L’industrie touristique constitue un levier économique stratégique pour de nombreux pays, en particulier ceux d’Afrique du Nord, où le secteur représente une part significative du PIB
L’analyse des recettes touristiques du Maroc, de l’Égypte et de la Tunisie sur la période 2019-2024 révèle des dynamiques contrastées, fortement influencées par la crise du COVID-19 et les stratégies de relance adoptées.
L’année 2020 marque un effondrement brutal des recettes touristiques sous l’effet des restrictions sanitaires et de la fermeture des frontières. L’Égypte, leader régional en termes de revenus touristiques en 2019 avec 14,3 milliards de dollars, chute à 4,1 milliards en 2020. De son côté, le Maroc passe de 8,15 milliards en 2019 à 3,9 milliards en 2020, tandis que la Tunisie enregistre une contraction encore plus sévère, passant de 2 milliards à seulement 0,71 milliard.
En 2021, la reprise reste timide, avec des recettes quasi stagnantes pour le Maroc (3,8 milliards) et la Tunisie (1,07 milliard), tandis que l’Égypte amorce un rebond plus marqué (9 milliards), signe de la reprise rapide de son attractivité.
L’année 2022 marque un tournant décisif, avec une remontée spectaculaire des revenus touristiques. Le Maroc enregistre une progression significative (9,2 milliards de dollars), signe d’une politique efficace de relance, portée par une meilleure connectivité aérienne et des campagnes de promotion ciblées. L’Égypte, quant à elle, franchit un nouveau cap avec 10,7 milliards, consolidant sa position de leader, tandis que la Tunisie affiche une reprise plus lente avec 1,8 milliard, illustrant une dépendance plus marquée aux marchés européens encore en convalescence.
En 2023, la dynamique se confirme avec des niveaux dépassant ceux d’avant-crise. L’Égypte atteint un record de 14,9 milliards de dollars, dépassant ses performances de 2019, tandis que le Maroc poursuit sa croissance à 10,5 milliards. La Tunisie, bien que toujours en retrait, améliore sa position avec 2,14 milliards.
Les chiffres de 2024 indiquent une consolidation des tendances observées. L’Égypte maintient un niveau élevé avec 14,8 milliards de dollars, confirmant son attractivité et sa capacité à capter les flux touristiques internationaux. Le Maroc, en progression continue, atteint 11 milliards, signe d’une diversification réussie de son offre (tourisme culturel, MICE, et luxe expérientiel). La Tunisie, bien que toujours en retard, enregistre une légère progression à 2,41 milliards, ce qui reste insuffisant pour rivaliser avec ses voisins.
Plusieurs éléments expliquent ces différences de trajectoires :
-Stratégies de relance et diversification de l’offre : Le Maroc a su capitaliser sur des campagnes comme Maroc, Terre de Lumière, misant sur le digital et le storytelling expérientiel. L’Égypte, grâce à ses sites iconiques (Pyramides, temples de Louxor), a bénéficié d’une demande structurelle forte. La Tunisie, en revanche, peine à diversifier son offre et reste dépendante du tourisme balnéaire.
-Connectivité aérienne : L’Égypte et le Maroc disposent de meilleures connexions internationales, facilitant le retour des touristes. La Tunisie souffre d’un réseau aérien moins dense et de l’absence de vols directs avec certains marchés émetteurs clés.
-Stabilité géopolitique et perception sécuritaire : L’Égypte a su rassurer les visiteurs malgré des tensions régionales, tandis que le Maroc bénéficie d’une image stable. La Tunisie reste pénalisée par une perception de risques liés à la sécurité.
Si la croissance des recettes touristiques semble se stabiliser en 2024, plusieurs défis restent à relever pour maintenir cette dynamique :
-Investissements dans l’aérien : Le Maroc et la Tunisie doivent renforcer leur connectivité, notamment vers les marchés asiatiques en pleine expansion.
-Montée en gamme de l’offre : L’attractivité du segment luxe et MICE est un levier clé pour capter une clientèle à forte valeur ajoutée.
-Digitalisation et promotion ciblée : L’usage de la data science et des plateformes numériques sera déterminant pour personnaliser l’expérience touristique.
Ceci dit, l’analyse des recettes touristiques en Afrique du Nord entre 2019 et 2024 met en lumière des dynamiques contrastées : l’Égypte demeure en bonne place, le Maroc affiche une croissance soutenue et ambitieuse, tandis que la Tunisie peine à retrouver sa place. L’avenir dépendra de la capacité des acteurs à innover et à répondre aux nouvelles attentes des voyageurs. Cela en dit long sur les défis qui demeurent.
Nous restons une destination guidée par les prix, un positionnement qui mérite d’être repensé. Un vaste chantier dont on parle trop peu. Nous avons remporté la bataille du volume ; reste à conquérir celle de la valeur unitaire et, par conséquent, de la rentabilité.