Les voyagistes marocains n’ont pas attendu trop longtemps pour crier à leur tour, eux qui sont les plus perdants des sévices pratiqués impunément par les plateformes de réservation, leur condamnation du dernier diktat de booking.com, sommant les hôteliers marocains de lui verser en euros les commissions dues pour les séjours des Marocains ayant réservé sur sa plateforme. La réaction indignée de la FNAAVM a fait, en effet, l’objet d’une correspondance adressée à Mme la Ministre du Tourisme, dans l’esprit de celle envoyée par la FNIH.
Cette double condamnation survient en plein contexte international tout aussi frondeur envers la plateforme qui a semble , à ce rythme, vouloir instaurer une mainmise tentaculaire sur l’industrie des voyages. Qu’à cela ne tienne chez les Turcs qui ne se laissent pas faire aussi facilement. Une fois de plus, ils ont été les plus rapides à être aussi expéditifs pour protéger l’entreprise touristique du pays, pour la bonne raison que « la jurisprudence de la réglementation Turque à ce sujet interdisant judiciairement à Booking de procéder aux réservations de produits en Turquie en faveur des résidents turcs est un exemple à transposer éventuellement au Maroc sous réserve d’une ferme volonté politique de notre gouvernement qui, à travers la Feuille de Route adoptée, exige une mobilisation générale mais aussi, par le truchement d’une réelle protection des chaines de valeur de notre tourisme de touteconcurrence déloyale attentatoire à leur prospérité », écrit Mohammed Semlali dans sa lettre à Mme la Ministre.
Une fois de plus, une conduite inspirante venant de Turquie pour les agences de voyages marocaines. Tout bonnement parce qu’il s’agit d’une application de la loi anti concurrence déloyale envers les agences de voyages en Turquie contre Booking pour ce qui est de l’offre de Resa des hébergements en Turquie pour les résidents Turques.
Pas de miracle, mais une stricte application de la loi tout simplement. Partant de là, on s’interroge pourquoi le Maroc, malgré l’alarme récurrente des voyagistes qui n’a toujours pas abouti! Où est ce qu’il est le soutien stratégique des autorités concernées qui n’arrivent plus à défendre la profession marocaine, champions de la politique du rien vu, rien entendu ? D’autant plus que « Cette exigence de Booking est consubstantielle d’un saignement gravissime et indu des réserves de changes de notre pays que la Banque du Maroc recadre avec détermination d’une part, mais également et surtout, elle constitue une réelle concurrence déloyale au secteur des Agences de Voyages nationales, soumises à des règles légales pour l’exercice de leur activité réglementée d’autre part », ajoute le Président de la FNAAVM.
La mainmise croissante de booking.com sur la réservation de l’hébergement qui perdure depuis plusieurs années déjà a fait perdre au tourisme national un flux estimé à des centaines de millions de dirhams de chiffre d’affaires qui transitaient par les agences en toute transparence et acquittement fiscal et, surtout, le rôle important en matière de création de l’emploi au Maroc. La situation devient alarmante : la profession, dans sa majorité, réalise comme business aujourd’hui, de moins en moins de réceptif de touristes étrangers, (vu la désintermédiation, plus de 80% de circuits en moins, plus de 90% de croisières en moins, plus de 50% de MICE international en moins, avec un tourisme religieux en chute de 50%, etc). N’est-ce pas une chute vertigineuse dont on ne voit pas le bout, si ce n’est la déclaration de forfait de la part des agences de voyages nationales?
C’est la désintégration de tout un segment moteur de la production et promotion des destinations touristiques qui meurt à petit feu, plongé dans un coma irréversible.
Mais où va-t-on donc ? Cet acte de guerre, interne et externe, déclaré aux agences de voyages marocaines précipite la chute de celles-ci, avec toutes les conséquences économiques et sociales indésirables que l’on sait.
Il faut savoir que la plateforme réalise en moyenne, selon un voyagiste, plus de 50 millions d’euros par an, pour ne pas dire plus, rien que pour ses opérations Maroc-Maroc. Cette importante somme payable en dirhams, et après déduction des 10% de commission des hôtels, est reversée en devises à booking.com. Légal ? Pas du tout. Il s’agit d’une fuite que seul l’Office des Changes en endosse la pleine responsabilité.
Solution miracle ? Logiquement, l’Office des Changes devrait tout simplement produire une note interdisant aux hôteliers l’envoi des règlements en devises encaissés en dirhams. Car il s’agit d’opération illégale. Mais quelle partie devrait faire le premier pas ? La FNAAVM ? L’Office des Changes ? Le ministère du Tourisme ? Les 3 à la fois.
Tout compte fait, si en Turquie la situation est relativement très favorable à un secteur prioritaire, avec ses obligations et expertises, chez nous on pratique malheureusement une politique Doing business, pour du Doing byby d’une économie inclusive en perte absolue.
Merci les dégâts!
Mais, au Maroc, c’est une autre paire de manche discréditant tout le circuit de l’opération de vente de séjour. En premier, ce sont les agences de voyages qui en pâtissent. En second lieu, une grande majorité sont tout bonnement sous le diktat du superpuissant « réserveur » en ligne, coupant l’herbe sous le pied aux agences de voyages question tarifs attractifs. Enfin, le courage béni de vendre des séjours aux Marocains au Maroc… Le comble de l’hérésie !
A quand le réveil et un vrai partenariat fondé entre les hôteliers et agents de voyages pour limiter les dégâts ?
Agissons tant qu’il est temps! Autrement, la Feuille de Route Tourisme perdrait de son aloi..