Il est certain que le Gouvernement est animé par de bonnes intentions inédites envers le secteur du tourisme auquel il érige une feuille de route propre sur le court terme (2023-2026) qu’il décline sur tout le territoire par régions dotées chacune d’un cahier de charges de développement spécifique. Il est tout aussi certain que l’objectif des 17 millions de touristes à atteindre a de quoi griser. Mais ce qui demeure une énigme c’est au niveau de la ventilation des investissements qui iront avec, fixés aux 27 milliards de DH annoncés par la SMIT. Seront-ils orientés strictement vers les nouveaux projets hôteliers, sachant que l’objectif de 30.000 nouvelles chambres ? Quelle sera la part réservée au secteur privé marocain, principal pourvoyeur avec 90% du volume réalisé ? Sera-t-il traité sur le même pied d’égalité que les enseignes étrangères baignées de favoritisme, quand on sait que c’est ce même secteur privé qui a du vivre 2 années complètes de panne sèche mais qui n’a pas lâché malgré vents et marées ? L’Etat saura t-il prendre en considération le militantisme souverain du privé marocain pour l’encourager à réinvestir dans la confiance? Pourquoi n’assisterait-on pas à ce boom touristique d’antan, quand l’Etat a facilité l’émergence de « champions du tourisme », tels que Belghmi, Alami, Benamour, favorisant une dynamique sans précédent de l’économie touristique. Des chaînes nationales, il y en a encore, mais la plupart fonctionnent à bas régime alors que les enseignes internationales, jouissant de bonnes attentions, débrayent vitesse après vitesse. Au même titre que les DMC marocaines qui, livrées à elles-mêmes, se débattent par leurs propres moyens pour amener les touristes, en l’absence de subventions ou, du moins, d’accompagnement réel à l’instar de ce qui se fait avec les entités étrangères en termes de co-marketing.
Mais passons !
L’investissement adossé à la feuille de route n’a pas été aussi pointilleux sur les secteurs favorisant justement l’investissement touristique dans l’ensemble, en particulier les infrastructures d’accompagnement dont doivent s’acquitter les différentes régions, au même titre que les loisirs. En effet, sans un environnement immédiat bien comme il faut, tout nouveau investissement a de rares chances d’aboutir. Et tous les efforts de promotion que les équipes de l’ONMT peuvent consentir seraient peine perdue si tout l’écosystème ne suit pas.
Comme l’a si bien dit Karim Cherif Alami, Président de l’ANIT, dans l’interview qu’il a accordée à notre confrère Le Matin, «90% des investissements effectués au Maroc le sont par des Marocains. Chaque fois que nous produisons des analyses sur le sujet pour dessiner une sorte de radioscopie des investissements au Maroc, qu’il s’agisse d’hébergements, de restaurants ou même de campements de surf, l’écrasante majorité des investissements provient de Marocains. (…) Nous devons défendre tous les acteurs du tourisme sur la chaîne de valeur. Il faut tout faire aujourd’hui pour que ces entités soient plus rentables qu’elles ne l’ont été surtout après deux années de crise sanitaire, parce que nous n’en sommes pas encore sortis. (…) Il faut prêter une attention particulière à ceux qui ont investi, et ce pour une simple raison : il ne s’agit pas uniquement de défendre les intérêts des actionnaires ou des investisseurs ou des PME. Pourquoi de nouveaux investissements, y compris les IDE (Investissements directs étrangers), se dirigeraient-ils vers ce secteur si les investissements de celles et ceux qui y ont déjà investi ne sont pas rentables ? Aujourd’hui, la vraie préoccupation est de poursuivre les efforts entrepris sur les dessertes aériennes, sur la promotion de la/des destination(s). Il faut non seulement promouvoir le Maroc, mais aussi ses régions dans lesquelles se trouve une myriade d’acteurs concernés par le tourisme et qu’il ne faut pas négliger. Plus nous aurons de trafic, plus nous aurons de touristes, plus nous conforterons ceux qui ont déjà investi dans le secteur, plus nous pourrons générer d’investissements demain. Il faut aussi définir ces investissements. Parlons-nous de maisons d’hôtes, parlons-nous du projet casablancais de convertir le palais de la foire en palais des congrès, d’un autre projet de Palais des congrès à Marrakech qui date d’il y a dix ans et qui pourrait sortir de terre d’ici 3 à 4 ans ? Quand nous parlons d’investissements, nous ne pensons pas uniquement aux hôtels, maisons d’hôtes, auberges, restaurants, car il y a d’autres acteurs dans l’écosystème : palais des congrès, aéroports, parcs d’activités, transport et logistique, raccordement numérique du pays, artisanat, sécurité, santé, etc. Ces sujets très importants n’ont pas été négligés dans la feuille de route, mais ne dépendent pas que du ministère du Tourisme. Il y a aussi l’Intérieur, la Santé, la Culture, etc. Quand nous évoquons la question de la valorisation du patrimoine par exemple, cela relève essentiellement du ministère de la Culture. Culture et tourisme sont intimement liés dans de nombreux cas. N’oublions pas tous les touristes marocains qui visitent ou revisitent leur pays, se rendent dans des festivals, des musées, etc. Donc, ne nous concentrons pas uniquement sur les hôtels. La question de l’animation retient souvent l’attention médiatique. Il faut aussi en parler et la prendre au sérieux. On remarque, par exemple, que dans un pôle touristique comme Agadir il en manque cruellement. (…) Il faut certes attirer les investisseurs étrangers, mais ces derniers ne viendront que s’ils trouvent des gages de rentabilité dans la destination où ils investissent. Ce que nous observons bien souvent au Maroc, ce sont de grandes enseignes et de grandes chaînes hôtelières qui ne mettent pas la main à la poche. Ce sont les Marocains et l’État, à travers la CDG, qui investissent et construisent. (…) Les investissements doivent concerner tout l’écosystème. Les hôtels, ce n’est pas suffisant. Même en disposant des plus beaux, si vous n’avez pas l’avion vous n’avez pas le client ; s’il n’y a pas de cordon sanitaire, cela donnera une mauvaise image du pays ; s’il n’y a pas d’animation, les touristes ne reviendront pas, etc. C’est un aspect important pour le Maroc où le taux de retour n’est pas très élevé. Nous devons faire en sorte que les clients reviennent chez nous ».
Les différentes priorités qui devraient primer dans la stratégie d’investissement touristique ont été abondamment traitées par Karim Cherif Alami dans son entretien avec Le Matin. Lire son intégralité dans ce lien : https://lematin.ma/express/2023/tourisme-linvestissement-ho-n-suffisant-anit/392798.html