Abdelhamid Addou au temps des alliances stratégiques

Classé 45ᵉ dans le «Top 100 Travel and Tourism Leaders 2025» de Forbes Middle East, catégorie Airlines, Abdelhamid Addou semble adopter une conviction selon laquelle une compagnie nationale ne doit pas se contenter de relier les points, mais d’orchestrer un réseau qui cherche sa place dans l’influence des flux mondiaux. Du moins, c’est ce que l’on comprend de sa démarche il y a quelque temps…

D’ailleurs, depuis qu’il dirige Royal Air Maroc, il a misé sur un modèle hub-and-spoke, avec Casablanca en étoile centrale, et sur la diplomatie des alliances pour placer le Maroc au cœur des grands axes aériens intercontinentaux.

Lecture…

L’année 2024-2025 illustre cette stratégie par une expansion ciblée matérialisée par 14 ouvertures ou relances de lignes parmi elles, Casablanca–São Paulo (axe stratégique vers l’Amérique du Sud, rare sur le marché africain) et Marrakech–New York (liaison directe qui positionne le Maroc sur le segment loisirs premium transatlantique). Action suivie par le renforcement de la desserte vers l’Afrique de l’Ouest, où RAM reste l’une des rares compagnies à opérer un réseau dense et régulier, captant aussi bien les passagers locaux que le transit international.

Ces choix répondent particulièrement à une anticipation de la demande liée à la Coupe du Monde 2030 et aux nouvelles politiques de visas marocaines.

Abdelhamid Addou a compris qu’en aérien, la taille brute d’un réseau ne suffit pas car sa véritable portée dépend de la solidité et de la pertinence des alliances. Dans cette logique, il a signé un accord stratégique avec Qatar Airways, offrant à Royal Air Maroc un accès privilégié au réseau asiatique et australien via Doha, tout en consolidant la position de Casablanca comme porte d’entrée naturelle vers l’Afrique. Parallèlement, la coopération renforcée avec China Southern Airlines ouvre un accès rare au marché chinois, dans un contexte post-Covid où la connectivité avec l’Asie demeure limitée. L’optimisation des accords interligne et de partage de codes complète cette architecture, réduisant les temps de correspondance et captant une clientèle à haut rendement affaires, MICE et tourisme long-courrier.

Ces alliances sont susceptibles de positionner la RAM en acteur incontournable des corridors Afrique–Europe–Asie et lui donnent accès à des marchés auparavant inexploitables en desserte directe.

Fort de cette ouverture stratégique, Addou a renforcé l’offre. En effet, rien que pour cet été 2025, 6,6 millions de sièges sont programmés sur plus de 95 destinations, plaçant RAM au niveau de certaines compagnies européennes de taille moyenne. Ce qui impressionne, c’est la capacité à préserver un haut niveau de ponctualité malgré l’expansion — un indicateur discret mais décisif pour fidéliser la clientèle, notamment sur les segments affaires et premium.

Cette maîtrise opérationnelle sert une double fonction stratégique. D’un côté, RAM agit comme vecteur d’attractivité touristique, où chaque nouvelle ligne long-courrier génère un afflux direct de visiteurs étrangers, redistribués ensuite vers d’autres villes marocaines via le réseau domestique. De l’autre, la compagnie se positionne comme outil diplomatique avec l’ouverture d’une route aérienne accompagne souvent un rapprochement politique ou économique, renforçant le rôle du Maroc comme plateforme intercontinentale.

En fait, la trajectoire imprimée par Addou se distingue par la consolidation du hub de Casablanca, désormais en mesure de rivaliser avec ceux d’Istanbul ou de Doha sur certains axes Afrique–Europe–Amériques. Cet axe repose sur un modèle hybride dans lequel la RAM reste fidèle à son rôle de compagnie nationale tout en adoptant les standards et réflexes d’une gestion privée, orientée compétitivité globale. Enfin, la planification tient compte des méga-événements à venir, comme la Coupe du Monde 2030, en dimensionnant le réseau pour bien au-delà de l’événement, afin d’éviter l’effet d’après-coup qui fragilise tant de transporteurs.

… Mais il reste quand même des vents contraires à négocier. Si la trajectoire actuelle de Royal Air Maroc témoigne d’une expansion maîtrisée et d’une vision long terme, elle s’accompagne néanmoins de défis structurels que la compagnie ne peut ignorer.

Le renouvellement de la flotte demeure prioritaire : une partie des appareils arrive en fin de cycle, ce qui accroît les coûts d’exploitation et peut altérer l’image de marque face à des concurrents dotés d’avions plus récents. À cela s’ajoute la volatilité persistante du prix du carburant, couplée à la perspective des taxes environnementales européennes, susceptibles de peser sur la rentabilité des lignes moyen et long-courriers.

Sur le marché régional, la concurrence agressive des compagnies low-cost, notamment sur les liaisons vers l’Europe, exerce une pression directe sur les marges. Même les hubs, pourtant renforcés par des projets d’extension, ne sont pas à l’abri : Casablanca pourrait connaître un risque de saturation avant 2030 si la croissance du trafic dépasse les prévisions. Enfin, la compagnie reste exposée aux aléas géopolitiques et aux fluctuations de la demande mondiale, particulièrement sur les marchés long-courriers sensibles aux tensions internationales.

Ces contraintes imposent à Abdelhamid Addou un exercice d’équilibriste : poursuivre l’élargissement du réseau et consolider les alliances tout en préservant la solidité financière et opérationnelle de la compagnie. Un équilibre délicat, où chaque décision doit conjuguer ambition et résilience pour maintenir le cap face à des vents contraires toujours changeants.

Bon gré mal gré, Abdelhamid Addou prouve du moins qu’une compagnie nationale peut être à la fois un moteur économique, un outil de diplomatie et un catalyseur touristique. Sa gestion de RAM, fondée sur l’expansion maîtrisée, les alliances intelligentes et la ponctualité, offre au Maroc un instrument stratégique d’influence et de connectivité, appelé à jouer un rôle central dans la recomposition des flux aériens mondiaux.

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