Agadir vient de vivre un incident qui, bien qu’en apparence isolé, dévoile une faille systémique de plus en plus alarmante dans le secteur hôtelier national. Le 24 juillet 2025, un établissement affilié au groupe égyptien Pickalbatros a provoqué une onde de choc dans la profession : 50 touristes venus de France, pourtant munis de réservations confirmées, se sont vus refuser l’accès à leurs chambres pour cause de surbooking. Pire encore, une sélection de 30 parmi les 50 ont été sommées de payer un supplément ubuesque et arbitraire de 700 MAD.
Le ton d’un courrier de l’Association Régionale de l’Industrie Hôtelière d’Agadir (ARIHA), daté du 26 juillet, sonne comme un appel désespéré à la professionnalisation. Il alerte les membres de la nécessité de bloquer effectivement les chambres contractuelles, rappelant un principe de base que certains semblent ignorer ou, pire, mépriser.
Si le surbooking n’est pas un phénomène nouveau, mais une pratique tolérée, parfois même utile pour optimiser les capacités d’accueil, à condition qu’il soit encadré, anticipé, et géré avec respect, ce que nous observons aujourd’hui relève plutôt d’une forme d’abus systémique, voire d’une logique de spéculation : on accepte des réservations excédentaires dans l’espoir d’attirer des clients de dernière minute plus “rentables”.
Le cas de l’hôtel White Beach Taghazout, sous la coupe de l’égyptien Pickalbatros, n’est que la partie émergée d’un iceberg beaucoup plus vaste. Dans plusieurs villes, de Fez à Marrakech, en passant par Essaouira, de nombreux professionnels du voyage témoignent d’un phénomène inquiétant : des hôtels qui relèguent les engagements contractuels au second plan, prêts à sacrifier des clients confirmés pour accueillir des délégations politiques, des groupes événementiels, ou simplement des touristes prêts à payer plus.
Un autre élément tout aussi dérangeant ressort de cette affaire : la gestion étrangère des établissements hôteliers, déconnectée des réalités locales. À Agadir, aucun directeur marocain n’a été jugé digne de diriger l’un des hôtels du groupe égyptien. Résultat : des décisions prises dans l’ignorance des normes juridiques et éthiques marocaines, et dans un mépris total de l’expérience client.
Accepter cela, c’est délégitimer toute une génération de cadres marocains formés dans les meilleures écoles de gestion touristique et laisser le terrain à des gestionnaires sans vision, uniquement guidés par des objectifs de court terme.
Si rien n’est fait, ce type de gestion pourrait bien devenir la norme d’ici 2030. Le Maroc, qui ambitionne d’accueillir 26 millions de touristes dans les prochaines années, court à la catastrophe si les pratiques contractuelles de base ne sont pas renforcées et surveillées. Car à ce rythme, ce n’est pas seulement la réputation d’un hôtel ou d’une ville qui est en jeu, mais celle du pays tout entier.
La solution ne viendra pas d’un simple rappel à la vigilance, aussi bienveillant soit-il. Ce qu’il faut, c’est une refonte totale du cadre de gestion des situations de surbooking, avec, pourquoi pas, une charte nationale de bonne conduite hôtelière, signée par tous les établissements agréés. La mise en place dans chaque ville touristique d’une cellule de crise composée de représentants de l’ONMT, de l’ARIHA, d’avocats spécialisés et d’agents de voyages référents semble également fort recommandable, avec la création d’un registre des incidents contractuels pour sanctionner les établissements récidivistes.
Le secteur est-il en train de perdre ses repères ou quoi ?,
Il est temps que les professionnels -hôteliers, agents de voyages, institutions publiques- fassent bloc pour défendre l’image du Maroc. Non pas à coups de slogans marketing, mais par des actes concrets, une gestion éthique, et un respect rigoureux des engagements.
Car si nous voulons faire du Maroc une destination touristique de référence à l’horizon 2030, il faut commencer par une chose simple : traiter chaque touriste avec dignité, professionnalisme et humanité.




