Toujours aussi perspicace dans ses propos, pertinent dans son analyse des conjonctures touristiques et professionnelles, même les plus menues qui soient, Said Scally, l’une des figures de proue du tourisme marocain, demeure néanmoins d’approche aisée, malgré la profondeur de sa vision. Humilité et grandeur du personnage qui le portent en estime, d’ailleurs, chez le collectif professionnel. S’il est, parfois, perçu comme un trublion de l’ordre établi, il cultive néanmoins une adoration extrême de la destination Agadir envers laquelle il affiche beaucoup de reconnaissance, «une ville qui m’a tant donné», se plaît-il toujours à dire dans un leitmotiv redondant et sincère.
Véritable mémoire vivante du tourisme marocain, il s’avère intarissable en infos qui ne courent pas les rues, rendant la discussion avec lui un rare moment de privilège. A aucun instant, on ne sent qu’il vous mène en bateau pour « passer » un message lucratif. Nous avons pu nous en rendre compte en découvrant à travers son pressenti général sur différents axes de développement du tourisme au Maroc en toute transparence. Mais comme on pouvait s’y attendre, priorité à Agadir avec ses hauts et ses bas…
A bâtons rompus, il a bien voulu nous donner sa version sur ce qui marche et sur ce qui ne marche pas.
Convaincu que le tourisme peut être un acteur incontournable de développement, l’Etat l’a érigé en secteur stratégique à travers une Feuille de Route Tourisme dédiée. Quelle appréciation en feriez-vous, d’abord, en termes de Plan de Développement et de son opérationnalité régionale ?
Je confirme, si besoin est, que le Maroc est un pays à VOCATION touristique. C’est une évidence: Tous les Marocains, de tous bords et âges (comme d’ailleurs pour le football) sont devenus, en quelque sorte, spécialisés dans le tourisme et demeurent unanimes que le Tourisme est un important vecteur pour le développement économique et social. Ceci dit, il faut admettre, et ce pour la énième fois, que l’Etat a réellement érigé le Tourisme en secteur stratégique, d’abord à travers des plans de développement, puis via deux visions stratégiques et, actuellement, en feuille de route. Je ne vous cache pas que j’ai mon idée là-dessus et espère me tromper, Mais il faudra attendre fin 2024 pour apprécier ou juger la feuille de route dans sa globalité (pas dans les secrets de Dieu). Par contre, permettez-moi de dire avec certitude que la destination Agadir ne sera pas bien au rendez-vous des réalisations de sa quote-part en 2027. Ni en capacité litière, ni non plus en capacité sièges et nombre de vols, au même titre que le transport touristique (Bref, tout l’écosystème touristique pour Agadir).
Que de temps n’a t-on passé, depuis 1976, de parler d’Agadir et de son arrière-pays, de Tiznit, de Taroudant, etc. En fait, de tout l’arrière-pays de cette belle et riche région de Souss Massa. C’est à ne rien comprendre : Agadir qui avait placé le Maroc à elle seule sur l’échiquier européen, voire International durant 30 ans, est en stagnation, pour ne pas dire en régression depuis 2008. Sachant que le marché national ne trouve toujours pas sa place ….
Mais comment expliquez-vous que l’on continue toujours à contester de part et d’autre les chances de « réussite » de la feuille, sachant que certains professionnels n’hésitent pas à déclarer qu’elle est une redite du même discours qui prévalait en 1976 déjà ?
La Feuille de route nous » condamne » à l’espoir malgré la constance des discours. Et si cette fois ce n’est pas un échec avec des objectifs à atteindre en 2027 à 65%, voire 70%. Ça serait une réponse aux détracteurs et une réussite pour les vieux professionnels qui espèrent mais qui n’y croient plus..
Pouvez-vous nous évoquer des épisodes historiques d’émancipation de l’industrie touristique marocaine et les moyens mis pour cette émancipation justement ?
L’émancipation au Maroc est planifiée, cyclique et mouvante. Dans les années 70, l’Etat a décidé de mettre les moyens et de soutenir le balnéaire à Agadir, Smir, Al-Hoceima. En 90, c’était au tour de Marrakech et Ouarzazate. En 2010, cap sur Tanger, Mdiq, Saidia et Dakhla.
Revenons, si vous le voulez bien, à la stratégie de l’Etat en matière de tourisme. Il y a vision 2010 avec son lot de réussites et d’échecs, puis vision 2020 alors que la plupart des chantiers évoqués dans la précédente n’ont pas été menés et, aujourd’hui, la Feuille de Route Tourisme. Quelle lecture en faîtes-vous ? Vision 2020 était-elle née pour corriger les erreurs de son aînée ? La feuille de route même chose pour réorienter la stratégie de l’Etat?
Vision 2020 se voulait de réparer, comme vous le précisez, l’échec de 2010 qui a fait disparaître Agadir de l’échiquier européen. Vision 2020 a eu 3 ministres qui voulaient en être le correcteur et le parrain avec le One man Show de la vision 2010. Il n’en fut rien. La feuille de route pour réorienter la stratégie de l’Etat, Oui et égoïstement tant mieux, « le paquet » est mis sur Agadir et la Région Souss Massa. Je ne vais pas m’en plaindre. Par contre, mon espoir est de voir la capacité litière d’Agadir passer à 200.000 lits, reprendre sa place de Station Balnéaire et leader du développement Touristique du Maroc. Il y a à faire et c’est possible!
Quelle appréciation feriez-vous de la symbiose interprofessionnelle actuelle, surtout au niveau associatif ?
Pour ce qui est du fonctionnement sain des associations, il est impératif que les pouvoirs publics s’y impliquent sérieusement, en mouillant la chemise dans l’objectif sincère de remise un peu d’ordre, en commençant par la mise à jour des statuts des CRTs et en mettant fin au cumul des mandats, également de l’ordre dans les CPTs, l’exigence statutaire de tenue des assemblées générales électives non tenues depuis 2020. Il faut profiter de la volonté de ce Gouvernement pour s’impliquer plus dans l’organisation du secteur privé pour accompagner leurs propres efforts en relation avec la feuille de route Bref, une chance à saisir !
À défaut, le « bateau ivre » va poursuivre sa dérive et les mauvaises pratiques continuer de s’enraciner de plus belle. Je suis persuadé que ce Gouvernement a envie de bien faire. Il faut donc tenter de contribuer à l’orienter pour ce qui est de notre secteur. Avec toute la sincérité et la modestie requises.
Question relax : où comptez-vous passer vos vacances ?
J’essaie de faire un mixte pour mes vacances, comme je suis un retraité « Actif « , sur Nueva Andalucia, Côte d’Azur et, au pic d’août, à Stockholm. Un peu de méditerranée comme on l’aime. Mais, croyez-moi, rien de plus beau et de plus reposant que la Suède en août…