12 mars 2025

Voyages: Lecture du rapport de l’Office des Changes pour 2024

Le rapport de l’Office des Changes pour 2024 fournit, entre autres, des chiffres détaillés sur les flux des touristes à destination du Maroc et la croissance record des recettes touristiques, mais aussi une hausse accélérée des dépenses des Marocains à l’étranger. Bien sûr, cette dynamique soulève des enjeux majeurs pour l’économie nationale, notamment en matière de balance des paiements et de réserves de change.

Le rapport indique que les recettes de voyages ont atteint 112,5 milliards de dirhams (MDH) en 2024, soit une hausse de 7,5% par rapport à 2023. Cette progression est portée par plusieurs facteurs :

-L’augmentation des arrivées touristiques, grâce à des efforts de promotion et à une amélioration de la connectivité aérienne.

-L’essor du tourisme haut de gamme, qui contribue à une dépense moyenne plus élevée par visiteur.

-Une conjoncture économique favorable dans les marchés émetteurs, notamment en Europe et au Moyen-Orient, soutenant la capacité de dépense des touristes.

Cette croissance des recettes démontre clairement le rôle central du tourisme dans la génération de devises, renforçant ainsi la balance des paiements et les réserves de change du pays.

En parallèle, les dépenses des Marocains en voyage à l’étranger ont bondi de 22,9%, atteignant 29,4 milliards de dirhams. Ce rythme de croissance, nettement supérieur à celui des recettes, est attribuable à plusieurs éléments :

-L’augmentation des déplacements des Marocains à l’étranger, que ce soit pour les loisirs, les affaires, la formation ou les missions officielles.

-L’effet de l’inflation mondiale, rendant le coût des voyages plus élevé, notamment en Europe et en Amérique du Nord.

-Une libéralisation progressive des restrictions sur les transferts de devises, facilitant les paiements à l’international.

Cette montée des sorties de devises interroge sur son impact futur, notamment sur la stabilité des réserves de change et la dépendance du pays aux entrées touristiques.

Bien que toujours positif, il ressort du rapport que le solde de la balance des voyages n’a progressé que de 2,9%, atteignant 83,1 milliards de dirhams en 2024. Ce ralentissement s’explique par la croissance plus rapide des dépenses par rapport aux recettes. L’effet bénéfique du tourisme sur la balance des paiements demeure, mais l’écart entre recettes et dépenses se réduit. Si la tendance se poursuit, la contribution nette du secteur touristique pourrait s’affaiblir, nécessitant des ajustements stratégiques en matière de promotion touristique et de contrôle des sorties de devises.

Le rapport démontre aussi une évidence : le tourisme est un pilier essentiel des flux de devises. En 2024, les recettes de voyages ont représenté près de 41% des exportations de services, contribuant ainsi à atténuer le déficit commercial des biens, qui s’est creusé à 306,4 milliards de dirhams.

Cette performance souligne donc l’importance du secteur pour l’économie marocaine, tant en termes de création de richesse que de stabilisation des comptes extérieurs.

Par ailleurs, l’augmentation des dépenses des résidents à l’étranger soulève une double interrogation. D’abord, un risque pour la balance des paiements : Une augmentation prolongée des sorties de devises pourrait réduire l’excédent des comptes courants, impactant les réserves de change et la stabilité monétaire. Ensuite , la hausse des voyages des résidents peut aussi être perçue comme un signe de prospérité, reflétant une classe moyenne émergente et une ouverture croissante sur le monde.

L’enjeu est donc de trouver un équilibre entre stimulation du tourisme émetteur et préservation de la balance des paiements.

A la lecture de ce rapport, une question se pose quand même: Pourquoi la balance des voyages ne distingue-t-elle pas les destinations et motifs ? Actuellement, les statistiques officielles se limitent aux flux globaux (recettes et dépenses), sans distinction selon :

-Les destinations des voyages des résidents marocains (Europe, Asie, Amérique…).

-Le motif du déplacement (tourisme, affaires, études, mission officielle…).

-Le profil des voyageurs (âge, catégorie socioprofessionnelle…).

Cette absence de détail s’explique par plusieurs facteurs :

-Les limitations des sources de données : La balance des voyages repose sur les transactions bancaires et les flux de change, qui ne précisent pas toujours la destination ou l’objet de la dépense.

-Le manque d’enquêtes spécifiques : Peu d’études détaillées sont réalisées sur le comportement des voyageurs marocains à l’international.

-Les standards internationaux : Le Manuel de la balance des paiements du FMI privilégie une présentation simplifiée, axée sur les flux monétaires globaux.

Or, pour affiner l’analyse des voyages et optimiser les politiques économiques, les experts avertis pensent, en substance, qu’il serait pertinent de croiser les données de l’Office des Changes avec celles des autorités touristiques et des transporteurs (compagnies aériennes, agences de voyages, hôtels…). En même temps, ils recommandent d’exploiter les paiements électroniques et les transactions bancaires à l’étranger pour identifier les tendances de consommation des voyageurs marocains et mettre en place des enquêtes régulières auprès des voyageurs, afin d’analyser leurs profils et leurs motivations.

En fait, l’amélioration de la granularité des données permettrait de mieux comprendre les dynamiques des voyages et d’orienter les décisions en matière de politique monétaire et touristique.

Certes, l’analyse de la balance des voyages en 2024 met en évidence une dynamique positive des recettes touristiques, confirmant le rôle clé du secteur dans l’économie nationale. Cependant, la hausse accélérée des dépenses des résidents à l’étranger pose des défis pour la balance des paiements, réduisant l’impact net du tourisme sur les réserves de change.

Par ailleurs, l’absence de données détaillées sur les destinations et motifs des voyages limite l’analyse des tendances et complique la prise de décision. Une meilleure exploitation des sources de données permettrait d’adopter une approche plus fine, favorisant une gestion plus équilibrée des flux touristiques et financiers.

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