Comme prévu, l’ONMT a organisé, hier 7 mai à l’hôtel Marriott de Rabat un séminaire de haut niveau, animé par un expert senior de l’agence CBISN – partenaire officiel de l’Office et acteur majeur du marketing touristique chinois.
Le workshop de Rabat représente la deuxième étape d’un dispositif structuré. Après un audit rigoureux réalisé par l’ONMT sur les principales villes touristiques marocaines (Casablanca, Rabat, Fez, Marrakech, Chefchaouen, Erfoud et Ouarzazate), le séminaire est destiné à former les opérateurs marocains aux dynamiques du marché chinois et ses exigences pratiques: comportements des consommateurs, leviers de croissance, exigences culturelles et bonnes pratiques pour établir des relations commerciales porteuses. D’ailleurs, une plateforme de formation permet aux participants de bénéficier d’une veille stratégique pendant 12 mois.

L’objectif est clair : doter les professionnels marocains – DMCs, hôteliers, agences réceptives, institutions – des outils nécessaires pour obtenir le label China Ready, gage de crédibilité et de compétitivité auprès des acteurs touristiques chinois.
Le programme culminera par un événement Trade de grande ampleur organisé au Maroc. Il réunira une soixantaine d’agences de voyage chinoises sélectionnées, dans le but de stimuler les partenariats B2B avec les opérateurs marocains et de consolider la position du Maroc comme destination incontournable pour les touristes chinois à l’horizon 2025.
Le programme “China Ready”, développé par CBISN et lancé dans 50 pays depuis 2002, a pour objectif d’accompagner les destinations touristiques dans leur adaptation aux attentes spécifiques des visiteurs chinois. Reconnue par le Ministère chinois de la Culture et du Tourisme, CBISN est l’unique agence mandatée pour exécuter des projets d’envergure comme l’Année du Tourisme, initiative étatique stratégique de la Chine. Grâce à une expertise consolidée, CBISN joue un rôle crucial dans l’accompagnement des destinations souhaitant attirer le marché chinois.
Par cette initiative ambitieuse, l’ONMT affirme sa volonté de s’inscrire dans une stratégie proactive et ciblée, anticipant la réouverture complète du marché chinois et consolidant la présence du Maroc dans le paysage touristique asiatique
En effet, le programme « China Ready » certifie les destinations capables d’offrir un environnement adapté aux besoins culturels, comportementaux et technologiques du marché chinois. Il implique un processus rigoureux composé de recherches ciblées, d’ateliers de formation et d’évaluations, garantissant un accueil fluide et conforme aux usages du visiteur chinois -comme l’acceptation de la carte UnionPay ou la disponibilité d’informations dans la langue du voyageur.
Cette démarche implique de facto une compréhension fine du marché chinois, de son exigence en matière d’expérience client, de sécurité et de personnalisation. Elle témoigne également d’un engagement à long terme de l’ONMT en faveur d’un repositionnement stratégique sur les marchés asiatiques à forte croissance.
Le marché touristique chinois, premier émetteur mondial avec 155 millions de voyages internationaux en 2019, affiche un net rebond depuis la levée des restrictions sanitaires. Après un creux en 2022 (27 979 arrivées), les visiteurs chinois au Maroc ont atteint près de 60 000 en 2023, et plus de 100 000 en 2024, soit une hausse annuelle de près de 78 %. Cette dynamique s’est renforcée début 2025 grâce à la réouverture de la ligne Casablanca-Pékin par Royal Air Maroc et à l’inauguration de la liaison directe Shanghai-Casablanca opérée par China Eastern Airlines.
Cette meilleure connectivité vient soutenir les ambitions de l’ONMT, qui vise un retour aux niveaux pré-Covid dès 2025 (140 000 à 150 000 touristes chinois) et un doublement de ce chiffre à l’horizon 2030. À condition d’élargir encore le réseau aérien avec de nouveaux partenariats chinois, le seuil des 500 000 arrivées annuelles pourrait devenir un objectif réaliste.

C’est vrai. L’ONMT oriente résolument sa stratégie vers les segments à forte valeur ajoutée : tourisme de luxe, circuits sur mesure, petits groupes à la recherche d’authenticité. Ce repositionnement répond aux tendances dominantes du marché chinois, où ses touristes recherchent des expériences culturelles exclusives, loin du tourisme de masse. Selon une étude commandée par l’ONMT, 44 % des touristes chinois expriment un intérêt réel pour le Maroc, signalant une marge de croissance significative si l’offre continue à se différencier qualitativement.
