11 juillet 2025

Partenariat « mesuré » entre l’ONMT et China Eastern

La signature, hier 30 juin 2025, du protocole d’accord entre l’Office National Marocain du Tourisme et la compagnie China Eastern Airlines soulève des enjeux structurants vraisemblablement motivés par la sortie d’une logique eurocentrée. Le marché chinois, avec ses plus de 100 millions de voyageurs internationaux par an et ses fortes capacités de dépense, constitue une grande niche pour toute destination désireuse de diversifier sa clientèle. Pourquoi pas le Maroc pourvu qu’il prenne sa part du gâteau !

Justement, l’accord avec China Eastern, compagnie classée parmi les plus puissantes au monde (plus de 820 appareils, 1000 routes), s’inscrit bien sûr dans une logique de « diplomatie aérienne » proactive, où l’accès au ciel chinois devient un enjeu de souveraineté économique touristique. De plus, cette démarche vient consolider la présence marocaine en Chine, amorcée depuis plusieurs années, mais jusqu’ici freinée par une connectivité insuffisante et une offre peu adaptée aux exigences du marché asiatique.

Le lancement en janvier 2025 de la ligne Shanghai-Casablanca via Marseille, suivi dès octobre 2025 par une liaison directe trihebdomadaire entre ces deux grandes métropoles, constitue l’élément pivot de l’accord. Cette route de Shanghai, pôle économique important et centre de gravité de la classe moyenne chinoise émergente, génère un trafic sortant potentiellement supérieur à celui de Pékin, où la RAM opère déjà une liaison directe.

Ce doublement de la desserte permet une meilleure visibilité du Maroc sur les plateformes de réservation chinoises et représente aussi un gain en compétitivité face à d’autres destinations concurrentes comme l’Égypte, la Turquie ou les Émirats, qui ont investi massivement dans la captation du tourisme chinois.

Le mémorandum d’entente prévoit une série d’initiatives marketing conjointes, allant de campagnes promo sur les réseaux chinois à l’accueil de voyages de presse spécialisés. Mais au-delà de l’outillage promotionnel, c’est l’adéquation de l’offre touristique marocaine aux codes culturels et aux habitudes de consommation chinoises qui déterminera le succès de la stratégie.

Des études récentes (ex. Dragon Trail, 2024) soulignent que les touristes chinois recherchent des expériences uniques, orientées vers la culture, le luxe discret et la sécurité. Le Maroc devra donc adapter ses circuits, former ses professionnels à la langue (on n’entend plus parler de l’Institut Confucius destiné à l’apprentissage du mandarin) et aux usages, et surtout offrir une hospitalité contextualisée, sans céder à une folklorisation réductrice.

Ce branle-bas de combat mené par l’ONMT affiche une ambition claire et légitime: atteindre 1 million de visiteurs chinois à l’horizon 2030. Si cet objectif est réalisable d’un point de vue quantitatif -compte tenu des volumes sortants chinois- il suppose une transformation en profondeur de l’écosystème touristique marocain. Cela inclut la montée en gamme de l’hébergement, notamment dans les villes impériales et circuits sahariens, la création de produits touristiques thématiques traduits et adaptés aux canaux chinois (WeChat, Ctrip, Mafengwo) et l’assouplissement des procédures d’entrée, avec une réflexion sur la politique de visas groupés ou électroniques.

À ce jour, la part de marché chinoise reste marginale au Maroc, avec moins de 150 000 visiteurs annuels. Le passage au million suppose tout de même un effort de structuration bien au-delà des campagnes marketing.

On pourrait être même tenté de dire que ce partenariat ONMT-China Eastern doit être perçu comme une mise à l’épreuve de la capacité marocaine à capter une clientèle exigeante et volatile qui ne peut aboutir que par une gouvernance bilatérale solide entre l’ONMT, les transporteurs, les agences DMC marocaines et les opérateurs touristiques locaux. Un suivi rigoureux des performances via des KPIs transparents (taux de remplissage, panier moyen, taux de satisfaction) doit lui aussi être à l’ordre du jour. Un engagement réel du secteur privé marocain, souvent frileux face aux risques perçus du marché asiatique, devrait également constituer l’un des tours de table…

Le pari consiste, en fin de compte, à transformer l’expérience touristique marocaine en un produit désirable pour un public dont les références, les imaginaires et les exigences sont fondamentalement différents. Ce défi ne pourra être relevé que si les ambitions affichées s’accompagnent d’une exécution rigoureuse, d’une offre calibrée, et d’un engagement collectif à long terme.

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