La nomination de Stéphane Maquaire en tant que Président-Directeur Général de Club Med Holding, suite à une décision avalisée par le conseil d’administration et effective immédiatement est un changement de gouvernance, annoncé par Xu Xiaoliang, Président de Club Med Holding, qui valide une transition générationnelle et une infusion stratégique d’expertise multisectorielle.
Ancien cadre dirigeant du groupe Carrefour, Stéphane Maquaire ne vient pas du sérail touristique, mais du retail global, et plus spécifiquement de l’univers complexe de la distribution en Amérique latine, où il a occupé le poste de Directeur Exécutif de Carrefour Brésil et Amérique Latine. C’est là une rupture stratégique délibérée, à contre-courant de l’approche traditionnelle qui consiste à promouvoir des profils issus de l’industrie hôtelière ou touristique.
Pourquoi ce choix ? Parce que Club Med, plus que jamais, a besoin d’un dirigeant doté d’une vision “multicanal” et internationale, capable de piloter à la fois une marque patrimoniale française et une machine logistique mondialisée, dans un monde post-Covid en perpétuelle recomposition.
La nomination de Stéphane Maquaire n’est pas une surprise pour les initiés. Elle a été recommandée par Henri Giscard d’Estaing, président emblématique de Club Med durant deux décennies. Il est significatif que cette passation de relais ait été soigneusement préparée, afin d’assurer une continuité stratégique tout en apportant du sang neuf.
Le défi de Stéphane Maquaire ? Transposer les logiques de fidélisation, d’optimisation opérationnelle et de pilotage data-driven du secteur de la grande distribution au modèle Club Med, basé sur l’expérience premium tout compris, le capital humain, la culture d’entreprise et la différenciation haut de gamme.
En effet, Carrefour Brésil est l’un des marchés les plus complexes du groupe, combinant inflation volatile, logistique capillaire et fragmentation sociale. Réussir dans ce contexte exige une capacité à adapter des stratégies globales à des réalités locales, compétence cruciale dans l’univers Club Med, réparti sur quatre continents, avec des villages en Asie, en Europe, en Afrique et en Amérique.
L’un des enjeux les plus délicats que devra sans doute gérer Stéphane Maquaire est l’équilibre culturel et stratégique entre l’identité française du Club et son ancrage capitalistique chinois, depuis sa reprise par Fosun Tourism Group. Xu Xiaoliang insiste d’ailleurs sur l’importance de « préserver l’identité française et les valeurs du Club ».
Cet équilibre est fragile. Le Club Med est une institution française du tourisme mondial, porteuse d’un imaginaire collectif, d’un style de management unique (notamment dans sa gestion des G.O. et G.E.), et d’une relation affective avec plusieurs générations de vacanciers européens.
Or, depuis plusieurs années, les impératifs de rentabilité, de développement en Chine et de croissance “exotique” (pôles skiables en Asie, resorts dans des marchés émergents) ont parfois heurté la base historique de la marque. Stéphane Maquaire devra composer avec cette dualité identitaire : excellence opérationnelle internationale vs attachement à la “french touch” touristique.
Au-delà des enjeux culturels, la mission de Maquaire sera de piloter une mutation profonde du modèle économique de Club Med. L’entreprise, autrefois centrée sur des villages balnéaires à budget moyen, a depuis dix ans entamé un repositionnement dans le segment haut de gamme, avec un double focus : Le développement international des “resorts Exclusive Collection”, notamment dans des destinations premium (Seychelles, Alpes, Bali, Québec) et la montée en gamme de l’expérience client, via une digitalisation poussée du parcours utilisateur, de la réservation à l’après-séjour.
Le profil de Stéphane Maquaire correspond précisément à cette feuille de route. Il devra optimiser la performance économique tout en enrichissant la proposition de valeur pour un client devenu plus exigeant, volatile et sensible aux engagements sociaux et environnementaux.
En fait, le choix de Stéphane Maquaire peut être perçu comme une rupture maîtrisée dans l’histoire de Club Med. Il symbolise l’entrée dans une phase 4.0 : un acteur mondial du tourisme premium, piloté comme une multinationale moderne, mais revendiquant son héritage émotionnel et son ADN français. Si la stratégie est claire, l’exécution sera complexe. Le secteur touristique reste volatil, soumis aux tensions géopolitiques, aux contraintes climatiques, et aux mutations de consommation. Stéphane Maquaire ne pourra réussir que s’il réussit à concilier rigueur opérationnelle et culture du voyage, performance industrielle et poésie du tourisme.




