Même si le formalisme des assemblées générales et le vocabulaire convenu des bilans institutionnels est normalement d’usage dans ce type de réunions professionnelles, la dernière Assemblée Générale annuelle du Conseil Régional du Tourisme d’Agadir Souss-Massa, tenue sous la présidence de Salaheddine Benhammane en novembre, a mis le point là où il le faut, en révélant une réalité plus dense et plus complexe d’un territoire touristique enfin remis en mouvement, mais confronté à une équation de passage d’une dynamique quantitative à une transformation structurelle, qualitative et durable.
Agadir affiche aujourd’hui une capacité d’hébergement dépassant les 47 000 lits, un seuil significatif qui la repositionne parmi les principaux pôles balnéaires du Royaume. Cette montée en puissance intervient après une période de grande fragilité post-Covid, marquée par la fermeture prolongée d’établissements, la perte de compétences et l’incertitude sur la viabilité de certains modèles hôteliers.
La reprise constatée depuis deux saisons s’explique par le retour progressif de marchés émetteurs historiques (France, Allemagne, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas), la réactivation de tour-opérateurs européens, notamment sur le segment balnéaire long séjour et la progression lente mais régulière du marché national, de plus en plus sensible aux offres hôtelières renouvelées, aux résidences touristiques et aux expériences liées au bien-être et au sport.
Contrairement à certaines destinations marocaines où la reprise a été principalement dopée par des flux opportunistes, Agadir a su reconstruire une fréquentation plus structurée, en lien avec son ADN propre de soleil hivernal, surf, nature, sport, détente longue durée.
Le rapport d’activité du CRT Agadir Souss-Massa met, en effet, en avant une année dense en actions ponctuée de campagnes de communication ciblées, opérations marketing digitales, invitations d’agents de voyages et de journalistes étrangers, participation à des salons internationaux, partenariats avec des acteurs des niches surf, bien-être, tourisme sportif, écotourisme…
Aujourd’hui, la destination communique simultanément sur son littoral et ses plages, son arrière-pays (Paradise Valley, Tafraout, Taroudant), le surf et les sports de glisse, le tourisme de bien-être et de thalasso, le tourisme rural et écologique, le golf et le sport.
Cette richesse constitue d’ailleurs la force touristique du territoire. On souhaiterait toutefois qu’Agadir affirme, sur le plan international, une identité territoriale et touristique unique, puissante et mémorisable, comparable à celle de destinations concurrentes comme Tenerife, Algarve ou Antalya.
Plusieurs professionnels évoquent en privé la nécessité d’une véritable plateforme de marque territoriale unifiée, portée conjointement par le CRT, la région et les opérateurs privés.
Parmi les priorités soulevées lors de l’Assemblée Générale, la question de la connectivité aérienne est apparue comme le talon d’Achille le plus préoccupant.
Si certaines liaisons ont été rétablies, il subsiste quand même une dépendance excessive à la saisonnalité, accompagnée d’une faible densité de vols directs depuis des marchés secondaires européens et une connectivité domestique encore sous-optimisée par rapport à Marrakech ou Tanger. Et, en partant, plusieurs acteurs ont plaidé pour une stratégie proactive plus agressive à travers des packages davantage renforcés d’incitation aux compagnies aériennes, mutualisation des budgets région / CRT / hôteliers et implication directe des grands groupes touristiques locaux dans la négociation des lignes.
D’ailleurs , sans cette relance aérienne renforcée, toute stratégie marketing en général, aussi brillante soit-elle, restera partielle.
Autre enjeu soulevé avec lucidité a trait au déficit en animation culturelle structurée et permanente.
Si Agadir dispose d’infrastructures, d’espaces de promenade, de plages rénovées, le manque d’événements à forte identité, récurrents et exportables, limite la capacité de la destination à prolonger la durée moyenne de séjour, fidéliser certains profils de visiteurs (urbains, jeunes, CSP+) et à se différencier d’autres stations balnéaires uniformisées. Oui, en plus des festivals ponctuels, ce sont de véritables hubs culturels, créatifs et artistiques permanents qui y seraient les bienvenus via des lieux hybrides entre art, artisanat, musique, gastronomie et innovation locale.
L’Assemblée Générale a réaffirmé la mobilisation des institutions régionales en faveur du tourisme. Soutiens financiers, accompagnement stratégique, mise à niveau des infrastructures sachant que le discours politique est clair là-dessus.
Cependant, à l’heure où le Maroc rebat ses cartes touristiques nationales (Fez-Meknès en renouveau culturel, Dakhla en vitrine écologique, Tanger en hub créatif, Ouarzazate en cinétourisme et tourisme saharien), Agadir ne peut plus se contenter d’un repositionnement progressif.




