Du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026, le Maroc accueillera la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Avec 24 équipes qualifiées, ce tournoi s’annonce favorable aussi pour l’économie touristique de notre pays. Pourtant, alors que les enjeux logistiques et financiers sont considérables, aucune étude d’impact officielle n’a jusqu’ici encore été publiée ni par la CAF, ni non plus par la FRMF ou l’ONMT. Ce silence contraste avec l’ampleur de l’événement et confère aux observations de terrain une importance accrue.
Seul compte dans l’équation cette espèce de maillage territorial pensé comme vitrine nationale. C’est tout !
On convient que le dispositif retenu révèle une volonté claire de transformer la compétition en outil de valorisation régionale. Les matchs se répartiront dans six villes et neuf stades, avec une logique qui dépasse la simple répartition sportive. Rabat, hôte du match d’ouverture (Maroc–Comores) et de la finale au Complexe Prince Moulay Abdellah, démontre le rôle institutionnel. Casablanca, dotée du mythique stade Mohammed V mais limitée à cinq matchs de poules, devient avant tout un hub logistique et hôtelier, axé central incontournable pour la circulation des équipes et des visiteurs.
Autour de ce noyau, Tanger, Marrakech, Agadir et Fez prolongent la carte sportive. Leur choix est forcément pragmatique et adapté: Tanger profite du TGV et de sa proximité européenne, Marrakech combine attractivité touristique et hospitalité, Agadir mise sur son climat océanique, tandis que Fez joue la carte du patrimoine culturel. Même l’attribution des camps de base s’inscrit dans cette logique. En effet, Casablanca concentre le Maroc, le Sénégal et la RD Congo, tandis que Rabat accueille l’Égypte et le Cameroun, alors qu’Agadir loge la Côte d’Ivoire et le Mali. Pour les autres équipes (Algérie, Nigeria, Ghana), elles sont réparties entre Marrakech, Tanger et Fez. L’organisation a donc choisi de faire de la CAN un kaléidoscope de la diversité marocaine.
L’ONMT avance le chiffre de 500 000 visiteurs pour la durée du tournoi. Si ce volume paraît ambitieux et apparemment justifié, il repose sur des tendances observées lors de la CAN 2023 et sur la position géographique du Maroc. Près de 300 000 à 350 000 supporters africains sont attendus, dont 150 000 directement liés aux sélections qualifiées. À cela s’ajoute une diaspora africaine et marocaine en Europe particulièrement active, estimée à 200 000 voyageurs grâce aux liaisons low-cost. Enfin, les campagnes de communication Maroc, Terre de Football menées à Paris, Bruxelles, Madrid, Londres et Milan devraient séduire 50 000 à 70 000 Européens supplémentaires, curieux d’associer sport et tourisme de fin d’année.
Les compagnies aériennes adaptent déjà leur offre : Ryanair, EasyJet et Air Arabia multiplient les vols vers Casablanca, Marrakech et Tanger, tandis que Royal Air Maroc et Ethiopian Airlines renforcent les liaisons avec Dakar, Abidjan et Nairobi. L’ensemble représente 30 % de sièges supplémentaires, ce qui permettra d’absorber la demande, en particulier pendant les fêtes de Noël et du Nouvel An.
Sans doute, la CAN constitue une manne financière estimée à plus de 70 millions d’euros d’injection directe. Les calculs reposent sur une dépense moyenne de 90 à 140 € par visiteur et par jour. C’est-à-dire, entre 40 et 120 € pour l’hébergement selon la catégorie, 30 à 50 € pour la restauration et le transport, et 20 à 30 € pour la billetterie et les loisirs.
Cela représente entre 1,5 et 2 millions de nuitées, avec des taux d’occupation proches de 95 % à Casablanca, Rabat et Marrakech. Dans les autres villes, comme Fez ou Agadir, le remplissage devrait avoisiner 80 %, soutenu par les locations saisonnières et plateformes comme Airbnb, devenues, faut-il admettre, essentielles pour absorber le surplus.
Cependant, la question de la répartition des flux mettra certainement à l’épreuve l’équilibre régional. Casablanca concentre déjà la connectivité aérienne et ferroviaire, mais comment les villes hôtes devront réussir à capter et retenir une partie de cette demande pour transformer l’événement en retombées locales durables? Là est toute la question !
Il est clair que Casablanca est au cœur de la stratégie de communication. Le Conseil Régional du Tourisme de Casablanca-Settat, en partenariat avec l’ONMT, développe une approche combinant hospitalité et innovation : opérations “City Host” pour accueillir les supporters dans les gares et aéroports, forfaits “CAN Experience” qui associent hébergement, billets de match et transport en train et un programme d’événements culturels et musicaux pour prolonger l’expérience.
Cette intégration repose sur une infrastructure solide. Le réseau ferroviaire à grande vitesse, reliant Casablanca à Tanger en 2h15 et bientôt à Marrakech, constitue l’ossature des flux. L’autoroute et les dessertes régionales complètent cette maille, permettant aux visiteurs de circuler entre villes sans engorgement majeur.
Une mobilisation pragmatique formidable face à l’absence d’études officielles…
L’un des paradoxes de la CAN 2025 réside dans le manque d’études prévisionnelles rendues publiques. Ni la CAF, ni la FRMF, ni l’ONMT n’ont diffusé de rapport détaillé sur l’impact économique attendu. Ce déficit de planification contraste avec les pratiques observées lors d’événements similaires en Europe.
Pour autant, les acteurs locaux ne restent pas inactifs. La délégation du Tourisme de Casablanca, par exemple, insiste sur une stratégie fondée sur des partenariats concrets avec les compagnies aériennes, les opérateurs hôteliers et les institutions sportives. Plutôt que de publier des modèles théoriques, ils misent sur l’agilité et l’adaptation en temps réel, privilégiant l’efficacité à la communication institutionnelle.
La CAN 2025 dépasse ainsi le cadre d’une compétition sportive. Pour le Maroc, il s’agit d’un test logistique et touristique en vue de la Coupe du monde 2030. L’événement mettra à l’épreuve la résilience des infrastructures, la capacité à gérer des flux transnationaux et la faculté à transformer un moment sportif en levier de développement.
Si l’injection financière immédiate (70 millions €) reste significative, l’enjeu principal est ailleurs : comment utiliser cette dynamique pour consolider l’image du Maroc comme hub du tourisme sportif africain et initier une réflexion sur un tourisme régional intégré, où sport, culture et mobilité deviennent complémentaires?
La CAN 2025 est une expérience déterminante. Elle conjugue un maillage territorial ambitieux, une affluence record soutenue par la diaspora, des retombées économiques immédiates et une stratégie touristique de plus en plus intégrée. Bon gré mal gré, les incertitudes liées au manque d’études officielles sont compensées par une mobilisation opérationnelle robuste. La CAN pourrait devenir un modèle africain de méga-événement, où le football sert de catalyseur à des dynamiques économiques et culturelles bien plus larges. Pourquoi pas ?




