De janvier à juillet 2025, le Maroc a accueilli 11,6 millions de touristes internationaux, soit une progression de 16 % par rapport à l’année précédente. Derrière cette performance, se dessine une dynamique à double visage : d’un côté une attractivité renforcée et diversifiée, de l’autre des fragilités structurelles qu’il faudra maîtriser pour transformer la croissance en véritable modèle durable.
La fidélité des marchés européens demeure un socle solide. La France (3,39 millions de visiteurs, +12 %) et l’Espagne (2,67 millions, +16 %) représentent encore plus de la moitié des arrivées. Leur importance repose sur une longue proximité culturelle et humaine, renforcée par les liaisons aériennes régulières et le rôle des diasporas marocaines. Toutefois, le paysage évolue : la progression des flux en provenance du Royaume-Uni (+26 %), de l’Italie (+23 %), du Canada (+29 %) et des États-Unis (+18 %) montre que la stratégie de diversification commence à porter ses fruits. Ces marchés lointains, en particulier nord-américains, apportent une clientèle au pouvoir d’achat élevé et intéressée par des expériences culturelles et haut de gamme, bien au-delà du seul balnéaire.
Cette montée en puissance n’aurait pas été possible sans une amélioration de la connectivité. L’aérien reste la clé d’entrée dominante, avec 7,9 millions de voyageurs. Marrakech-Menara conserve son rôle de locomotive, mais c’est surtout l’aéroport de Casablanca Mohammed V qui surprend par sa croissance fulgurante de +24 %, consolidant sa place de hub intercontinental. Parallèlement, les accès terrestres et maritimes connaissent aussi un regain : le poste frontière de Bab Sebta (+17 %) et le port de Tanger Med (+16 %, 1,57 million de passagers) illustrent l’importance des flux de Marocains résidant à l’étranger et le rôle stratégique des infrastructures portuaires.
Sur le plan de l’offre, le Maroc commence à récolter les fruits d’une politique de diversification. À côté des destinations phares comme Marrakech ou Agadir, des pôles balnéaires tels que Saïdia gagnent en visibilité grâce aux labels environnementaux (Pavillon Bleu, site Ramsar de la Moulouya) et aux grands événements sportifs (triathlon mondial, tournois de golf, régates). Cette pluralité permet de lisser la fréquentation au-delà du seul mois d’août et d’attirer des clientèles aux attentes variées. L’hôtellerie internationale, portée par l’arrivée d’enseignes comme Radisson, Iberostar ou Marriott, offre par ailleurs des standards de qualité qui renforcent la crédibilité du Maroc sur les marchés haut de gamme.
Cependant, cette trajectoire ascendante s’accompagne de défis non négligeables. La concentration géographique de Marrakech et Casablanca reste préoccupante puisqu’à elles seules, elles absorbent plus de 60 % des arrivées. Certaines destinations, comme Chefchaouen ou Essaouira, risquent de voir leur équilibre fragilisé par un tourisme de masse mal régulé, tandis que d’autres régions, tels le Rif, l’Oriental, le Moyen Atlas, demeurent encore sous-exploitées malgré leur potentiel.
En somme, le Maroc vit en 2025 une phase euphorique qui confirme son statut de destination touristique mondiale en croissance. Les acquis sont indéniables : diversification des marchés, amélioration de la connectivité, montée en gamme de l’offre. Mais pour que cette dynamique se transforme en modèle pérenne, il sera nécessaire de désengorger les pôles saturés, de mieux répartir les bénéfices sur le tissu local et d’inscrire le développement dans une logique de durabilité réelle et non simplement déclarative. Le pays se trouve ainsi à un tournant : croître autrement, en conciliant attractivité, équilibre territorial et responsabilité.




