L’annonce, via communiqué de presse, du projet de la « Cité de la Méditerranée » à Tanger est succincte et certainement positive, considération prise du mémorandum d’entente signé à Riyad entre le ministère marocain du Tourisme, la Société Marocaine d’Ingénierie Touristique et le groupe saoudien Naif Al-Rajhi Investment pour lancer la Cité de la Méditerranée à Tanger, dotée d’un investissement annoncé de 250 millions de dirhams (MDH). Le projet, présenté comme un complexe intégré mêlant activités touristiques, culturelles et de loisirs, est vendu en tant que « montée en gamme » de l’offre littorale de création d’emplois (200 postes directs cités).
Sur le papier, la Cité de la Méditerranée coche des cases claires : dynamiser le front de mer, capter une clientèle haut de gamme, structurer une offre culturelle et de divertissement, et valoriser l’attractivité de la région Tanger-Tétouan-Al Hoceima. Dans un contexte où le Maroc multiplie les opérations d’urbanisme côtier et où Tanger cherche à tirer parti de sa double façade Atlantique/Méditerranée, un projet privé de cette envergure est justement susceptible d’accélérer la transformation urbaine et stimuler la chaîne de valeur locale du BTP, de l’hôtellerie et services.
Toutefois, ledit mémorandum ne garantit ni planning ferme, ni financement définitif, ni calendrier de livraison.
L’estimation de « 200 emplois directs » est positive mais nécessite davantage d’éclaircissements. Quels métiers ? quelle part pour les résidents tangérois ? Sur les 250 MDH annoncés, quelle part relève de fonds propres saoudiens et quelle part de financement local ou bancaire ? Le financement sera-t-il débloqué en tranches conditionnées à la réalisation des études et autorisations ? Quelles incitations fiscales ou foncières ont été octroyées par la partie marocaine ? Le groupe Naif Al-Rajhi prévoit-il un partenariat avec des instituts marocains de formation hôtelière ou technique (OFPPT, ISITT, ENAHT) ? La SMIT prévoit-elle un programme de formation ou d’accompagnement pour les jeunes diplômés locaux liés à ce projet ?
Le choix d’un partenaire saoudien n’est pas une exception, vu que depuis plusieurs années déjà, des capitaux du Golfe investissent massivement au Maroc, notamment dans l’immobilier et le tourisme. Ces flux ont dopé certains projets structurants mais ont aussi suscité des interrogations quant à la concentration foncière et aux effets d’éviction pour les opérateurs locaux. Par ailleurs, Naif Al-Rajhi a multiplié les coopérations régionales, ce qui limite le caractère isolé de l’opération. Il reste essentiel que l’État marocain, via la SMIT, impose des garde-fous contractuels dans la transparence des clauses foncières, objectifs d’emploi local, contribution aux infrastructures publiques, etc.
La Cité de la Méditerranée, financée à hauteur de 250 MDH, représente une réelle opportunité pour Tanger si elle est pilotée avec rigueur technique, sociale et environnementale. Sans ces garanties, elle risque de rejoindre la longue liste des annonces spectaculaires qui produisent plus d’attentes que de bénéfices tangibles. L’étape du mémorandum marque un cap diplomatique et économique; la suite, à savoir les études, les permis, les contrats finaux, et le phasage, déterminera si Tanger transforme cette promesse en un moteur inclusif de développement ou en une faire-valoir partiel au bénéfice d’intérêts externes.




