Hier mercredi 3 septembre 2025, l’ONMT) ouvrait en matinée, au Four Seasons Casablanca, une concertation nationale avec la CNT et l’ensemble des acteurs de l’écosystème. Objectif? transformer la destination Maroc, déjà attractive, en une marque mondiale de référence, en s’appuyant sur quatre axes de valeur structurants: aérien, distribution, image et digitalisation pour conforter l’ambition nationale chiffrée de dépasser 26 millions de visiteurs et se hisser dans le Top 15 mondial d’ici 2030. Cette ambition, traduite par le slogan « Strong à Strongher », traduit autant une montée en puissance qu’un appel à l’efficacité collective en marche.
L’intérêt de cette démarche réside dans une volonté prouvée de changer de gouvernance et de posture opérationnelle. L’ONMT et la CNT parlent désormais de co-développement, non plus juxtaposer des approches, méthodes et démarches, mais co-construire des priorités porteuses, partager les diagnostics dans le transparence et coordonner finalement et, surtout, les budgets. L’accent est mis sur des livrables mesurables, qu’il s’agisse de nouvelles routes aériennes, de deals de distribution ou de campagnes digitales, plutôt que sur des annonces génériques. Ainsi, la stratégie se structure en programmes dotés de KPI trimestriels, ce qui introduit une logique d’exécution continue.
Cette volonté d’alignement intervient à un moment charnière. Le Maroc a enregistré en 2024 un record de 17,4 millions de visiteurs (+20 % par rapport à 2023), confirmant la robustesse de la demande. Mais l’étape suivante est plus exigeante : atteindre 26 millions de touristes et générer 120 milliards de dirhams de recettes dès 2026, tout en créant 200 000 emplois et en préparant l’échéance de la Coupe du monde 2030. C’est possible, pourquoi pas ? Néanmoins , ces objectifs exigent d’articuler finement la montée en capacité (aéroports, hôtellerie, services) avec l’intensification des efforts de promotion et de distribution.
Le premier axe est aérien. Le plan aéroportuaire 2025–2030, doté de 38 milliards de dirhams, doit accroître, certes, la capacité (extensions à Casablanca, Marrakech, Agadir, Tanger, Fez) mais aussi fluidifier l’expérience passager grâce à la biométrie et à la réduction des délais d’attente. Dans le ciel, l’ambition est de doubler le nombre de sièges à l’horizon 2030, avec des ouvertures ciblées comme la ligne Newark–Marrakech de United Airlines, qui connecte directement le Maroc au marché nord-américain.
Mais le défi, en plus qu’il soit quantitatif est de sélectionner une douzaine de routes prioritaires (New York/Chicago, Londres, Paris, Madrid, Francfort, Milan…), de bâtir des contrats de partage de risque avec les compagnies et de veiller à ce que chaque siège ouvert corresponde à une demande solvable (MICE, séjours longs, city-breaks) et non à une surcapacité saisonnière. En clair : croître, mais croître intelligemment.
Sans un contrôle renforcé de la distribution, le pari aérien resterait incomplet. L’ONMT a déjà lancé des partenariats co-financés avec des acteurs comme Jet2 ou Expedia, cependant l’enjeu est désormais de basculer vers des deals “outcome-based” dépassant les approches de visibilité pour rémunérer plutôt la performance en termes de parts de marché, de nuitées additionnelles ou de séjours désaisonnalisés. Cela implique de travailler différemment avec les OTAs (Booking, Expedia, Trip.com) et les tour-opérateurs, en proposant des produits combinés (ex. Marrakech + Agadir, 7–10 nuits) et en ciblant aussi les segments diasporas, très fidèles mais encore sous-exploités.
L’autre bataille se joue sur le terrain symbolique. La campagne « Morocco, Land of Light » a déjà permis d’installer une identité claire, mais elle doit désormais se décliner en storylines sectorielles comme le surf, la randonnée, les arts, le luxe discret, le MICE… Du moment que chaque filière peut générer ses propres récits et contenus, distribués via un « content factory » mutualisé avec les régions et les délégations du tourisme. La Coupe du monde 2030 devient ici un catalyseur où un programme « Road to 2030 » permettrait d’associer l’image du Maroc à l’excitation mondiale autour du football, tout en ancrant la destination comme lieu de séjour et non simple hôte d’événement.
L’expérience numérique complète le dispositif. L’extension du visa électronique à de nouvelles nationalités, avec un délai d’obtention visé à moins de 24 heures, supprime une barrière majeure à la conversion. Dans les aéroports, le déploiement d’e-gates biométriques devient un message marketing en soi : « Welcome, fast & easy ». Parallèlement, la mise en place d’une plateforme data unifiée (CDP) doit permettre de mieux cibler, d’optimiser les budgets médias et de piloter en temps réel le retour sur investissement par marché. Ici encore, la fluidité opérationnelle devient un atout de compétitivité perçu par le voyageur.
Si la trajectoire est dorénavant balisée, plusieurs risques doivent être anticipés : une désynchronisation entre sièges aériens et capacité hôtelière, une saisonnalité persistante qui laisse des mois creux malgré la croissance et des tensions possibles sur la qualité de service (files d’attente toujours omniprésentes à Casablanca et Marrakech, un grand nombre d’hôtels approximatifs, satisfaction client minimaliste). La solution passe par des mécanismes précis et plan de communication de crise éventuelle prêt à activer. La crédibilité du Maroc sur son objectif « Strongher » dépendra justement de sa capacité à répondre vite à ces fragilités.
Bon gré mal gré, cette concertation ONMT–CNT ouvre une perspective inédite d’un pilotage intégré du tourisme marocain, combinant infrastructures, promotion, distribution et expérience digitale. Mais l’ambition ne se réalisera que si elle s’accompagne d’une discipline d’exécution via la priorisation route par route, contrats mesurés sur résultats, suivi de satisfaction temps réel. Le Maroc dispose aujourd’hui d’un momentum rare, nourri par ses performances 2024 et par l’horizon 2030. Reste à convertir cette dynamique en puissance continue, en montrant que l’on peut passer du slogan « Strong » à la réalité « Strongher ».




