terme, avec un sentiment de surfréquentation, y compris chez les résidents et les habitués de la destination ;

-Crise silencieuse du modèle écologique : pollution plastique, gaspillage d’eau, pression sur le littoral et les zones forestières adjacentes.

Au vu de cette situation, Agadir est-elle sérieusement prête à devenir une “destination de masse maîtrisée” ?

La vraie question n’est pas de savoir si Agadir est attractive, elle l’est, incontestablement. Mais si elle est capable d’absorber durablement un tourisme massif sans renier la qualité de l’expérience, l’équité locale et l’équilibre environnemental.

Pour cela, les professionnels locaux pensent qu’il manque une gouvernance touristique agile et intégrée, coordonnant mairie, région, CRT et opérateurs privés, de même qu’il lui manque également un cadastre clair des hébergements touristiques, pour formaliser les locations et réguler l’offre, des outils de régulation intelligente des flux, via la data, les capteurs, les applications de gestion urbaine (comme cela existe à Barcelone, Dubrovnik ou Essaouira) ou encore une montée en gamme généralisée, aussi bien dans l’offre que dans la gestion de la destination.

Donc, le week-end du 20 juillet 2025 constitue un révélateur de vulnérabilités mais aussi un baromètre d’attractivité puissant. Agadir peut transformer cette pression touristique en « prétexte » de réinvention durable.

Mais pour cela, elle devra dépasser la logique du « remplissage à tout prix » pour entrer dans celle de la maîtrise qualitative, inclusive et résiliente de son développement touristique.

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