On parle d’économie sociale et solidaire (ESS) au Maroc depuis près de 50 ans. Aujourd’hui, celle-ci est à l’ordre du jour puisqu’elle est citée par le rapport sur le Nouveau Modèle de Développement. Elle est considérée comme un pilier central qui permet d’orienter l’activité économique vers des pratiques responsables envers l’environnement et la société.
Eu égard à l’importance de cette thématique, l’Institut Groupe CDG a organisé, le 08 novembre 2022, un webinaire sous le thème : « Repenser l’économie sociale et solidaire au Maroc », lequel a connu la participation de :
• Sanaë Alami Afilal, Coordinatrice des travaux d’OTED
• Bouchra Rahmouni, Directrice du Laboratoire d’Innovation Sociale et du CoopLab de l’UM6P
• Amina Kchirid, Enseignante chercheure et Présidente de CIRA-ESS
• Ahmed Benabadji, Fondateur du Transilience Institute et Président de l’association «Open Village»
Dans un premier temps, il a été question de lever la confusion qui existe entre ESS et entreprenariat social et solidaire . Ces deux concepts sont certes liés mais doivent être gouvernés de manière différente. L’économie marchande a tendance à survaloriser la figure de l’entrepreneur, car c’est celui-ci qui crée de la valeur. L’ESS est une économie qui crée et qui partage une valeur sociale. Selon Ahmed Benabadji, « on va être dans des comportements de coopération plutôt que de compétition et une recherche de bien-être collectif et non de profit ; on a des soucis d’équité, de pratiques démocratiques et écologiques ».
Pour Amina Kchirid, « l’économie sociale et solidaire est une économie qui conjugue efficacité économique et impact social, confronte intérêt individuel et intérêt collectif ; une économie transverse ; c’est aussi une économie de proximité, une économie qui va répondre à des besoins auxquels l’Etat ne peut pas répondre et qui n’intéressent pas le secteur privé. Ce sont des acctivités économiques et sociales qui vont interagir sur l’intérêt général en étant dans dans des groupements soit de personnes physiques, soit de personnes morales et qui vont travailler sur la question de l’inclusion économique, sociale et financière, sur les problématiques de l’équité, de la justice sociale ».
Bouchra Rahmouni considère que l’ESS se démarque de l’entrepreneuriat social et solidaire notamment, sur la base de deux critères que sont la gouvernance et la lucrativité. L’ESS privilégiera la gouvernance démocratique et une lucrativité limitée. L’entrepreneur social peut opter pour un statut de coopérative, d’association, de fondation ou pour celui d’une société commerciale. Il peut être une initiative privée individuelle ou collective alors que l’ESS est toujours une initiative collective. Sur le terrain, plusieurs acteurs entreprenants sont animés par la volonté de changer l’image de la coopérative perçue comme une structure de subsistance et qui font preuve d’innovation pour répondre à des besoins peu ou mal satisfaits.
Les discussions ont également permis de définir les principales conditions pour que l’ESS soit forte et créatrice de valeur :
• L’ESS est une économie « locale » et constitue un levier de développement des territoires. Elle contribue à la création d’emplois à travers l’insertion des personnes en situation de précarité De ce point de vue, elle peut aisément contribuer à réduire les inégalités et les collectivités territoriales ont un rôle à jouer dans l’encouragement, le financement et le soutien des circuits courts.
• L’ESS ne doit pas être considérée comme une économie qui ne sera sollicitée qu’en temps de crise afin de résoudre des problèmes sociaux ;
• L’ESS est une alternative à l’économie informelle car elle permet de drainer des activités vers le secteur formel, comme l’a démontrée la mise en place du statut de l’auto-entrepreneur ;
• Il est nécessaire de réfléchir et développer des mécanismes de financement spécifiques ;
• Il est important de former, de sensibiliser, d’accompagner les acteurs de ce pan de l’économie ;
• Il faut réfléchir au développement de mécanismes d’évaluation pour mesurer les impacts des fonds investis dans les projets ;
• Afin de stimuler et encadrer l’ESS, il est nécessaire de mettre en place un cadre juridique issu d’une concertation des bénéficiaires et en tenant compte des spécificités de territoires ;
• Il serait opportun de suivre les évolutions du secteur à travers des observatoires et partager l’information avec tous les acteurs de l’écosystème.
Selon Sanae Alami Afilal, les territoires ont des avantages comparatifs naturels, des savoir-faire ancestraux ; ce sont des vrais producteurs de richesse et ceci est le cœur et la base de l’ESS. Il n’est pas question que les territoires s’adaptent aux politiques publiques mais plutôt l’inverse. Mme Alami propose que chaque province présente un plan de développement de son économie sociale et solidaire établi, non pas par un cabinet, mais par une concertation avec l’ensemble des acteurs privés et publics sur le terrain et rendre obligatoire ce plan de développement provincial de l’ESS.
Le webinaire est en ligne sur la chaîne YouTube de l’Institut Groupe CDG : https://www.youtube.com/watch?v=CGkCmPVRp2Y&t=1152s