Le label « China Ready », outil de visibilité certes, devient un levier structurant pour orienter l’ensemble de la chaîne de valeur touristique marocaine vers une approche client plus affinée. En incitant les acteurs du secteur -hôteliers, restaurateurs, agences, guides- à s’adapter aux codes chinois, il stimule un mouvement global de montée en gamme.
Cette certification s’inscrit également dans une logique de diplomatie touristique. Elle traduit une volonté d’approfondir les relations sino-marocaines par le biais du tourisme, en s’appuyant sur des mécanismes d’influence culturelle et économique. Le Maroc se montre , à ce niveau, agile, capable de comprendre et d’intégrer les normes spécifiques d’un marché complexe et exigeant.
En multipliant les actions de promotion sur le terrain -roadshow en février 2025, participation à ITB China, partenariats avec Ctrip, Douyin ou WeChat-, l’ONMT adopte une stratégie marketing sophistiquée, intégrant les spécificités numériques et comportementales du public chinois.
D’ailleurs, l’engagement du Maroc dans le programme « China Ready » reflète une ambition claire : faire du Royaume une destination de référence sur le marché chinois, en conjuguant excellence opérationnelle, compréhension culturelle et innovation marketing. Dans un contexte international où le tourisme devient un vecteur de puissance douce et un levier de développement durable, cette bonification situe le Maroc à l’avant-garde des destinations africaines prêtes à capter les nouveaux flux asiatiques, à l’intersection du tourisme, de la diplomatie économique et de l’influence culturelle. C’est un signal fort à l’adresse des décideurs chinois : le Maroc est prêt, professionnellement, culturellement et structurellement. Résolument tourné vers l’Asie, il entend jouer un rôle de premier plan dans la redéfinition des cartes du tourisme mondial.
Malgré les bonnes intentions que l’on peut formuler envers le marché chinois au Maroc, on ne peut pas passer sous silence les difficultés rencontrées par les touristes chinois. Un des principaux obstacles est la prédominance des agences et guides chinois non officiels, souvent installés au Maroc, qui opèrent sans licences ni contrats légaux. Ceci, en l’absence de guides marocains formés en langue chnoise, tel qu’avait été promis par l’ex-ministre du Tourisme Nadia Fettah. Ces faux guides, parfois commerçants reconvertis, monopolisent la gestion des groupes touristiques, ce qui nuit aux agences marocaines officielles et à l’économie locale. Leur présence crée un climat d’insécurité et de méfiance, avec des pratiques illégales telles que, rapporte t-on souvent, l’usage de permis de conduire falsifiés et des paiements hors circuit économique marocain, notamment via l’application WeChat.
Enseignement : Le déficit de guides marocains maîtrisant le mandarin est un frein majeur. Actuellement, seuls une trentaine de guides parlent mandarin, dont une dizaine sont actifs, ce qui est insuffisant face à la demande croissante. Cette insuffisance complique la prise en charge des touristes chinois, qui sont exigeants et préfèrent souvent des guides parlant leur langue, poussant certains guides locaux à travailler avec d’autres nationalités.
Les infrastructures, notamment les hôtels et restaurants, manquent souvent de capacité et d’adaptation aux besoins spécifiques des touristes chinois. Il y a aussi, et c’est là un moindre mal, un manque flagrant d’affichage en chinois dans les aéroports. Egalement les prix élevés des billets d’entrée aux sites historiques dissuadent certains organisateurs d’inclure ces visites, ce qui limite l’expérience touristique culturelle, très recherchée par cette clientèle. Les touristes chinois sont principalement attirés par le tourisme culturel, recherchant un patrimoine historique riche et une nature diverse. Ils sont généralement dépensiers et moins enclins à négocier les prix, mais attendent un service de qualité avec un accompagnement linguistique adapté.
L’ONMT fait ce qu’il peut en déployant une stratégie marketing spécifique pour ce marché, incluant des partenariats avec des agences chinoises en ligne et la formation de guides au mandarin via des instituts Confucius. Mais sur le terrain ???
Malgré donc une dynamique encourageante, le défi pour le Maroc est de professionnaliser ce secteur pour capter pleinement ce marché à fort potentie




