22 novembre 2024

Et si Ryanair le faisait ?

Michael O’Leary, Pdg de Ryanair

Tollé général soulevé par la supposée prochaine entrée en service de Ryanair par vols inter-villes au Maroc. Les médias ont relayé une info publiée à la racine par un organe de presse arabophone selon laquelle la compagnie irlandaise low cost s’apprêterait à lancer des vols intérieurs dès mars prochain. Initiative audacieuse, certes, mais qui ne présage rien de bon suite au silence préoccupant du Gouvernement, du ministère du Transport et celui du Tourisme pour confirmer ou infirmer par une déclaration ou un communiqué. Bizarre !

Si l’ambition de Ryanair trouve corps, elle chamboulera certainement le business des vols intérieurs au Maroc, jusqu’ici assurés par deux acteurs majeurs : la RAM et Air Arabia. Il faudrait s’attendre à beaucoup de surprises au niveau tarifaire, car la low cost irlandaise baisserait drastiquement ses prix concurrençant en cela même les autocars premium.

A ce qu’il paraît, le management de Ryanair cherche à changer sa dynamique, adopté depuis 2006 lorsqu’elle a commencé à opérer sur 10 aéroports au Maroc, en s’attaquant aux vols intérieurs marocains, créant ainsi, il est vrai, une nouvelle ère dans le secteur aérien du pays en faveur des voyageurs et en défaveur des entreprises des transports inter-villes.

Allant vite en besogne, la compagnie a déjà soumis une demande officielle au gouvernement pour cette expansion significative de ses services. La demande a été transmise du gouvernement à la Direction de l’aviation civile du ministère des Transports et de la Logistique, et une décision est attendue dans les mois à venir. Si elle est approuvée, elle fera assurément des victimes. Encore que son impressionnante flotte, ses prix cassés lui permettent de desservir d’autres destinations africaines à partir du Maroc, au moment où la RAM a mis en place une stratégie efficiente d’ouverture renforcée sur le continent. Une ambition qui se trouverait compromise une fois la demande de Ryanair acceptée. Une demande émanant d’une réelle décision stratégique inscrite dans le contexte plus large de la feuille de route touristique 2023-2026, où le renforcement de la capacité de transport aérien va de lui-même. Déjà le déploiement jusqu’ici de Ryanair joue en sa faveur, puisqu’elle a transporté plus de 40 millions de passagers depuis ses débuts jusqu’à fin octobre de cette année. La compagnie a récemment annoncé le lancement de son plus grand programme de vols pour l’hiver 2023-2024 dédié au Maroc, avec 840 vols internationaux par semaine, soit une augmentation de 20% par rapport à 2022, couvrant 126 itinéraires.

Mieux, pour soutenir cette expansion, Ryanair a signé une commande massive de 390 avions Boeing 737, représentant un investissement colossal de plusieurs milliards de dollars. Ces avions, prévus pour être livrés au cours de la prochaine décennie, augmenteront la capacité mondiale de la compagnie de 225 millions de passagers par an en 2026 à 300 millions d’ici 2034. Cet investissement massif témoigne de la confiance de Ryanair dans le potentiel de croissance du marché marocain et de son engagement à long terme dans la région.

Le nouveau programme de la compagnie aérienne renforcera les liaisons entre le Maroc et les aéroports européens, avec un accent particulier sur les nouveaux vols directs. Les marchés clés du tourisme, tels que les pays scandinaves, l’Allemagne, l’Europe de l’Est et le Royaume-Uni, seront directement touchés par ces nouvelles liaisons. Cette stratégie s’aligne parfaitement avec l’annonce récente selon laquelle le Maroc, en collaboration avec l’Espagne et le Portugal, accueillera la Coupe du Monde 2030, renforçant ainsi la nécessité d’une connectivité aérienne efficace.

En prévision de cette expansion, Ryanair a également affecté un avion supplémentaire à sa flotte pour desservir le Maroc, le Boeing 737 Gamechanger. Cet ajout porte sa flotte totale à 12 avions dédiés à cette région, représentant un investissement substantiel d’environ 1,2 milliard de dollars sur deux décennies.
De quoi donner des sueurs froides à la RAM et à Air Arabia…

La liberté d’autoriser les vols entre le Maroc et d’autres pays est évidente, elle met néanmoins en lumière la nécessité de préserver l’équilibre entre compagnies internationales et nationales.

Le risque qu’il y a à favoriser les compagnies internationales au détriment des transporteurs aériens nationaux est réel. A moins de démontrer que les entreprises marocaines ne connaîtront pas le même sort que le secteur du transport maritime, en proie à une réduction quasi nulle des activités commerciales.

Il est impératif que les décideurs politiques n’agissent pas en vase clos, mais impliquent tous les acteurs concernés. La transparence et la participation de toutes les parties prenantes, notamment les entreprises nationales, sont essentielles pour garantir une décision éclairée et équilibrée.

Une libération totale devrait s’accompagner d’une réflexion approfondie sur d’autres secteurs tels que les assurances internationales, la médecine et les hôpitaux, dans le cadre des libertés d’entreprendre entre l’Union Européenne et le Maroc. La clarification des responsables politiques est attendue afin de comprendre les implications globales de cette démarche.

La question de savoir si des compagnies telles que Ryanair opéreront sous pavillon marocain suscite des inquiétudes légitimes. La création d’une filiale marocaine ou l’obtention de dérogations pour les vols intérieurs soulèvent des préoccupations quant aux conséquences fiscales et économiques. Éviter la TVA en faveur de compagnies étrangères pourrait mettre en péril les transporteurs nationaux, les obligeant peut-être à abandonner les vols intérieurs. En attendant des clarifications des responsables politiques, il est crucial de prendre en compte toutes les dimensions économiques et stratégiques pour assurer un Open Sky Maroc qui profite à l’ensemble du secteur, national et international…

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